Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 septembre 2003 sous le n°03MA01971, présentée par Me Pontier, avocat, pour la société des GRANDS TRAVAUX DE PROVENCE (G.T.P.), dont le siège social est zone industrielle Saint-Joseph à Manosque (04100) ;
Elle demande à la Cour:
1) d'annuler le jugement du 8 juillet 2003 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté comme irrecevables :
a) sa requête n°98-4006 tendant à la condamnation de la commune d'Ongles à lui verser la somme de 510.218,01 F, augmentée des intérêts au taux légal, correspondant à des travaux supplémentaires réalisés dans le cadre d'un marché de construction d'un réseau d'assainissement et d'une station d'épuration sur le territoire de ladite commune, ensemble la somme de 5.000 F au titre des frais de procédure ;
b) sa requête n°98-4008 tendant à la condamnation du SIVOM pour le développement du pays de Forcalquier à lui verser la somme de 479.090,82 F, augmentée des intérêts au taux légal correspondant, pour une part, à l'augmentation de la masse des travaux, pour une autre part, à des travaux supplémentaires nécessités par l'ouvrage, ensemble la somme de 5.000 F au titre des frais de procédure ;
2) condamner la commune d'Ongles à lui verser la somme de 77.782,23 euros (510.218,01 F), augmentée des intérêts au taux légal, ensemble la somme de 1.000 euros au titre des frais de procédure, en assortissant cette condamnation d'une injonction sous astreinte ;
3 ) à titre subsidiaire, de condamner le SIVOM pour le développement du pays de Forcalquier à lui verser la somme de 73.036, 92 euros (479.090,82 F), augmentée des intérêts au taux légal et du produit de leur capitalisation, ensemble la somme de 3.000 euros au titre des frais de procédure ;
4) à titre infiniment subsidiaire, de désigner un expert ;
5) de rejeter les conclusions reconventionnelles de la commune d'Ongles ;
…………………
Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 23 décembre 2005, présenté par la société SCP Tertian-Bagnoli, avocats, pour la commune d'Ongles, représentée par son maire en exercice, et pour le SIVOM pour le développement du pays de Forcalquier ;
Ils demandent à la Cour :
1) à titre principal, de rejeter comme irrecevables les conclusions de la société appelante ;
2) à titre subsidiaire, de les rejeter au fond ;
3) de la condamner à verser à la commune d'Ongles la somme de 1.500 euros au titre de ses frais de procédure ;
…………………………..
Vu le mémoire, enregistré le 22 février 2006, présenté par Me Pontier, avocat, pour la société des GRANDS TRAVAUX DE PROVENCE (G.T.P.), qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens, et soutient en outre que sa requête d'appel n'est pas tardive ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2006:
- le rapport de M. Brossier, premier conseiller ,
- les observations de Me Pontier pour la société G.T.P. et de Me Roger pour la commune et le SIVOM intimés,
- et les conclusions de Mlle Josset, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la commune d'Ongles a conclu le 30 août 1994 un marché de travaux public avec la société G.T.P. relatif à la construction d'un réseau d'assainissement (lot n°1) et d'une station d'épuration (lot n°2), sous la maîtrise d'oeuvre du SIVOM pour le développement du pays de Forcalquier ; que la société G.T.P. demande à être indemnisée des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de l'exécution de ce marché en raison de l'augmentation de la masse des travaux et de travaux supplémentaires effectués qui n'ont pas été payés ; que le Tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande comme irrecevable, faute d'avoir été précédée d'un mémoire au maître de l'ouvrage en application de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en litige ;
Sur la fin de non recevoir opposée par la commune d'Ongles et tirée de la tardiveté de la requête d'appel :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié à la société G.T.P. le 24 juillet 2003 ; qu'il s'ensuit que la requête d'appel, enregistrée au greffe de la Cour le 24 septembre 2003, l'a été dans le délai de recours contentieux de deux mois prévu par l'article R.811-2 du le code de justice administrative ; que la fin de non-recevoir susmentionnée doit dès lors être écartée ;
