Vu la requête, enregistrée le 25 novembre 2002, présentée pour la SOCIETE DU CANAL DE PROVENCE ET D'AMENAGEMENT DE LA REGION PROVENCALE, société anonyme représentée par son représentant légal en exercice, dont le siège social est 10, Boulevard d'Athènes à Marseille (13001), par la SCP d'avocats Roustan-Beridot ; la SOCIETE DU CANAL DE PROVENCE ET D'AMENAGEMENT DE LA REGION PROVENCALE demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 01-6594/02-0387 en date du 17 septembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a, d'une part, annulé, à la demande de M. et Mme X les arrêtés en date du 26 décembre 2001 par lesquels le préfet de Vaucluse a institué une servitude d'aqueduc souterrain sur des terrains privés et a autorisé l'occupation temporaire de ces terrains en vue de la réalisation des travaux de construction du réseau d'irrigation sous pression des communes de Lacoste et de Ménerbes et, d'autre part, rejeté la demande des intéressés tendant à soumettre au tribunal le litige les opposant à l'administration en ce qui concerne l'implantation d'une canalisation sur leur propriété ;
2°/ de rejeter la demande de première instance ;
3°/ de condamner M. et Mme X à lui verser une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu la loi du 29 décembre 1892 sur les dommages causés à la propriété privée pour l'exécution de travaux publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 2006,
- le rapport de Mme Buccafurri, rapporteur ;
- les observations de Me Depouez de la SCP Alain Roustan-Marc Beridot pour la SOCIETE DU CANAL DE PROVENCE ET D'AMENAGEMENT DE LA REGION PROVENCALE, de M. Marcel X et de Me Légier pour la commune de Ménerbes ;
- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE DU CANAL DE PROVENCE ET D'AMENAGEMENT DE LA REGION PROVENCALE doit être regardée comme relevant appel du jugement susvisé du Tribunal administratif de Marseille en date du 17 septembre 2002 qu'en tant seulement que les premiers juges ont annulé, à la demande de M. et Mme X, les arrêtés en date du 26 décembre 2001 par lesquels le préfet de Vaucluse a institué une servitude d'aqueduc souterrain sur des terrains privés et a autorisé l'occupation temporaire de ces terrains en vue de la réalisation des travaux de construction du réseau d'irrigation sous pression des communes de Lacoste et de Ménerbes ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X ont précisé dans leur requête introductive d'instance, enregistrée au greffe du tribunal administratif sous le n° 02-0387, qu'ils formaient un recours en annulation contre «la décision du préfet du 26 décembre 2001 » et qu'ils ont joint, à leur demande, les arrêtés du préfet de Vaucluse n° 0010 et 0020 du 26 décembre 2001 avec la mention «arrêtés attaqués» ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que ladite demande tendait à l'annulation pour excès de pouvoir des arrêtés préfectoraux en cause ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'examen de ladite demande, que M. et Mme X ont, après un exposé sommaire des faits, fait valoir que la canalisation en litige pouvait être installée chez leur voisin sans dommage ; qu'ils devaient être regardés, ce faisant, comme invoquant l'erreur d'appréciation commise par le préfet en prenant les arrêtés contestés ; qu'ainsi, la demande de première instance qui comportait l'énoncé des faits et l'énoncé d'un moyen au soutien des conclusions aux fins d'annulation des décisions en cause satisfaisait aux prescriptions fixées par les dispositions de l'article R.411-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la demande susvisée dont ils étaient saisis était recevable ; que, par suite, la SOCIETE DU CANAL DE PROVENCE ET D'AMENAGEMENT DE LA REGION PROVENCALE n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait, de ce chef, entaché d'irrégularité ;
Sur la légalité des arrêtés du préfet de Vaucluse en date du 26 décembre 2001 :
Considérant que, par l'arrêté n° 0010 du 26 décembre 2001, le préfet de Vaucluse a institué, sur le fondement de l'article L.128-7 de l'ancien code rural repris à l'article L.152-3 du nouveau code rural «une servitude d'aqueduc souterrain sur des fonds privés afin de permettre la réalisation de travaux de construction du réseau d'irrigation sous pression de Lacostes et Ménerbes, dans le cadre de l'aménagement hydraulique de la région du Sud Lubéron, par la SOCIETE DU CANAL DE PROVENCE ET D'AMENAGEMENT DE LA REGION PROVENCALE» ; que, par l'arrêté n° 0020 du 26 décembre 2001, le préfet de Vaucluse a autorisé, sur le fondement de la loi du 29 décembre 1892 sur les dommages causés à la propriété privée pour l'exécution de travaux publics, l'occupation temporaire par la SOCIETE DU CANAL DE PROVENCE ET D'AMENAGEMENT DE LA REGION PROVENCALE des terrains privés afin de permettre la réalisation de travaux de construction dudit réseau ; que ces deux décisions concernaient notamment la parcelle cadastrée n° AK 134, sise sur le