Vu la requête, enregistrée le 13 avril 2004, présentée par la SCP d'avocats Sirat et Gilli, et par Me Grisoni, avocat, pour :
- la SOCIETE INTERNATIONAL AMALGAMATED INVESTORS (I.A.I), représentée par son gérant en exercice, et dont le siège est 47 avenue du Roi Albert à Cannes (06400),
- la SARL EMPAIN-GRAHAM, représentée par son liquidateur judiciaire, Mme Leila Belhassen élisant domicile 76 rue du Faubourg Saint Denis à Paris (75010),
- la SNC SOCIETE D'IMMEUBLES COMMERCIAUX LOCATIFS (S.I.C.L), représentée par son liquidateur judiciaire, Me Michel Arnaud, élisant domicile 2 avenue Aristide Briand à Antibes (cedex 06630) ;
L'I.A.I, la SARL EMPAIN-GRAHAM et la S.I.C.L demandent à la Cour :
1°/ de réformer le jugement n° 94-01831/96-04548 en date du 22 janvier 2004, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation solidaire de la commune du Rayol-Canadel et de l'Etat à réparer les préjudices qu'elles ont subis du fait de l'échec de l'opération de promotion immobilière engagée dans la ZAC de la Tessonnière ;
2°/ de condamner, solidairement, après expertise éventuellement, l'Etat et la commune du Rayol-Canadel à leur verser, à hauteur de 50 % pour la SARL EMPAIN-GRAHAM, 25 % pour la SOCIETE I.A.I, et 25 % pour la SNC S.I.C.L la somme de 11.141.395 euros (73.076.410 francs) sauf à parfaire, avec intérêts à compter du 4 mars 1994 pour la SARL EMPAIN-GRAHAM et du 18 décembre 1995 pour les sociétés I.A.I et S.I.C.L, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
3°/ de condamner solidairement l'Etat et la commune du Rayol-Canadel à leur verser dans les mêmes proportions 6.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 septembre 2006,
- le rapport de M. Laffet, rapporteur ;
- les observations de Me Grisoni pour la SOCIETE INTERNATIONAL AMALGAMATED INVESTORS (I.A.I.), pour la SARL EMPAIN-GRAHAM, pour la SNC SOCIETE D'IMMEUBLES COMMERCIAUX LOCATIFS (S.I.C.L.), de Me Barthélémy pour la commune du Rayol-Canadel et de Mme Taglioli pour le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;
- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par jugement en date du 22 janvier 2004, le Tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes formées, d'une part, par la SNC EMPAIN GRAHAM et, d'autre part, par la SOCIETE AMALGAMATED INVESTORS (I.A.I) et par la SOCIETE D'IMMEUBLES LOCATIFS (S.I.C.L) tendant à la condamnation solidaire de la commune du Rayol-Canadel et de l'Etat à réparer le préjudice qu'elles ont subi en raison de l'échec de l'opération de promotion immobilière engagée dans la zone d'aménagement concerté (ZAC) de la Tessonnière ; que la SARL EMPAIN-GRAHAM venant aux droits et la SNC EMPAIN-GRAHAM et les deux autres sociétés relèvent appel de ce jugement, alors que la commune du Rayol-Canadel demande que, dans l'hypothèse de sa condamnation, l'Etat la garantisse de l'intégralité de cette condamnation ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune du Rayol-Canadel :
Considérant, d'une part, que les sociétés appelantes ont présenté des conclusions contre le jugement attaqué en critiquant les appréciations portées par les premiers juges ; qu'ainsi, la circonstance que ces sociétés aient demandé la réformation du jugement et non son annulation ne saurait rendre la requête irrecevable ;
Considérant, d'autre part, que si la commune du Rayol-Canadel reproche à la SOCIETE I.A.I de n'être pas représentée par son mandataire liquidateur, il résulte de l'instruction que cette société ne se trouve pas en situation de liquidation judiciaire ; qu'elle est donc régulièrement représentée, comme elle l'était en première instance par son gérant en exercice ;
Considérant, enfin, qu'en tant qu'elles font partie du groupe Empain-Graham et alors qu'elles ont acquis en indivision les terrains, objet de l'aménagement, avec la SNC EMPAIN ;GRAHAM, les sociétés I.A.I et S.I.C.L ont intérêt à demander réparation du préjudice qu'elles estiment avoir subi ; que cette fin de non-recevoir doit également être écartée ;
Sur la validité de l'expertise ordonnée par le Tribunal administratif de Nice :
Considérant, d'une part, que la circonstance que l'expert désigné à la suite du jugement avant dire droit du Tribunal administratif de Nice en date du 6 juillet 1995, ait été déclaré responsable d'un défaut de conception d'un groupe scolaire appartenant à une collectivité, dont le conseil de la SNC EMPAIN-GRAHAM et autres était également l'avocat, ne saurait à elle seule permettre de mettre en doute l'impartialité de cet expert, ce dernier litige étant sans rapport avec la présente affaire ;
