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15/02/2007 | FRANCE | N°06MA02002

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 15 février 2007, 06MA02002


Vu la requête enregistrée le 11 juillet 2006, présentée pour M. Haldun X élisant domicile chez Me Kouevi ... par Me Kouevi ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604260 en date du 27 juin 2006 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 23 juin 2006 par lequel le préfet du Var a décidé sa reconduite à la frontière à destination de la Turquie ou de tout autre pays où il serait légalement admissible ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

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) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de...

Vu la requête enregistrée le 11 juillet 2006, présentée pour M. Haldun X élisant domicile chez Me Kouevi ... par Me Kouevi ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604260 en date du 27 juin 2006 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 23 juin 2006 par lequel le préfet du Var a décidé sa reconduite à la frontière à destination de la Turquie ou de tout autre pays où il serait légalement admissible ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………..

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 1er décembre 2006 par laquelle le président de la Cour a notamment désigné M. Jean-Louis Bédier, président, pour statuer sur les appels formés contre les jugements statuant sur des recours en annulation d'arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 février 2007 ;

- le rapport de M. Bédier, rapporteur ;

- les observations de Me Kouévi ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 27 juin 2006 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 23 juin 2006 par lequel le préfet du Var a décidé sa reconduite à la frontière à destination de la Turquie ou de tout autre pays où il serait légalement admissible aux motifs que son état de santé et les risques auxquels il se trouve exposé dans son pays d'origine s'opposeraient à une telle mesure d'éloignement ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité turque, ne justifie pas de son entrée régulière en France ; qu'en outre, il est constant, qu'à la date de la mesure de reconduite à la frontière attaquée, il n'était titulaire d'aucun titre de séjour ; que, par suite, il entrait dans le cas prévu au 1° de l'article L.511-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut ordonner la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions du 10° de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (…) L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi;

Considérant, d'une part, que M. X soutient que le préfet aurait dû, suite à la présentation de son dossier médical en préfecture, saisir, sur le fondement des dispositions de l'article 7-5 du décret du 30 juin 1946 susvisé, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales afin de déterminer si le défaut de prise en charge médicale pouvait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et s'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de retour ; que, toutefois, alors que le préfet du Var conteste formellement que le requérant se serait présenté en préfecture aux fins d'examen de son dossier médical et avoir opposé un refus à une telle demande, le requérant n'apporte pas la preuve de ses allégations sur ce point ; que le préfet n'avait, dès lors, pas à examiner la situation de M. X au regard des dispositions du 10° de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni à recueillir l'avis du médecin inspecteur de santé publique ;

Considérant, d'autre part, que, si M. X a été hospitalisé en juillet 2002 suite à un syndrome occlusif et souffrait encore en décembre 2005 de troubles gastriques, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé aurait nécessité une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ou que l'affection dont il souffre ne puisse être soignée qu'en France ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ; et, qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de ladite convention : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des documents produits par le requérant et dont l'authenticité n'est pas sérieusement contestée par le préfet qui se borne à relever l'absence d'agrément d'un des traducteurs et l'existence d'approximations grammaticales et juridiques dans la traduction des pièces, que M. X a été condamné le 13 novembre 2003 par contumace à une peine de trois ans et neuf mois de prison par la cour de sûreté de l'Etat de Van en Turquie pour avoir fourni une aide logistique à une organisation terroriste ; que ce jugement de condamnation vient corroborer les affirmations de M. X selon lesquelles il serait exposé, en cas de retour en Turquie, à des menaces pour sa liberté ; que, dès lors, en tant qu'il décide que M. X sera reconduit à destination de la Turquie, l'arrêté en date du 23 juin 2006 du préfet du Var est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux risques que l'intéressé encourt en cas de retour dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2006 par laquelle le préfet du Var a décidé sa reconduite à la frontière en tant que cet arrêté décide que M. X sera reconduit à destination de la Turquie ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du préfet du Var en date du 23 juin 2006 est annulé en tant qu'il décide que M. X sera reconduit à destination de la Turquie.

Article 2 : Le jugement du magistrat délégué du Tribunal administratif de Marseille en date du 27 juin 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Haldun X, au préfet du Var et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie en sera adressée à Me Kouevi.

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0602002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 06MA02002
Date de la décision : 15/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : KOUEVI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-02-15;06ma02002 ?
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