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12/02/2007 | FRANCE | N°05MA00709

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 12 février 2007, 05MA00709


Vu 1°) la requête, enregistrée le 23 mars 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 05MA00709, présentée par Me Stratigeas, avocat, pour la SOCIETE LOU PANTAI, dont le siège est 16 rue de l'Etang aux Saintes-Maries-de-la-Mer (13640) ; La SOCIETE LOU PANTAI demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 0205792 du 21 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a ordonné sans délai son expulsion des parcelles qu'elle occupe sans droit ni titre sur le domaine appartenant au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages

lacustres, et l'a condamnée à payer au Conservatoire de l'espace l...

Vu 1°) la requête, enregistrée le 23 mars 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 05MA00709, présentée par Me Stratigeas, avocat, pour la SOCIETE LOU PANTAI, dont le siège est 16 rue de l'Etang aux Saintes-Maries-de-la-Mer (13640) ; La SOCIETE LOU PANTAI demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 0205792 du 21 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a ordonné sans délai son expulsion des parcelles qu'elle occupe sans droit ni titre sur le domaine appartenant au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, et l'a condamnée à payer au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres la somme de 216 000 euros en réparation du préjudice causé à ce dernier par ladite occupation sans droit ni titre ;

2°/ de rejeter la demande d'expulsion ;

3°/ subsidiairement, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à payer au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres la somme de 216 000 euros en réparation du préjudice causé à ce dernier par l'occupation sans droit ni titre, et de calculer l'indemnité d'occupation postérieure au 31 mars 1999 sur la base de 1 524,50 euros par an conformément à la référence du contrat ;

4°/ de condamner le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à lui verser une somme de 273 060 euros au titre du préjudice matériel global subi du fait de la responsabilité fautive dudit conservatoire ;

5°/ de condamner le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que les juridictions de l'ordre administratif sont incompétentes à raison du régime de domanialité qui trouve à s'appliquer en l'espèce ;

- que les parcelles litigieuses n'ont pas fait l'objet d'un aménagement spécial ;

- que la SOCIETE LOU PANTAI était titulaire d'un droit d'occupation consenti sur une dépendance du domaine privé du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et que ses prétentions étaient exclusives de la compétence de cette dernière ;

- que les juridictions administratives sont également incompétentes à raison de la qualification juridique du titre d'occupation qui lui a été conféré ;

- que le contrat en question ne constitue pas autre chose qu'un contrat de bail conclu dans le cadre du statut des baux ruraux ;

- que la demande d'expulsion est intervenue dans des conditions illicites ;

- que la somme de 216 000 euros qu'elle a été condamnée à payer est tout à fait invraisemblable en l'état du loyer habituel des terres en Camargue ;

- que le montant de ce préjudice, par le calcul de l'indemnité d'occupation postérieure au 31 mars 1999, ne peut être retenu que sur la base de 1 524,50 euros par an, conformément au contrat ;

- que si par impossible, il était jugé que les parcelles objet du contrat du 19 janvier 1993 relevaient du régime de la domanialité publique, il y aurait lieu de dire et juger que le conservatoire a commis une faute en ayant conclu une convention qu'il qualifiait et exécutait lui-même comme rien d'autre qu'un contrat de droit privé ;

- que cette responsabilité fautive serait indubitablement acquise en cette hypothèse et serait à l'origine directe et certaine d'un préjudice matériel subi par elle ;

- que la SOCIETE LOU PANTAI et son exploitation agricole seraient placées dans une situation de péril immédiat puisque ces pâturages lui feraient défaut ;

- que le préjudice matériel global qu'elle a subi ne saurait être apprécié à une somme inférieure de l'ordre de 273 060 euros, somme au paiement de laquelle le Conservatoire devrait être condamné ;