Considérant, d'autre part, que la SNC EMPAIN-GRAHAM, la SOCIETE I.A.I et la SOCIETE I.C.L ne contestent pas l'appréciation portée par les premiers juges, qui ont jugé qu'en l'absence de possibilité d'individualiser les préjudices subis et les recettes réalisées, il y avait lieu d'arrêter les préjudices propres à chacune de ces trois sociétés constituant le groupe Empain ;Graham au prorata de leurs parts respectives dans l'indivision, à savoir 50 % pour la SNC EMPAIN-GRAHAM et 25 % pour chacune des deux autres sociétés ; qu'ainsi, les appelantes ne sauraient utilement soutenir que l'expertise ordonnée, qui n'a pu individualiser les pertes et recettes propres de chacune de ces trois sociétés, ne serait pas opposable à la SOCIETE I.A.I. et à la SOCIETE I.C.L. ;
Considérant, enfin, que l'expert désigné a donné son avis en tenant compte des conclusions du sapiteur auquel, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, il n'a pas délégué ses pouvoirs ; qu'à supposer même que l'expert et son sapiteur aient outrepassé leurs missions, cette circonstance ne ferait pas obstacle à ce que le rapport d'expertise soit retenu à titre d'élément d'information ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'irrégularité du rapport d'expertise doit être écarté ; qu'en conséquence, il y a lieu, pour la Cour, de statuer sur le fond sans qu'il soit besoin de recourir à une nouvelle expertise ;
Au fond :
Considérant, s'agissant du principe de la responsabilité, que, dans son arrêt en date du 6 juin 2000, la Cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur le recours formé par la SNC EMPAIN-GRAHAM contre le jugement avant dire droit du 6 juillet 1995 du Tribunal administratif de Nice a déclaré la commune du Rayol-Canadel et l'Etat solidairement responsables, dans la proportion des 2/3 du préjudice subi par la SNC EMPAIN-GRAHAM à la suite de la création illégale de la ZAC de la Tessonnière ; que, statuant comme juge de cassation, le Conseil d'Etat a rejeté, par décision en date du 7 février 2003, le recours formé contre l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon par le secrétaire d'Etat au logement ainsi que les pourvois incidents de la commune du Rayol-Canadel et de la SNC EMPAIN-GRAHAM ;
Considérant que, statuant sur le montant des préjudices indemnisables de chacune des trois sociétés constituant le groupe Empain-Graham, seul élément du litige sur lequel il restait à se prononcer, le Tribunal administratif de Nice a, par jugement en date du 22 janvier 2004, dont il est relevé appel, rejeté les demandes indemnitaires qui lui avaient été présentées ;
Considérant que les sociétés appelantes ne contestent pas la méthode adoptée par les premiers juges pour apprécier le préjudice total qu'elles estiment avoir subi, à savoir le coût des dépenses engagées pour réaliser l'opération immobilière de la ZAC de la Tessonnière et le manque à gagner résultant de l'abandon forcé de cette opération, sommes desquelles doivent être déduites les recettes encaissées ; qu'en revanche, elles font grief au Tribunal administratif de Nice d'avoir indûment écarté certains chefs de préjudice ;
Sur les chefs de préjudice :
En ce qui concerne les frais d'acquisition et de vente des terrains :
Considérant que dans le dernier état de leurs conclusions présentées en appel, les sociétés requérantes font valoir que, outre la somme de 1.329.922 francs, représentant les frais d'actes liés à l'acquisition des terrains constituant le terrain d'assiette de l'opération, qu'a retenu le Tribunal administratif de Nice, le groupe Empain-Graham, constitué par l'indivision de ces trois sociétés, a déboursé une somme de 29.400.000 francs pour l'achat de ces terrains ; qu'il résulte de l'instruction et notamment d'un reçu signé par le notaire chargé de la transaction avec M. Ott, précédent aménageur, que ces sommes ont été acquittées par l'organisme bancaire prêteur du groupe Empain-Graham ; qu'en conséquence lesdites sommes doivent être retenues au titre des dépenses effectuées par les requérantes et que ce chef de préjudice doit être désormais fixé à la somme de 30.729.922 francs ;
En ce qui concerne la participation versée au titre de la ZAC de la Tessonnière :
