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06/02/2007 | FRANCE | N°05MA02318

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 06 février 2007, 05MA02318


Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2005, présentée pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR, dont le siège est 111, avenue Emile Dechame, à Saint-Laurent du Var (06708), par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez ; la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0104636 en date du 3 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande de M. , salarié protégé, la décision en date du 26 juillet 2001 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et

des affaires rurales annulant, sur recours hiérarchique de son direc...

Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2005, présentée pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR, dont le siège est 111, avenue Emile Dechame, à Saint-Laurent du Var (06708), par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez ; la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0104636 en date du 3 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande de M. , salarié protégé, la décision en date du 26 juillet 2001 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales annulant, sur recours hiérarchique de son directeur général, la décision du 30 mars 2001 du directeur adjoint du travail, chef adjoint départemental du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricole du Var ayant refusé de l'autoriser à licencier M. ;

2°) de rejeter la demande de M. tendant à l'annulation de la décision en date du 26 juillet 2001 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales annulant, sur recours hiérarchique du directeur général de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR, la décision du 30 mars 2001 du directeur adjoint du travail, chef adjoint départemental du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricole du Var ayant refusé d'autoriser son licenciement ;

3°) de condamner M. à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, relative à la réduction négociée du temps de travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2007,

- le rapport de Mme Fernandez, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Marcovici, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les représentants du personnel, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif autre que fautif ou économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits invoqués sont de nature à justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.212-15-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail : « Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions du titre 1er et aux chapitres préliminaire, 1er et II du titre II du livre II. Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou leur établissement. » ; qu'aux termes de l'article L.212-15-2 du code du travail, issu de cette même loi : « Les salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche ou du premier alinéa de l'article 4 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, occupés selon l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés et pour lesquels la durée de leur travail peut être prédéterminée, sont soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, au repos et aux congés des chapitres II et III du titre Ier et à celles du titre II du livre II. » ; qu'aux termes du I de l'article L.212-15-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 19 janvier 2000 susvisée : « Les salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche ou du premier alinéa de l'article 4 de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et qui ne relèvent pas des dispositions des articles L.212-15-1 et L.212-15-2 doivent bénéficier d'une réduction effective de leur durée de travail. Leur durée de travail peut être fixée par des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. La conclusion de ces conventions de forfait doit être prévue par une convention ou un accord collectif étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement qui détermine les catégories de cadres susceptibles de bénéficier de ces conventions individuelles de forfait ainsi que les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d'être conclues (...) » ; qu'aux termes du III du même article : « La convention ou l'accord collectif prévoyant la conclusion de conventions de forfait en jours ne doit pas avoir fait l'objet d'une opposition en application de l'article L.132-26. Cette convention ou cet accord doit fixer le nombre de jours travaillés. Ce nombre ne peut dépasser le plafond de deux cent dix-sept jours. La convention ou l'accord définit les catégories de salariés concernés pour lesquels la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu'ils exercent et du degré d'autonomie dont ils bénéficient dans l'organisation de leur emploi du temps. La convention ou l'accord précise en outre les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos. Il détermine les conditions de contrôle de son application et prévoit des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte (...) » ; et qu'aux termes des stipulations de l'annexe 2 intitulée « Durée et organisation du temps de travail » à la convention collective du Crédit agricole, instituée par l'accord national du 13 janvier 2000 susmentionné : « Les parties signataires ont relevé la nécessité de mettre en oeuvre des dispositions particulières pour les responsables d'activités, compte tenu de leur niveau de responsabilité et d'autonomie, notamment en matière de temps de travail. En effet ces cadres disposent d'un degré élevé d'autonomie dans l'organisation de leur temps de travail (..). La durée conventionnelle du travail des responsables d'activités responsables de domaine, de secteur et de pôle définis par la convention collective ) (...) s'exprime en jours sur l'année, dans le cadre de conventions individuelles de forfait (...) » ;

