La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/03/2007 | FRANCE | N°05MA01632

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 29 mars 2007, 05MA01632


Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2005, présentée pour

Mme Marie-Thérèse X élisant domicile ..., par Me Moroni ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0001471 en date du 27 mai 2005, par lequel le Tribunal administratif de Nice a limité le montant de l'indemnisation du préjudice consécutif à sa contamination par le virus de l'hépatite C à la somme de 60 000 euros ;

2°) de condamner le centre hospitalier intercommunal de Toulon la Seyne à lui payer la somme 87 560 euros au titre du préjudice financier, la somme de 30 500 euros aux ti

tre des souffrances endurées, la somme de 76 225 euros au titre du préjudice moral e...

Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2005, présentée pour

Mme Marie-Thérèse X élisant domicile ..., par Me Moroni ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0001471 en date du 27 mai 2005, par lequel le Tribunal administratif de Nice a limité le montant de l'indemnisation du préjudice consécutif à sa contamination par le virus de l'hépatite C à la somme de 60 000 euros ;

2°) de condamner le centre hospitalier intercommunal de Toulon la Seyne à lui payer la somme 87 560 euros au titre du préjudice financier, la somme de 30 500 euros aux titre des souffrances endurées, la somme de 76 225 euros au titre du préjudice moral et la somme de 7 623 euros au titre du préjudice d'agrément ainsi qu'une somme de 76 200 euros hors taxes au titre des frais d'instance ;

…………………………………………………………………………………………..

Vu la loi n°98-535 du 1er juillet 1998 ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

En application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que le jugement paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 2007 ;

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;

- les observations de Me Beraud de la SELARL Baffert-Fructus et associés pour l'Etablissement français du sang ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X a demandé réparation devant le Tribunal administratif de Nice au centre hospitalier de Toulon La Seyne-sur-Mer des conséquences dommageables d'une contamination par le virus de l'hépatite C diagnostiquée en 1994 qu'elle estimait imputable à une transfusion de produits sanguins réalisée à l'occasion d'un accouchement en 1981 ; que Mme X interjette appel du jugement du 27 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nice a limité le montant de l'indemnisation du préjudice consécutif à sa contamination à la somme de 60 000 euros ; que, par la voie de l'appel incident, l'Etablissement français du sang conteste l'origine transfusionnelle de la contamination ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des deux rapports d'expertise que Mme X a été transfusée d'une poche de sang au mois d'avril 1981 lors de son accouchement au centre hospitalier de Toulon La Seyne-sur-Mer ; qu'il résulte également de l'instruction qu'aucune enquête transfusionnelle n'a pu être menée du fait de l'absence de conservation des données caractéristiques par le centre hospitalier du culot transfusé à la patiente ; qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que Mme X présentait des risques de contamination eu égard à ses antécédents médicaux ou à son mode de vie et qu'elle ait fait l'objet d'autres transfusions sanguines, ni qu'elle ait été exposée à un autre mode de contamination par le virus de l'hépatite C qui lui aurait été propre ; que l'imputabilité de la contamination par le virus de l'hépatite C à une infection nosocomiale ne résulte d'aucun élément du dossier ; qu'il suit de là que, dans les circonstances de l'espèce, le lien de causalité entre la transfusion et la contamination de Mme X doit être regardé comme établi ; que l'Etablissement français du sang n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 27 mai 2005, le Tribunal administratif de Nice l'a condamné à garantir le centre hospitalier de Toulon La Seyne-sur-Mer des condamnations prononcées à l'encontre de ce dernier, du fait des conséquences dommageables de la contamination de Mme X par le virus de l'hépatite C à raison de la transfusion qui lui a été administrée en 1981, en application de la convention conclue le 4 novembre 1999 sur le fondement du B de l'article 18 de la loi n°98-535 du 1er juillet 1998 ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X a été contaminée par le virus de l'hépatite C à l'âge de 29 ans ; que le diagnostic a été porté en 1994 alors qu'elle souffrait d'une fatigue anormale et de douleurs abdominales ; qu'elle a subi depuis 1995 plusieurs traitements par Interféron mal tolérés et qu'elle a dû se soumettre à plusieurs biopsies ainsi qu'à un suivi régulier ; qu'elle est atteinte d'une cirrhose évolutive à la date de la dernière expertise pour laquelle un traitement à long terme est envisagé et son état de santé n'est pas consolidé ; qu'elle a enduré des souffrances physiques causées par les biopsies hépatiques, les bilans biologiques répétés et l'intolérance thérapeutique ; qu'elle souffre, en outre, d'une dépression ; que, dans ces circonstances, en lui allouant une indemnité de 60 000 euros destinée à réparer l'ensemble des troubles dans ses conditions d'existence, en raison de la maladie et des traitements qu'elle a subis, des craintes légitimes qu'elle peut entretenir quant à l'évolution de son état de santé ainsi que des souffrances endurées, le tribunal n'a fait ni une insuffisante ni une excessive appréciation de ses préjudices y compris le préjudice d'agrément et sexuel ; que Mme X ne saurait toutefois prétendre à obtenir une indemnité en réparation du préjudice économique allégué dès lors qu'elle n'apporte à l'appui de sa demande aucun élément justifiant de l'existence d'un tel chef de préjudice ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Var :