Considérant que selon les stipulations de l'article 4ème de la promesse synallagmatique de vente conclue entre M. Ott, précédent aménageur, et les trois sociétés requérantes, ces dernières s'obligeaient à rembourser à M. Ott une somme de 5.540.000 francs, représentant le montant de la taxe de raccordement de la ZAC au réseau public d'assainissement pour 5.000.000 de francs et le montant de la taxe de défrichement pour 540.000 francs ; qu'il résulte de l'instruction que pour ces deux postes une somme de 5.430.000 francs a été remboursée au précédent bénéficiaire de l'autorisation d'aménagement ;
Considérant, d'une part, que, s'agissant de la taxe de raccordement au réseau d'assainissement, la commune du Rayol-Canadel ne peut utilement opposer les dispositions de l'article L.332-8 du code de l'urbanisme en vigueur à la date du versement de cette taxe et désormais reprises à l'article L.332-30, dès lors que, si l'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement en vertu de ces dispositions, la SNC EMPAIN-GRAHAM a présenté un recours gracieux préalable à la commune du Rayol-Canadel le 4 mars 1994, alors que le paiement de cette taxe avait été effectué par M. Ott le 27 mars 1989 ; qu'en outre, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, en tant que successeurs de l'aménageur initial, les sociétés requérantes peuvent exercer l'action en répétition prévue par les articles susmentionnés du code de l'urbanisme ;
Considérant, d'autre part, que, s'agissant de la taxe de défrichement, la prescription quadriennale n'a pas été opposée par l'administration compétente avant que la juridiction de première instance se soit prononcée sur le fond comme l'exigent les dispositions de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 ;
Considérant, enfin, qu'en tout état de cause, et quand bien même l'opération d'aménagement serait achevée, dès lors que le fondement de l'action est la responsabilité pour faute, les sociétés appelantes peuvent se prévaloir du paiement qu'elles ont effectué pour en demander la restitution aux collectivités responsables ;
Considérant qu'en conséquence il y a lieu de retenir au titre du préjudice lié au remboursement de participations pour la réalisation de la ZAC de la Tessonnière la somme de 5.430.000 francs ;
En ce qui concerne les préjudices liés aux études réalisées :
Considérant, d'une part, que, s'agissant des études relatives aux terrains à aménager, réalisées par un géomètre expert, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Nice a écarté les factures dont il n'est pas établi qu'elles aient été acquittées ; qu'il y a lieu de retenir, comme l'ont fait les premiers juges, pour ce qui concerne les frais de sondage, de levées de terrain, de délimitation des lots, d'implantation de voirie, de bornage et autre la somme globale de 569.892 francs ; que les premiers juges ont pu retenir ce montant toutes taxes comprises, dès lors que les sociétés du groupe Empain-Graham ont acquitté ces sommes non hors taxe, mais toutes taxes comprises ;
Considérant, d'autre part, qu'en ce qui concerne les autres études menées par la Cetiba, l'architecte conseil et les «maîtres maisonniers», le tribunal administratif a pu sans commettre d'erreur de droit ou de fait écarter les préjudices allégués dès lors que les frais ne sont pas justifiés, que la réalité des études n'est pas établie ou encore que les prestations dont il est demandé le remboursement ne présentent aucun lien direct avec l'opération d'aménagement de la ZAC de la Tessonnière ; qu'il convient de retenir pour ce chef de préjudice, comme l'ont fait les juges de première instance, la somme globale de 458.270 francs ;
En ce qui concerne les préjudices relatifs à l'exécution des travaux concernant la réalisation des réseaux d'alimentation en eau, EDF/GDF et de téléphone :