Considérant que M. , en poste à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR, délégué syndical suppléant, membre du comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail, s'est vu proposer, le 26 juin 2000, en application de l'accord national du 13 janvier 2000 relatif à la cessation anticipée d'activité, à l'aménagement et à la réduction du temps de travail au Crédit agricole, une convention de forfait en jours, qu'il a refusée de signer ; qu'en « raison des perturbations entraînées par ce refus dans le fonctionnement de l'entreprise », l'intéressé a fait l'objet, le 2 février 2001, d'une demande d'autorisation de licenciement de la part de son employeur, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR ; que, l'autorisation ayant été refusée, par le directeur adjoint du travail, chef du service départemental de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricole du Var, le 30 mars 2001, le directeur des exploitations, de la politique sociale et de l'emploi du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, sur recours hiérarchique de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR en date du 28 mai 2001, a annulé ce refus, par une décision en date du 26 juillet 2001 ; que par un courrier en date du 8 août 2001, le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales a précisé à l'employeur que la décision du 26 juillet 2001 emportait autorisation de licencier M. ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il n'appartient pas au juge dans sa motivation de reprendre l'intégralité de l'argumentation des parties ; qu'il doit seulement y préciser les éléments permettant au juge d'appel de comprendre son raisonnement en droit et en fait ; qu'en l'espèce, les premiers juges, après avoir rappelé les dispositions applicables à M. , ont rappelé précisément le motif fondant la demande d'autorisation de M. et ont estimé que les perturbations auxquelles celui-ci faisait référence, dans le fonctionnement de l'entreprise du fait du refus de M. de signer la convention qui lui avait été proposée par son employeur, « ne sont ni établies et ne ressortent pas des pièces du dossier, n'ont pas été analysées par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales dans sa décision, en date du 26 juillet 2001 annulant le refus d'autoriser le licenciement de l'intéressé » ; que les premiers juges en ont déduit le bien fondé, pour ce motif, du recours de M. tendant à l'annulation de cette décision ministérielle ; que ce faisant, les premiers juges, lesquels n'ont pas dénaturé ni les stipulations de l'annexe 2 à l'accord du 13 janvier 2000, ni les pièces produites par la défenderesse, notamment celles visant à établir les perturbations qu'elle invoquait, ont suffisamment motivé leur jugement ; qu'ils doivent être regardés comme ayant, implicitement mais nécessairement, estimé que le seul refus du salarié de signer la convention en cause n'était pas de nature à lui seul à fonder l'autorisation de licenciement ;

Considérant qu'en première instance, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR a soutenu que le refus d'accepter une modification du contrat de travail consécutive à la signature d'un accord sur la réduction du temps de travail constitue, à lui seul, un motif de licenciement, ainsi qu'il résulte de l'article 30-II de la loi Aubry II » ; que toutefois, elle ne pouvait utilement invoquer ce motif de licenciement devant le juge dès lors qu'il tendait à substituer ce motif de licenciement à celui invoqué par la lettre de licenciement, uniquement tiré de ce que ce refus était de nature à entraîner des perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise ; que le moyen en cause étant inopérant, la circonstance que les premiers juges aient omis d'y répondre est sans incidence sur la régularité du jugement ;

Sur le bien fondé du jugement :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des organigrammes du service, de différents courriers qui ont été adressés par l'employeur à M. , de sa fiche de notation de l'année, qu'en 2000, M. n'occupait les fonctions de « responsable domaine bancaire et engagement » que par intérim ; qu'il n'est pas contesté que M. n'avait ni dans ses fonctions habituelles, ni dans les fonctions qu'il occupait par les prérogatives, les délégations et responsabilités, l'autonomie d'organisation d'un responsable d'activité au sens des stipulations précitées de l'annexe 2 de la convention collective du Crédit agricole, instituée par l'accord national du 13 janvier 2000 ; qu'il ressort des relevés de compteurs le concernant, qu'il n'avait pas, non plus, aucune souplesse dans l'organisation de son emploi du temps et ses horaires ; que par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Nice a admis que M. remplissait les conditions pour relever des dispositions précitées de l'article L.212-15-3 du code du travail relatives aux conventions individuelles de forfait en jours, pour ensuite annuler la décision du ministre autorisant son licenciement en raison du défaut de réalité du motif invoqué par l'employeur dans sa demande d'autorisation de licenciement ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens que celui tiré du défaut de réalité du motif de licenciement soulevés par M. ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, compte tenu des fonctions de M. , tant habituelles que par intérim, c'est à tort que le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales a admis que ce salarié entrait dans la champ d'application des dispositions de l'article L. 212-15-3 du code du travail relatives aux conventions individuelles de forfait en jours pour annuler la décision en date du 30 mars 2001 du directeur adjoint du travail, chef du service départemental du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles du Var refusant de faire droit à la demande d'autorisation de licenciement de M. présentée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande de M. , la décision ministérielle en date du 26 juillet 2001, précisée le 8 août 2001 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la partie perdante puisse obtenir, à la charge de son adversaire, le remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR, doivent dès lors être rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR à payer à M. la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions de M. présentées à ce titre et dirigées contre l'Etat sont rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR est rejetée.

Article 2 : La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR versera à M. la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR, à M. et au ministre de l'agriculture et de la pêche.

N° 05MA02318 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA02318
Date de la décision : 06/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Elydia FERNANDEZ
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-02-06;05ma02318 ?
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