territoire de la commune de Lacoste, appartenant à M. et Mme X ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.152-3 du nouveau code rural : «Il est institué, au profit des collectivités publiques et de leurs concessionnaires ainsi qu'au profit des établissements publics, une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure, dans les conditions les plus rationnelles et les moins dommageables à l'exploitation présente et future, en vue de l'irrigation, des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations.» ; que, selon les dispositions de l'article R.152-4 du même code, pris pour l'application de ces dispositions par renvoi des dispositions des articles L.152-6 et R.152-16 du même code, les éléments de la servitude «devront être arrêtés de manière que la canalisation soit établie de la façon la plus rationnelle et que la moindre atteinte possible soit portée aux conditions présentes et futures de l'exploitation des terrains.» ;
Considérant, en premier lieu, que si la société appelante et le préfet ont justifié, devant les premiers juges, le tracé de la canalisation retenu par l'arrêté préfectoral susvisé par le fait que le terrain de M. Chastel, voisin de M. et Mme X, était planté de cerisiers et était bâti, il ressort des pièces du dossier, et notamment du constat d'huissier dressé le 25 février 2003 à la demande de la société appelante versé aux débats par M. et Mme X, que les cerisiers existant autour de la maison de M. Chastel, sise sur la parcelle n° 292, ont été arrachés au plus tard en octobre 2001, soit antérieurement à l'arrêté préfectoral contesté, les autres cerisiers existants étant situés du côté de la parcelle cadastrée n° 291 ; que c'est, dès lors, à juste titre que les premiers juges ont estimé que la justification du tracé retenu, invoquée en cours d'instance par le préfet, et tirée de l'existence de cerisiers sur la parcelle de M. Chastel était entachée d'une erreur de fait ; que c'est également à bon droit que les premiers juges ont estimé que la partie du terrain de M. Chastel, éloignée de plus de vingt mètres de l'habitation existante, ne pouvait être regardée comme présentant le caractère d'un terrain bâti au sens des dispositions de l'article L.152-3 du nouveau code rural ; que la société appelante n'établit pas ni même n'allègue que cette partie de la propriété de M. Chastel constituerait une cour ou un jardin attenant à cette habitation au sens des mêmes dispositions ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme X soutiennent, sans être contestés, que le tracé retenu par l'arrêté contesté induit la pose de 40 mètres linéaires supplémentaires ; qu'en outre, les intéressés soutiennent en appel, sans être démentis, que la canalisation en litige pouvait techniquement être implantée le long du chemin départemental (CD) 109 bis puis rejoindre ensuite le CD 109 et font valoir, en produisant un plan cadastral à l'appui de leurs affirmations, que, dans cette hypothèse, d'une part, le nombre de mètres de canalisations nécessaires serait de 682 mètres alors que, dans l'hypothèse du tracé arrêté par la décision en litige, la longueur de canalisations nécessaires serait de 891 mètres et, d'autre part, l'implantation de la canalisation pourrait s'effectuer selon un tracé plus linéaire que celui retenu par l'arrêté en litige qui impliquait de nombreux coudes de nature à favoriser des risques de rupture ; que la société appelante n'établit pas que les tracés proposés par M. et Mme X seraient techniquement impossibles ou plus coûteux ; que, dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que les éléments de la canalisation en cause n'ont pas été déterminés, par l'autorité administrative, de la manière la plus rationnelle et la moins dommageable, en violation des dispositions précitées des articles L.152-3 et R.152-4 du nouveau code rural ; que, par suite, les premiers juges ont, à jute titre, estimé que l'arrêté préfectoral susvisé était entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées du nouveau code rural ;
Considérant, enfin, que, compte tenu du lien unissant l'arrêté n° 0010 et l'arrêté n° 0020 du 26 décembre 2001, ce dernier arrêté était lui-même entaché d'illégalité et devait être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté n° 0010 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la SOCIETE DU CANAL DE PROVENCE ET D'AMENAGEMENT DE LA REGION PROVENCALE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 17 septembre 2002, le Tribunal administratif de Marseille a annulé les arrêtés préfectoraux susvisés du 26 décembre 2001 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE DU CANAL DE PROVENCE ET D'AMENAGEMENT DE LA REGION PROVENCALE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DU CANAL DE PROVENCE ET D'AMENAGEMENT DE LA REGION PROVENCALE, à M. et Mme X, à la commune de Ménerbes, à la commune de Lacoste et au ministre de l'agriculture et de la pêche.
N° 02MA02363 2