- qu'elle justifie désormais formellement de la liaison du contentieux s'agissant de sa demande indemnitaire ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2005 au greffe de la Cour, présenté pour le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, par Me Champauzac ; Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres conclut à titre principal au rejet de la requête ; Elle conclut à titre reconventionnel, à ce que la Cour prononce la nullité de la convention du 19 janvier 1993 ; à ce qu'elle condamne la SOCIETE LOU PANTAI au paiement de la somme de 120 000 euros à titre d'occupation illicite du domaine du Mas de la Cure pour la période postérieure à la saisine du tribunal administratif jusqu'à la date provisoire du 29 mai 2005, avec intérêts et capitalisation ; à ce que la Cour procède à la liquidation provisoire d'une astreinte de 100 euros par jour à compter de la notification de la décision de première instance, astreinte devant être portée à 2 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêté à intervenir ou tout du moins à 1 900 euros par jour de retard en complément de celle assortissant la décision de première instance ; elle conclut enfin à ce que la Cour condamne la SOCIETE LOU PANTAI à lui verser une somme de 10 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la convention en question est indiscutablement un contrat de droit public ;

- que les conditions d'affectation des parcelles litigieuses au domaine public du Conservatoire sont pleinement remplies ;

- que la juridiction administrative est donc bien compétente ;

- que la décision du Conservatoire de ne « pas renouveler les termes » de la convention ne saurait être regardée comme une décision de résiliation ;

- que nonobstant l'effet dévolutif de l'appel, la SOCIETE LOU PANTAI n'est pas fondée à remettre en question en cause d'appel le montant d'une indemnité d'occupation qu'elle n'a pas contesté en première instance ;

- que la régularisation de l'absence de décision préalable est impossible et que la demande indemnitaire formée en cours d'instance et sans décision préalable est irrecevable ;

- qu'il est cependant manifeste que la convention du 16 janvier 1993 a été extorquée par erreur substantielle sur la qualité d'occupant légitime de la partie orientale du Mas de la Cure par la SOCIETE LOU PANTAI ;

- que la fraude constante dans ces agissements confirme que le consentement du Conservatoire a été surpris par le dol, la ruse, et la manoeuvre ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 septembre 2005 au greffe de la Cour, présenté pour le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, par Me Champauzac ; Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Il soutient en outre :

- que la SOCIETE LOU PANTAI, pleinement consciente du bien-fondé de la fin de non-recevoir opposée par le Conservatoire s'agissant de sa demande indemnitaire, a saisi le Tribunal administratif de Marseille d'un recours indemnitaire autonome ;

- qu'il ne peut se priver de rappeler que l'occupation illicite du domaine public a compromis notamment, en raison du surpâturage, l'intégrité et la destination des immeubles occupés, et que c'est ainsi qu'il a fait établir un devis par les établissements Biscione chiffrant le coût des travaux de reprise des dégradations causées par les bestiaux de la SOCIETE LOU PANTAI ;

- que l'appelante est ainsi mal venue dans ses prétentions pécuniaires alors qu'elle est la seule débitrice de la cause ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 novembre 2005 au greffe de la Cour, présenté pour la SOCIETE LOU PANTAI, par Me Stratigeas ; La SOCIETE LOU PANTAI conclut aux mêmes fins que précédemment, et à titre subsidiaire, à l'annulation de la décision de résiliation de la convention de 1993 ;

Elle soutient :

- qu'il est constant qu'elle n'a plus occupé ni exploité depuis 1998, les parcelles nécessaires à l'aménagement, sur le territoire du domaine du Mas de la Cure, de la maison du cheval Camargue ;

- qu'ainsi, la convention relative à la maison du cheval Camargue a été entièrement réalisée à ce jour sur les parcelles libérées par le SOCIETE LOU PANTAI dès 1998 et qui ne font plus litige ;

- qu'il n'existe aucun acquiescement d'aucune sorte de la SOCIETE LOU PANTAI au principe et moins encore au montant de l'indemnité d'occupation que sollicitait le Conservatoire, et qu'en retenant une somme de 216 000 euros, soit 4 000 euros par mois, le tribunal a commis une erreur évidente ;

- que ceci est susceptible de conférer au Conservatoire un enrichissement sans cause ;

- qu'à la date de la notification de la résiliation, la cause de cette résiliation était devenue inexistante puisque l'objet poursuivi avait été intégralement rempli et satisfait de l'aveu propre du Conservatoire ;

- que le Conservatoire s'est ensuite comporté avec la SOCIETE LOU PANTAI dans des conditions qui faisaient que l'occupation des parcelles litigieuses s'est poursuivie dans des conditions d'acceptation tacite et nécessaire entre les parties et ce jusqu'à la requête devant le tribunal administratif du mois de novembre 2002 ;