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 376 ;1 du code de sécurité sociale : « Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elles endurées et au préjudice esthétique et d'agrément ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la lettre du médecin conseil produit en première instance datée du 3 juillet 2002, que la caisse primaire d'assurance maladie du Var justifie de débours engagés du fait de la contamination de Mme X pour une somme de 10 212,91 euros au titre des huit hospitalisations de l'intéressée pour la période du 23 janvier 1995 au 9 novembre 1999 et pour une somme de 50 471,74 euros au titre des arrérages échus et du capital invalidité ; qu'en revanche, il n'est pas établi par les pièces du dossier et notamment pas par la production d'un relevé de prestations que les montants

de 8 457,02 euros, 259,94 euros et 1 015,07 euros au titre des frais médicaux et de pharmacie pour la période du 13 janvier 1997 au 25 mars 2005 et au titre des soins infirmiers pour les périodes du 16 février 1998 au 13 janvier 2004 et du 7 janvier au 18 mars 2000 trouvent leur origine dans la contamination transfusionnelle de la victime par le virus de l'hépatite C ; que, de même, la somme de 1 034,70 euros réclamée par la caisse par un mémoire daté de septembre 2006 au titre des frais futurs pour l'année 2005, n'est pas justifiée ; que, par suite, il y a lieu de ramener la somme à laquelle le centre hospitalier a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Var de 71 451,38 euros à celle de 60 684,65 euros ;

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Var sollicite, pour la première fois en appel, la condamnation du centre hospitalier de Toulon La Seyne-sur-Mer et de l'Etablissement français du sang à lui verser une somme de 910 euros sur le fondement du 5ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; que, par suite, ces conclusions, irrecevables, pour ce motif, doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Nice a limité l'indemnisation de l'ensemble de ses préjudices à la somme de 60 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Toulon La Seyne-sur-Mer, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1 : La requête de Mme Marie-Thérèse X est rejetée.

Article 2 : La somme de 71 451,38 euros à laquelle le centre hospitalier de Toulon

La Seyne-sur-Mer a été condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Var est ramenée à la somme de 60 684,65 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Etablissement français du sang et de la caisse primaire d'assurance maladie du Var est rejeté.

Article 4 : Le jugement susvisé est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Thérèse X, à l'Etablissement français du sang, au centre hospitalier de Toulon La Seyne-sur-Mer, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et au ministre de la santé et des solidarités.

Copie en sera adressée à Me Moroni, à Me Moreau, à Me Le Prado, à Me Depieds et au préfet du Var.

N° 05MA01632 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA01632
Date de la décision : 29/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : MORONI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-03-29;05ma01632 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award