Considérant que c'est à juste titre que le Tribunal administratif de Nice a retenu les dépenses liées aux travaux d'alimentation en énergie électrique basse et moyenne tension pour un montant de 213.418 francs, le coût du déplacement d'une ligne moyenne tension dans le lotissement des Tessonnières pour 20.618 francs, le coût de l'installation du réseau général d'adduction et de distribution d'eau potable réalisée par la société Cmese pour la somme de 585.650,82 francs, les frais liés aux travaux de télédistribution réalisés par la Socofam, pour un montant de 484.028 francs, les frais de génie civil liés aux travaux de trois entreprises pour un montant de 10.747.033 francs, ainsi que le coût du débroussaillement qui s'élève à 97.200 francs, que, toutefois, il y a lieu de rajouter, à ces préjudices, celui lié au coût des travaux de terrassement réalisés par la Cmese en vue de l'établissement des conduites d'au, et dont il résulte de l'instruction qu'il a fait l'objet de paiement après achèvement et réception des travaux le 27 juillet 1990 ainsi qu'il résulte d'une attestation établie par la Cetiba ; que le coût de ces travaux étant de 3.013.061 francs, les préjudices liés à ce poste doivent être arrêtés à la somme de 15.161.008,82 francs ;
En ce qui concerne les préjudices relatifs au bureau de vente :
Considérant, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les frais d'abonnement téléphonique et de communications pour les années 1990 à 1993 aient été réglés ; que, s'agissant du transport de meubles de bureau entre le Rayol-Canadel et le siège de la SNC EMPAIN ;GRAHAM à Paris, le lien de causalité entre les fautes commises par la commune et l'Etat et les frais avancés n'est pas établi ; que c'est donc à bon droit que le tribunal administratif a écarté ces deux chefs de préjudice ;
Considérant, d'autre part, qu'en ce qui concerne l'aménagement du bureau de vente, la construction d'un mur et d'un escalier d'accès et l'abonnement et la consommation électriques, il y a lieu de retenir, comme l'a fait le tribunal, la somme globale de 165.952 francs au titre des préjudices indemnisables ;
En ce qui concerne les préjudices relatifs aux honoraires commerciaux et aux frais de gestion :
Considérant, d'une part, que s'agissant du mandat de vente, le groupe Empain a confié à la SNC EMPAIN-GRAHAM un mandat exclusif de vente des lots contre une commission de 3,5 % sur le prix de chaque vente ; que les premiers juges ont retenu à ce titre un préjudice de 1.504.114 francs dont le montant n'est pas contesté dans son principe par les appelantes qui se bornent à avancer que cette somme aurait dû être calculée hors taxe et non toutes taxes comprises comme l'a fait le tribunal ; que, toutefois, cette somme ayant été versée toutes taxes comprises, il y a lieu de retenir l'estimation retenue en première instance ;
Considérant, d'autre part, que s'agissant du mandat de gestion, il résulte de l'instruction que le groupe Empain a versé à la SNC EMPAIN-GRAHAM une somme de 3.000.000 de francs au titre des travaux d'aménagement du terrain, entre le 1er janvier et le 30 décembre 1990, ainsi qu'il ressort de deux notes d'honoraires du 1er octobre 1990 et du 3 avril 1991 ; qu'il n'est pas établi que cette mission fasse double emploi avec celle confiée à l'entreprise Cetiba et à un architecte, M. Boivin ; que, dans ces conditions, il convient de retenir dans sa totalité la somme de 3.000.000 de francs, contrairement à l'appréciation des premiers juges qui ont fixé ce préjudice à un million de francs ;
Considérant, enfin, que dès lors qu'aucun contrat n'est produit justifiant l'intervention de la société «Synergies ingénierie immobilière» et son lien avec l'opération, c'est à bon droit que le tribunal administratif a écarté ce chef de préjudice ; qu'ainsi, au titre des honoraires commerciaux et des frais de gestion, le préjudice à retenir doit être arrêté à la somme de 4.504.114 francs (686.647 euros) ;
En ce qui concerne les préjudices relatifs aux frais de publicité et de reprographie :
Considérant que s'il y a lieu de retenir au titre de ces préjudices les factures d'Euro ;impressions pour un montant de 744.862 francs et celles de CEP pour un montant de 3.542.961 francs, comme l'ont fait les premiers juges, en revanche, la somme de 583.321 francs que réclament les sociétés requérantes au titre de certains frais de publicité et de reprographie ne saurait faire partie du préjudice indemnisable dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette somme ait été acquittée, alors que, comme l'a relevé le tribunal, les travaux de reprographie sont à la charge des architectes ; qu'ainsi, le préjudice lié à ce poste doit être fixé à la somme 4.287.823 francs ;
En ce qui concerne les préjudices liés au frais de tirage de plans et des frais de copropriété :