- que l'exploitation principalement pastorale du Domaine du Mas de la Cure est pleinement compatible avec la vocation de ce domaine et avec la mission de service public su Conservatoire ;

- que si par extraordinaire, la cour administrative d'appel estimait devoir suivre le Conservatoire sur le moyen d'irrecevabilité des prétentions à des fins indemnitaires soutenu dans le cadre de la présente instance d'appel à défaut de présentation desdites prétentions en 1ère instance, elle fait valoir qu'elle a distinctement introduit une instance devant le Tribunal administratif de Marseille suivant requête introductive enregistrée le 24 août 2005 ;

- que pour le reste, il est radicalement inexact de prétendre que les prétentions à des fins indemnitaires présentées reconventionnellement soient dépourvues de lien suffisant avec la demande principale du Conservatoire ;

- que s'agissant enfin de l'appel incident du Conservatoire relatif à la nullité alléguée de la convention du 19 janvier 1993, l'action en nullité est irrémédiablement prescrite par application des dispositions de l'article 1304 du code civil ;

- qu'il est radicalement inexact de persister à soutenir, contre toute évidence et eu égard aux décisions judiciaires intervenues, que le consentement du Conservatoire aurait été affecté de vice, à raison de faits de prise illégale d'intérêt qui étaient inutilement reprochés à l'ancien maire de la commune et au sujet desquels sa culpabilité a été définitivement écartée en l'état notamment de l'arrêt de la cour de cassation ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 janvier 2006 au greffe de la Cour, présenté pour la SOCIETE LOU PANTAI, par Me Stratigeas ; La SOCIETE LOU PANTAI conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Elle soutient en outre :

- que la décision de résiliation du titre d'occupation a procédé d'un détournement de pouvoir, en ce que le but réellement poursuivi par le Conservatoire était atteint avant même la survenance de la date d'effet de la décision ;

- que la décision par laquelle il était notifié qu'il était mis fin à la convention avait pour cause un accord consistant à libérer une partie seulement des parcelles, le corollaire étant que ladite parcelle continuait d'occuper les parcelles restantes ;

- qu'en s'évertuant à obtenir une décision de justice qui « validerait » la décision de résiliation litigieuse et jugerait la SOCIETE LOU PANTAI occupante sans droit ni titre dès 1998, le Conservatoire cherche à priver la SOCIETE LOU PANTAI du bénéfice de ce droit au maintien prioritaire ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 avril 2006 au greffe de la Cour, présenté pour le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, par Me Champauzac ; Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Il soutient en outre :

- qu'il est faux d'alléguer que la convention de 1993 a été « résiliée » alors que le Conservatoire a simplement fait l'usage normal de la faculté conventionnelle expressément édictée par les parties, pour dénoncer la convention litigieuse, comme il lui était loisible de le faire sans avoir à justifier d'un quelconque motif et s'opposer en toute légalité à son renouvellement tacite 8 mois avant l'expiration de la convention ;

- qu'il est donc vain d'arguer d'une résiliation s'agissant d'une reconduction parfaitement régulière ;

- qu'il est vain d'arguer de l'avis du Conseil d'Etat du 6 novembre 1984 alors que la haute juridiction a émis plus récemment, en 1995, un avis explicite sur la question ;

- que l'affectation de l'immeuble mis à disposition de la mission de service public du Conservatoire confirme irrémédiablement, au vu de l'avis du Conseil d'Etat du 31 janvier 1995, la domanialité publique du domaine du Mas de la Cure ;

- que la SOCIETE LOU PANTAI est fort mal venue de contester le quantum de l'indemnité d'occupation pour la première fois en cause d'appel, et qu'il est vain de soutenir que le Conservatoire s'enrichirait « sans cause » de sommes excédant le montant du loyer initialement prévu par la convention expirée en 1998 ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 18 janvier et 2 février 2007 au greffe de la Cour, présentée pour la SOCIETE LOU PANTAI, par Me Stratigeas ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 22 et 25 janvier 2007 au greffe de la Cour, présentée pour le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, par Me Champauzac ;

Vu 2°) la requête, enregistrée le 23 mars 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 05MA00710, présentée par Me Stratigeas, avocat, pour la SOCIETE LOU PANTAI, dont le siège est 16 rue de l'Etang aux Saintes-Maries-de-la-Mer (13640) ; La SOCIETE LOU PANTAI demande à la Cour de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement sus mentionné du Tribunal administratif de Marseille du 21 décembre 2004 ;