Sur les conclusions de la société G.T.P. dirigées contre le maître de l'ouvrage :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 13.31 du cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés publics de travaux, applicable au marché en litige en application de l'article 2.1 de son cahier des clauses administratives particulières, l'entrepreneur, après l'achèvement des travaux et concurremment avec le projet de décompte afférent au dernier mois de leur exécution ou à la place de ce projet, dresse le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, les évaluations étant faites en tenant compte des prestations réellement exécutées ; qu'aux termes de l'article 13.32 du même cahier : « Le projet de décompte final est remis au maître d'oeuvre (…) En cas de retard dans la présentation du projet de décompte final, l'entrepreneur est passible des pénalités (…)En outre, après mise en demeure restée sans effet, le décompte peut être établi d'office par le maître d'oeuvre aux frais de l'entrepreneur. » ; que selon l'article 13.4 dudit cahier, il appartient ensuite au maître d'oeuvre, faute pour l'entrepreneur de se conformer au délai fixé, et après mise en demeure restée sans effet, d'établir le décompte final ; qu'il revient ensuite au maître de l'ouvrage d'établir à partir de ce décompte final et des autres documents financiers du marché, un décompte général et de le notifier à l'entrepreneur ; que, si la signature du décompte général est refusée par l'entrepreneur ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés dans un mémoire en réclamation remis au maître d'oeuvre ; qu'il résulte de ces stipulations que le décompte général ne peut être établi sans qu'ait été préalablement arrêté le décompte final, le cas échéant après mise en demeure adressée à l'entrepreneur ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société G.T.P. n'a établi aucun projet de décompte final du marché litigieux, qui n'a donc pas été remis au maître d'oeuvre ; que la commune maître d'ouvrage n'a pas davantage mis en demeure l'entreprise ou le maître d'oeuvre d'établir ce décompte final, comme il lui appartenait de le faire ; qu'ainsi, faute d'établissement du décompte final, le décompte général ne pouvait être arrêté ; que, dès lors, la procédure contradictoire prévue par les documents contractuels préalablement à la saisine du juge du contrat ne pouvait, en l'espèce, être suivie ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 50.22 du cahier des clauses administratives générales : « Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. » ; et qu'aux termes de l'article 50.31 du même CCAG : « Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché. » ;
Considérant que, compte-tenu des circonstances rappelées ci-dessus, le litige opposant la société G.T.P. à la commune de d'Ongles doit être regardé comme constituant un différend survenu directement, au sens des stipulations de l'article 50.22 précité, entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur ; qu'il résulte de l'instruction que la société G.T.P. ne produit aucune réclamation préalable, antérieure à sa saisine du Tribunal, ayant pu lier le contentieux au sens des stipulations de l'article 50.31 précité ; qu'en particulier, ses courriers qu'elle invoque, en date des 15 juin 1995 et 20 février 1996, s'ils font état de dépassements dans la masse des travaux initialement prévus et demandent un avenant à ce titre, ne peuvent être regardés comme un mémoire en réclamation au sens des stipulations précitées, en l'absence de tout chiffrage du quantum réclamé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société appelante G.T.P. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Marseille a rejeté comme irrecevable sa requête n°98-4006 dirigée contre le maître de l'ouvrage ;
Sur les conclusions de la société G.T.P. dirigées contre le maître d'oeuvre :
Considérant que le Tribunal administratif de Marseille a également rejeté de telles conclusions comme irrecevables, en l'absence de liaison du contentieux et en application des mêmes stipulations contractuelles susmentionnées du CCAG travaux ; que toutefois, le cahier des clauses administratives générales des marchés de travaux publics ne peut être appliqué en l'absence de toute relation contractuelle entre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre ; qu'en outre, la société G.T.P. peut être regardée comme ayant recherché la responsabilité de ce dernier sur un fondement quasi-délictuel ; qu'en vertu de l'article R.421-1 du code de justice administrative, aucune réclamation préalable n'est exigée en matière de travaux publics, comme en l'espèce ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société G.T.P. est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre le SIVOM, maître d'oeuvre ; qu'il y a lieu pour la Cour d'y statuer par la voie de l'évocation ; que la société G.T.P. invoque un défaut de surveillance du chantier et soutient que l'étude de maîtrise d'oeuvre effectuée par le SIVOM intimé aurait sous-estimé les quantités prévues contractuellement, pourtant nécessaires selon elle à la bonne exécution du marché ; que la faute quasi-délictuelle du SIVOM serait ainsi de nature à justifier une indemnité de 379.090,82 F TTC, ensemble la somme forfaitaire de 100.000F au titre de son préjudice économique ;