Considérant que sur ces deux points, les sociétés appelantes n'apportent aucun élément permettant de justifier les sommes qu'elles réclament, qui s'élèvent respectivement à 38.778 francs pour le tirage des plans et à 83.209 francs pour les impôts locaux ; que ce chef de préjudice ne peut en conséquence qu'être écarté ;
En ce qui concerne les frais financiers :
Considérant que les sociétés requérantes font grief au Tribunal administratif de Nice d'avoir calculé les préjudices liés aux frais financiers sur la base des intérêts au taux légal, alors que, selon elle, il aurait fallu les apprécier au taux de 12,36 %, retenu par le contrat liant le groupe à l'organisme prêteur, la Sofal ; que, toutefois, les opérations d'expertise ont permis de relever l'absence, dans la facturation des agios, d'indication permettant de définir un taux d'intérêt objectivement déterminable ; que ces appréciations ne sont pas utilement contestées ; qu'ainsi, les premiers juges ont pu, à bon droit, retenir le taux légal, préconisé par l'expert et arrêter ainsi le préjudice lié aux frais financiers à la somme de 12.703.070,18 francs ;
En ce qui concerne le préjudice lié au manque à gagner :
Considérant que les trois sociétés requérantes réclament à ce titre, pour la première fois en appel une somme de 45.646.480 francs en faisant valoir que l'annulation de l'opération d'aménagement les a empêchées de vendre les parcelles avant qu'elles ne deviennent inconstructibles ;
Considérant que ce préjudice présente un caractère éventuel et ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, s'agissant des préjudices indemnisables à retenir que ceux-ci doivent être arrêtés à la somme de 74.010.052 francs, soit 11.282.760 euros ;
Sur les recettes de l'opération :
Considérant que les trois sociétés appelantes ne contestent pas dans le principe, l'estimation des recettes retenues par les premiers juges ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'adopter par les mêmes motifs le calcul effectué par le tribunal et d'arrêter les recettes de l'indivision constituée par le groupe Empain-Graham à la somme de 7.791.771 euros et celles personnellement perçues par la SNC EMPAIN-GRAHAM au titre des mandats de vente et de gestion confiés aux deux autres sociétés à la somme de 686.647 euros ;
Sur le bilan de l'opération :
Considérant qu'eu égard au coût des dépenses engagées par les trois sociétés appelantes constituant le groupe Empain-Graham et des recettes récupérées par celui-ci, l'indivision a subi un préjudice indemnisable de 3.490.989 euros ; qu'il n'est pas contesté que les préjudices propres, supportés personnellement par chacune des trois sociétés doivent être calculés, comme l'a fait le Tribunal administratif de Nice, au prorata de la part respective de chacune de ces sociétés dans l'indivision à savoir 50 % pour la SNC EMPAIN-GRAHAM et 25 % pour chacune des deux autres sociétés ; que le préjudice doit, en conséquence, être arrêté pour la société I.A.I. et la société SICL à la somme de 872.747,25 euros et celui de la SNC EMPAIN-GRAHAM, déduction faite des recettes personnellement perçues par celle-ci au titre des mandats de vente et de gestion confiés aux deux sociétés, membres du groupe à la somme de 1.058.884,50 euros (1.745.394,50 - 686.647 euros) ;
Considérant que, compte tenu du partage de responsabilité retenu par la Cour administrative d'appel de Lyon dans son arrêt du 6 juin 2000, confirmé en cassation par le Conseil d'Etat dans sa décision du 7 février 2003, laissant au groupe Empain-Graham un tiers de la responsabilité, le préjudice indemnisable s'établit à la somme de 705.898 euros pour la SNC EMPAIN-GRAHAM et à la somme de 581.831,50 euros pour la société I.A.I. d'une part, et pour la société S.I.C.L., d'autre part ;
Considérant que, dans ces conditions, la commune du Rayol-Canadel et l'Etat (ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer) doivent être condamnés solidairement à verser à la SNC EMPAIN-GRAHAM la somme de 705.898 euros et à chacune des deux autres sociétés la somme de 581.831,50 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC EMPAIN-GRAHAM, la société I.A.I. et la société S.I.C.L. sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande ; qu'en conséquence, ledit jugement doit être réformé en tant qu'il a rejeté leurs demandes indemnitaires ;
Sur les intérêts :