Elle soutient :

- que l'exécution du jugement attaqué entraînerait immanquablement des conséquences irréversibles ;

- que sa situation de trésorerie rend impossible le paiement de la somme de 216 000 euros à laquelle elle été condamnée en première instance ;

- qu'à supposer qu'elle y parvienne, elle encourrait de façon certaine une procédure de liquidation judiciaire ;

- que d'ores et déjà, la partie adverse d'est empressée de mettre en oeuvre diverses mesures d'exécution forcée ;

- qu'elle est à ce jour privée de ressources indispensables, ce qui ne fait qu'ajouter à l'imminence du péril si cette situation n'était pas arrêtée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2005 au greffe de la Cour, présenté pour le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, par Me Champauzac ; Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres conclut à titre principal au rejet de la requête aux fins de sursis à l'exécution ; Il conclut à titre subsidiaire, à ce que la Cour cantonne la demande de sursis à l'indemnité prononcée relativement à l'occupation du domaine public et rejette la demande de sursis en tant qu'elle serait dirigée contre la décision d'expulsion et l'astreinte de 100 euros par jour de retard ;

Il soutient que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir d'un risque de redressement judiciaire, qui reste la conséquence de sa propre turpitude, pour exciper de conséquences difficilement réparables ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 novembre 2005 au greffe de la Cour, présenté pour la SOCIETE LOU PANTAI, par Me Stratigeas ; La SOCIETE LOU PANTAI conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 avril 2006 au greffe de la Cour, présenté pour le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, par Me Champauzac ; Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2007 :

- le rapport de Mme Pena, conseiller ;

- les observations de Me Stratigeas de la SCP Cadji et Associés, avocat de la SOCIETE LOU PANTAI ;

- les observations de Me Begon substituant Me Champauzac, avocat du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;

- et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par la requête enregistrée sous le n° 05MA00709, la SOCIETE LOU PANTAI relève appel du jugement du 21 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a ordonné sans délai son expulsion des parcelles qu'elle occupe sans droit ni titre sur le domaine appartenant au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, et l'a condamnée à payer au Conservatoire la somme de 216 000 euros en réparation du préjudice causé à ce dernier par ladite occupation sans droit ni titre ; qu'en outre, par la requête enregistrée sous le n° 05MA00710, la SOCIETE LOU PANTAI demande que soit prononcé le sursis à l'exécution dudit jugement du Tribunal administratif de Marseille du 21 décembre 2004 ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a acquis, le 16 juillet 1985, le domaine du Mas de la Cure, détaché d'un plus grand domaine dénommé « Domaine du Château d'Avignon » ; que par convention en date du 15 octobre 1985, la gestion du Mas de la Cure a été confiée à la commune des Saintes-Marie-de la-Mer ; que cette gestion avait pour objectif la sauvegarde de l'espace, le respect du site naturel et de l'équilibre écologique ; que par une délibération de son conseil d'administration en date du 28 octobre 1987, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a classé un certain nombre de parcelles acquises et situées sur le territoire national, dans son domaine propre ; qu'au nombre de ces parcelles figurait le domaine du château d'Avignon ; qu'en outre, il résulte d'une part, des conventions conclues entre le Conservatoire, la commune des Saintes-Marie-de-la-Mer et le Parc Naturel Régional de Camargue les 20 mars 1997 et 16 août 1999, d'autre part du plan de gestion du domaine du Mas de la Cure, que l'intérêt de l'acquisition du domaine du Mas de la Cure par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres résidait dans l'intégration dans le domaine public d'éléments remarquables du patrimoine naturel et culturel de la Camargue ; que lesdites conventions prévoyaient à cet égard une ouverture au public ainsi qu'un aménagement spécial des terres consistant à assurer la protection des espèces tant végétales qu'animales et à valoriser le site ; qu'il ressort de ces différents documents que le pâturage extensif devait contribuer à la réalisation de ces objectifs ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble de ces circonstances, le domaine du Mas de la Cure doit être regardé comme faisant partie du domaine public du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ; que la convention du 19 janvier 1993 liant le Conservatoire à la SOCIETE LOU PANTAI a, par suite, le caractère d'un contrat portant occupation du domaine public, malgré sa dénomination de « convention pluriannuelle de pâturage », et alors même d'une part, qu'elle comportait des clauses se référant aux règles de louage prévues dans le code civil, d'autre part, qu'elle ne mentionnait pas expressément l'appartenance des parcelles litigieuses au domaine public ; que, dès lors, il appartient bien à la juridiction administrative de connaître de la demande d'expulsion présentée par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à l'encontre de la SOCIETE LOU PANTAI du domaine du Mas de la Cure ;

