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23/11/2006 | FRANCE | N°06MA02204

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 23 novembre 2006, 06MA02204


Vu la requête enregistrée le 27 juillet 2006, présentée pour M. Hassine BEN HADJ AMMAR actuellement à la ..., par Me Abid ;

M. BEN HADJ AMMAR demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0603766 du 20 juillet 2006 par laquelle le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 13 juillet 2006 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre audit préfet la délivrance d'un

titre de séjour ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement av...

Vu la requête enregistrée le 27 juillet 2006, présentée pour M. Hassine BEN HADJ AMMAR actuellement à la ..., par Me Abid ;

M. BEN HADJ AMMAR demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0603766 du 20 juillet 2006 par laquelle le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 13 juillet 2006 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre audit préfet la délivrance d'un titre de séjour ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 novembre 2006 :

le rapport de M. Bourrachot, président rapporteur;

les observations de Me Seguin, substituant Me Abid pour M. BEN HADJ AMMAR ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :Lorsqu'il est prévu aux livres II et V du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes prévues à l'alinéa suivant ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ; qu'aux termes de l'article L.512-1 du code précité :Dès notification de l'arrêté de reconduite à la frontière, l'étranger est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. ; qu'aux termes des dispositions de l'article L.512-2 du même code : L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification, lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative, ou dans les sept jours, lorsqu'il est notifié par voie postale, demander l'annulation de cet arrêté au président du tribunal administratif (…) ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, dans le cas où l'étranger est placé en rétention, les voies et délais de recours prévus par l'article L.512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont opposables qu'à la condition que l'étranger ait été mis en mesure d'en prendre connaissance dans les conditions prévues par les articles L.111-8 et L.512-1 du même code ; que les principes dont s'inspirent ces dispositions sont également applicables lorsque l'étranger est en détention ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. BEN HADJ AMMAR, ressortissant de nationalité tunisienne placé en détention, maîtrise mal le français ; qu'il n'est pas contesté que M. BEN HADJ AMMAR n'a pas été informé dans une langue qu'il comprend de la possibilité d'obtenir un interprète susceptible de l'instruire des voies et délais de recours contre la décision qui lui était notifiée ; que, dès lors la présence d'un interprète était nécessaire pour le mettre en mesure de prendre connaissance de ces voies et délais de recours ;

Considérant en outre, qu'il ressort également des pièces du dossier qu'il a déposé dans le délai de 48 heures, institué par l'article L.512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auprès de l'autorité pénitentiaire, un recours contre l'arrêté en cause ; qu'eu égard à l'incapacité où il se trouvait alors d'assurer lui-même l'acheminement de son recours, la circonstance que celui-ci ne soit enregistré au tribunal que le 19 juillet 2006 à 14h28, alors que le délai de recours expirait le même jour à 12h00, ne permet pas de le regarder comme tardif alors même qu'en l'absence d'un interprète, le délai prévu par l'article L.512-2 du code précité ne lui était pas opposable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. BEN HADJ AMMAR est fondé à soutenir que c'est irrégulièrement que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande comme tardive ; qu'ainsi, le jugement attaqué du Tribunal administratif de Nice du 20 juillet 2006 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. BEN HADJ AMMAR devant le Tribunal administratif de Nice ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi ou une convention internationale prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (…) : 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du Code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (…) ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (…) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du Code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (…) ;

Considérant que, si M. BEN HADJ AMMAR soutient qu'il est père d'une enfant française née le 9 février 2006, il n'établit pas avoir contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de cette dernière dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celle-ci ou depuis au moins un an à la date de la décision attaquée ;

Considérant, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui.;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. BEN HADJ AMMAR était, avant d'être placé en détention, hébergé par un de ses cousins et qu'il reconnaît n'avoir qu'un projet de vie commune avec sa compagne avec laquelle il n'a, manifestement, jamais vécu ; qu'il précise ne vivre en France que depuis l'année 2000 ; qu'il ne démontre pas, en outre, être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine ; que dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que le préfet des Alpes-Maritimes n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, que les dispositions précitées des articles L.111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont sans influence sur la légalité d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'il résulte de toute de ce qui précède que M. BEN HADJ AMMAR n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté décidant de sa reconduite à la frontière pris le 13 juillet 2006 par le préfet des Alpes-Maritimes ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le rejet, par la présente décision, des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. BEN HADJ AMMAR entraîne, par voie de conséquence, le rejet de ses conclusions tendant à ce qu'il enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de lui accorder un titre de séjour ;

D E C I D E

Article 1 : L'ordonnance du 20 juillet 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice est annulée.

Article 2 : La demande de M. BEN HADJ AMMAR devant le Tribunal administratif de Nice et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hassine BEN HADJ AMMAR, au préfet des Alpes-Maritimes et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie en sera adressée à Me Abid.

2

06MA02204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 06MA02204
Date de la décision : 23/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : ABID

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-11-23;06ma02204 ?
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