Considérant que la SNC EMPAIN-GRAHAM a droit aux intérêts de la somme de 705.898 euros à compter du 9 mars 1994, date de réception par la commune du Rayol-Canadel et par le préfet du Var de sa demande préalable ; que, s'agissant de la société I.A.I. et de la société I.C.L., les intérêts de la somme de 581.831,50 euros devront leur être accordés à compter du 28 décembre 1995, date de réception par la commune et le préfet de leur demande préalable ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandé le 18 mai 1994 par la SNC EMPAIN-GRAHAM et le 19 décembre 1996 pour les deux autres sociétés ; qu'à ces dates, une année ne s'était pas écoulée depuis que les demandes d'indemnités avaient été adressées au tribunal ; qu'en revanche, les sociétés requérantes ont réitéré ces demandes respectivement le 16 juin 1995 pour la première et le 1er février 2001 pour les secondes ; qu'à ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à ces demandes tant à ces dates qu'à chaque échéance annuelle à compter de chacune de ces dates ;
Sur l'appel en garantie formé par la commune du Rayol-Canadel contre l'Etat :
Considérant que comme l'a relevé la Cour administrative d'appel de Lyon dans son arrêt du 6 juin 2000, confirmé par le Conseil d'Etat, le préfet du Var a commis une faute en donnant son accord à l'opération de ZAC envisagée par la commune du Rayol-Canadel en application des dispositions de l'article L.146.4.II du code de l'urbanisme ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant l'Etat à garantir la commune du Rayol-Canadel à raison du tiers de la condamnation solidaire prononcée contre eux par le présent arrêt ;
Sur les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article R.761-1 du code de justice administrative : «Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens» ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre les frais d'expertises liquidés et taxés par le président du Tribunal administratif de Nice à la charge solidaire de la commune du Rayol-Canadel et de l'Etat ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative de condamner la commune du Rayol-Canadel et l'Etat à payer solidairement aux trois sociétés requérantes une somme de 3.000 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Considérant, en revanche, qu'il n'y a pas lieu, en application de ces mêmes dispositions, de faire droit aux conclusions de la commune du Rayol-Canadel tendant au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La commune du Rayol-Canadel et l'Etat (ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer) sont condamnés solidairement à verser la somme de 705.898 euros (sept cent cinq mille huit cent quatre vingt-dix-huit euros) à la SNC EMPAIN-GRAHAM et la somme de 581.831,50 euros (cinq cent quatre-vingt-un mille huit cent trente et un euros cinquante centimes) à la SOCIETE I.A.I., d'une part, et à la société S.I.C.L., d'autre part.
Article 2 : Les susdites sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 9 mars 1994 pour ce qui concerne la SNC EMPAIN-GRAHAM, et à compter du 28 décembre 1995, pour ce qui concerne les deux autres sociétés. Les intérêts échus le 16 juin 1995, pour la première société, et le 1er février 2001 pour les deux autres, seront capitalisés à ces dates, puis à chaque échéance à compter de ces dates.
Article 3 : Les dépens, comprenant les frais de l'expertise ordonnée par le Tribunal administratif de Nice, sont solidairement mis à la charge de la commune du Rayol-Canadel et de l'Etat.
Article 4 : La commune du Rayol-Canadel et l'Etat verseront solidairement aux sociétés appelantes une somme de 3.000 euros (trois mille euros).
Article 5 : L'Etat garantira la commune du Rayol-Canadel à concurrence de tiers de la condamnation solidaire prononcée contre eux par le présent arrêt.
Article 6 : Le jugement n° 94-01831/96-4548 en date du 22 janvier 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Les conclusions de la commune du Rayol-Canadel tendant au bénéfice de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL EMPAIN-GRAHAM, représentée par son liquidateur judiciaire Me Belhassen, à la SOCIETE INTERNATIONAL AMALGAMATED INVESTORS, à la SNC SOCIETE D'IMMEUBLES COMMERCIAUX LOCATIFS, représentée par son liquidateur judiciaire, Me Arnaud, à la commune du Rayol-Canadel, à M. Ezavin et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
N° 04MA00801
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SR