Sur la mesure d'expulsion :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la convention du 19 janvier 1993 signée entre le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et la SOCIETE LOU PANTAI : « Cette convention est établie pour une durée de 5 ans entiers et consécutifs à compter de la date du visa du contrôleur financier ci-dessous. Sauf dénonciation, six mois avant son terme, par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, la convention se renouvellera pour trois années par tacite reconduction et ainsi de suite à chaque renouvellement » ;

Considérant que le contrôleur financier a visé ladite convention le 26 mars 1993 ; qu'ainsi, en application des dispositions contractuelles sus rappelées, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres pouvait mettre fin à l'autorisation d'occupation dont bénéficiait la SOCIETE LOU PANTAI à compter du 26 mars 1998, à la condition d'aviser l'intéressée par lettre recommandée adressée au moins six mois avant la fin du délai prévu ; qu'il résulte de l'instruction que le Conservatoire a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 juillet 1997 adressée à la SOCIETE LOU PANTAI, indiqué à l'intéressée qu'il entendait mettre fin à l'autorisation d'occupation qui lui avait été consentie et que celle-ci deviendrait donc caduque à partir du 26 mars 1998 ; que toutefois, à la demande de la SOCIETE LOU PANTAI faisant part des difficultés techniques auxquelles cette décision l'exposait pour l'hivernage de la manade, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres lui a, par lettre du 19 mars 1998, accordé un délai jusqu'au 31 mars 1999 pour libérer les lieux ; que le détournement de pouvoir qu'elle allègue à l'encontre de cette décision n'étant pas établi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de résiliation de la convention susmentionnée serait entachée d'illégalité ; qu'il s'ensuit que la SOCIETE LOU PANTAI qui doit être regardée comme occupant sans droit ni titre diverses parcelles du domaine du Mas de la Cure à compter du 31 mars 1999 est, comme l'a jugé le Tribunal administratif de Marseille, dans l'obligation de libérer sans délai les parcelles qu'elle occupe sur le domaine appartenant au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;

Sur l'indemnité d'occupation due au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres :

Considérant que la société requérante soutient que l'évaluation fixée à 216 000 euros par les premiers juges, de l'indemnité due pour la période d'occupation illégale serait exagérée et estime que cette indemnité ne pouvait être retenue que sur la base du loyer annuel prévu à la convention pour la surface pâturée, soit 1 524,50 euros ; que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres réclame pour sa part, à titre incident, le paiement de la somme de 120 000 euros pour la période postérieure à la saisine du tribunal administratif de Marseille ;

Considérant que la requérante ne saurait demander, eu égard au préjudice qu'elle causé au Conservatoire du fait de l'occupation irrégulière de son domaine à raison notamment de la présence de la manade, que lui soit seulement réclamé le paiement des loyers dus en application de la convention, laquelle est en tout état de cause caduque ; que toutefois et dans les circonstances de l'espèce, eu égard au fait que la SOCIETE LOU PANTAI a libéré dans les temps les parcelles qui étaient nécessaires à l'installation de « la maison du cheval Camargue », il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par le Conservatoire en l'évaluant, pour la période demandée allant du 31 mars 1999 au 29 mai 2005, sur la base de la perte des loyers telle qu'elle résulte de l'application des stipulations de la convention et en tenant compte des conséquences dommageables résultant du maintien irrégulier de l'occupant sur les lieux, à la somme totale de 12 000 euros et de condamner la SOCIETE LOU PANTAI à payer ladite somme au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;

Considérant que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2002 ; que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a demandé par un mémoire du 20 juin 2005 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; que les intérêts échus à la date du 20 juin 2005 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts ;