S'agissant de la somme de 379.090,82 F TTC :
Considérant qu'il est constant que l'exécution du marché en litige a donné lieu à un dépassement du montant initialement prévu de 1.437.636,50 F HT (1.705.036,88 F TTC) dont une partie, proche du taux de 5% stipulé par l'article 15.3 du cahier des clauses administratives générales, a été effectivement réglée à l'entrepreneur par le maître de l'ouvrage ; que restent en litige les sommes de 216.925,25 F TTC au titre de l'augmentation de la masse des travaux et de 162.165,57 F au titre de travaux supplémentaires non prévus ;
Considérant, en ce qui concerne le lot n°1 (assainissement), qu'il résulte de l'instruction que l'augmentation non négligeable du métré des tranchées finalement réalisées pour l'assainissement et les réseaux électriques (courants fort et faible), et les travaux supplémentaires qui en ont découlé pour le revêtement et l'étanchéité, ont été réalisés sans un contrôle suffisant sur place du maître d'oeuvre, caractérisant ainsi une faute d'une gravité suffisante de nature à engager la responsabilité du SIVOM ; que par ailleurs et en ce qui concerne le lot n°2 (station d'épuration), ledit SIVOM ne conteste pas sérieusement l'augmentation importante du volume des matériaux à transporter et des enrochements nécessaires aux berges des lagunes, trahissant l'insuffisance de l'étude préalable du maître d'oeuvre de nature à engager sa responsabilité ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en évaluant à la somme de 20.000 euros les dommages de toute nature subis par la société G.T.P. en raison de ces fautes, au titre de travaux réalisés non payés;
S'agissant de la somme de 100.000 F :
Considérant que la société appelante invoque un préjudice économique, qu'elle évalue forfaitairement à la somme de 100.000 F, compte tenu de la baisse de la moitié de son effectif ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'en se contentant de soutenir qu'elle aurait ainsi diminué sa capacité à obtenir des marchés publics, et en l'absence d'autres éléments probants, notamment comptable, l'appelante n'établit pas sérieusement, ni le caractère certain du préjudice économique allégué, ni son montant;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société G.T.P. est fondée à demander la condamnation du SIVOM pour le développement du pays de Forcalquier à lui verser une indemnité de 20.000 euros TTC ; que le surplus de sa demande indemnitaire doit en revanche être rejeté ;
Sur les intérêts :
Considérant que la somme susmentionnée de 20.000 euros devra être assortie des intérêts au taux légal prévus par l'article 1153 du code civil à compter du 9 juin 1998, date d'enregistrement au greffe du Tribunal de la demande introductive de première instance; qu'en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, ces intérêts porteront eux-mêmes intérêts le 24 septembre 2003 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant au remboursement de leurs frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er: Le jugement attaqué du Tribunal administratif de Marseille en date du 8 juillet 2003 est annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions indemnitaires de la société G.T.P. dirigées contre le SIVOM pour le développement du pays de Forcalquier.
Article 2 : Le SIVOM pour le développement du pays de Forcalquier est condamné à verser à la société G.T.P l'indemnité de 20.000 euros.
Article 3 : Ladite somme de 20.000 euros portera les intérêts au taux légal à compter du 9 juin 1998. Les intérêts porteront eux-mêmes intérêts le 24 septembre 2003 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de première instance n°98-4008 et de la requête d'appel n°03MA01971 de la société G.T.P. est rejeté.
Article 5: Les conclusions de la commune d'Ongles et du SIVOM pour le développement du pays de Forcalquier, tendant au remboursement de leurs frais exposés et non compris dans les dépens, sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société G.T.P, à la commune d'Ongles, au SIVOM pour le développement du pays de Forcalquier et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
N°03MA01971 6