Sur les conclusions subsidiaires à fin d'indemnisation de la SOCIETE LOU PANTAI :

Considérant que, comme l'ont exactement relevé les premiers juges, les conclusions présentées par la SOCIETE LOU PANTAI tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables qui auraient résulté pour elle de l'inexacte qualification juridique de la convention, n'avaient pas été précédées de la réclamation préalable exigée par les dispositions de l'article R.421-1 du code de justice administrative et n'étaient par conséquent pas recevables ; que les circonstances d'une part, que la société appelante a depuis lors introduit un recours indemnitaire autonome devant le Tribunal administratif de Marseille, d'autre part, que ladite société a formé, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 mars 2005, une réclamation préalable qu'elle a par la suite fait parvenir au Conservatoire par signification extrajudiciaire, sont sans incidence sur l'absence de liaison du contentieux devant les premiers juges et n'ont pu davantage régulariser les conclusions indemnitaires d'appel ;

Sur les conclusions incidentes à fin de constatation de nullité de la convention du 19 janvier 1993 :

Considérant que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres persiste à soutenir que son consentement aurait été vicié par les agissements de M. Manaud, l'ancien maire de la commune des Saintes-Marie-de la-Mer lors de la signature de la convention signée le 19 janvier 1993 avec la SOCIETE LOU PANTAI constituée à l'époque par les deux filles de ce dernier ; que si ces faits ont notamment donné lieu à une condamnation de l'intéressé pour prise illégale d'intérêts par le tribunal correctionnel de Tarascon par un jugement en date du 19 avril 2003, il n'en demeure pas moins que la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt du 3 novembre 2004, a relaxé M. Manaud de ce chef ; que par ailleurs, et ainsi que l'ont à bon droit reconnu les premiers juges, aucun autre élément n'est de nature à remettre en cause la validité de la convention du 19 janvier 1993 ; que par suite, les conclusions tendant à faire constater sa nullité doivent être rejetées ;

Sur les conclusions incidentes tendant à la liquidation de l'astreinte prononcée par le tribunal administratif et au prononcé d'une nouvelle astreinte :

Considérant qu'en vertu de l'article L.911-7 du code de justice administrative, la juridiction qui a prononcé l'astreinte est seule compétente pour procéder à sa liquidation ; qu'il s'ensuit que dès lors qu'un tribunal administratif a prononcé une mesure d'injonction assortie d'une astreinte, les conclusions tendant à la liquidation de cette astreinte, alors même que le jugement serait frappé d'appel, doivent être présentées devant lui ; que, par suite, la cour ne saurait se prononcer sur les conclusions susmentionnées du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres qu'il y a lieu par suite de renvoyer devant le Tribunal administratif de Marseille ;

Considérant par ailleurs, que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu pour la Cour d'assortir son arrêt d'une nouvelle astreinte ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à l'exécution du jugement attaqué :

Considérant que la Cour ayant statué sur le fond du litige, les conclusions aux fins de sursis à l'exécution dudit jugement sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : «Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge des frais qu'elle a engagés pour l'instance ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 216 000 euros que la SOCIETE LOU PANTAI a été condamnée à verser au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Marseille du 21 décembre 2004 est ramenée à 12 000 euros. Ladite somme portera intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2002. Les intérêts échus à la date du 20 juin 2005 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du Tribunal Administratif de Marseille du 21 décembre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions présentées par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres aux fins de liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement susvisé du 21 décembre 2004 sont renvoyées devant le Tribunal administratif de Marseille.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE LOU PANTAI et des conclusions incidentes et aux fins d'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative présentées par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres est rejeté.

Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la SOCIETE LOU PANTAI aux fins de sursis à l'exécution du jugement attaqué.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE LOU PANTAI et au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 15 janvier 2007, où siégeaient :

- Mme Bonmati, président de chambre,

- M. Moussaron, président assesseur,

- Mme Pena, conseiller ;

Lu en audience publique, le 12 février 2007.

Le rapporteur,

Signé

E. PENA

Le président,

Signé

D. BONMATI

Le greffier,

Signé

P. RANVIER

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 05MA00709, 05MA00710 2

mp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA00709
Date de la décision : 12/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BONMATI
Rapporteur ?: Mme Eleonore PENA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : SCP CADJI ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-02-12;05ma00709 ?
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