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16/10/2006 | FRANCE | N°05MA01776

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2006, 05MA01776


Vu I°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 12 juillet 2005 sous le n°05MA01776, présentée par Me Bonnefoi, avocat, pour la COMMUNE D'ALANDO, représentée par son maire en exercice ;

La commune demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 04-1152 du 12 mai 2005, notifié le

30 mai 2005, par lequel le Tribunal administratif de Bastia l'a condamnée à verser à M. X, entrepreneur, la somme de 25.412,95 euros (166.698,00 F), augmentée des intérêts moratoires, relative au paiement du décompte général d'un mar

ché négocié en date du 12 avril 1995, ensemble la somme de 100 euros au titre de l'ar...

Vu I°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 12 juillet 2005 sous le n°05MA01776, présentée par Me Bonnefoi, avocat, pour la COMMUNE D'ALANDO, représentée par son maire en exercice ;

La commune demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 04-1152 du 12 mai 2005, notifié le

30 mai 2005, par lequel le Tribunal administratif de Bastia l'a condamnée à verser à M. X, entrepreneur, la somme de 25.412,95 euros (166.698,00 F), augmentée des intérêts moratoires, relative au paiement du décompte général d'un marché négocié en date du 12 avril 1995, ensemble la somme de 100 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2) de rejeter les conclusions indemnitaires de M. X ;

3) de le condamner à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………..

Vu le mémoire, enregistré au greffe le 4 avril 2006, présenté par Me Laridan, avocat, pour M. François X, entrepreneur, qui demande à la Cour de rejeter la requête et de condamner la commune appelante à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………

Vu le mémoire, enregistré le 3 mai 2006, présenté par Me Bonnefoi, avocat, pour la COMMUNE D'ALANDO, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens, et soutient en outre que, contrairement à ce que soutient l'intimé, son maire n'a pas été habilité par délibération à signer le marché litigieux ;

Vu les mémoires, enregistrés les 4 août et 12 septembre 2006, présentés par la SELARL Gindres-Laridan, avocats, pour M. Y, entrepreneur, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

……………

Vu les mémoires, enregistrés les 29 août et 14 septembre 2006, présentés par Me Bonnefoi, avocat, pour la COMMUNE D'ALANDO, représentée par son maire en exercice, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

…………….

Vu II°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 12 juillet 2005 sous le n°05MA01777, présentée par Me Bonnefoi, avocat, pour la COMMUNE D'ALANDO, représentée par son maire en exercice, ainsi que le mémoire ampliatif du 3 mai 2006 ;

La commune demande à la Cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement susvisé n° 04-1152 du Tribunal administratif de Bastia en date du

12 mai 2005;

…………..

Vu le mémoire, enregistré au greffe le 4 avril 2006, présenté par Me Laridan, avocat, pour M. X, entrepreneur, qui demande à la Cour de rejeter la requête et de condamner la commune appelante à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

…………..

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2006 :

- le rapport de M. Brossier, premier conseiller ,

- les observations de Me Bonnefoi pour la COMMUNE D'ALANDO et de

Me Laridan pour M. X,

- et les conclusions de Mlle Josset, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes susvisées n°05MA01776 et n°05MA01777 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Considérant que M. X, entrepreneur, a signé le 12 avril 1995 avec le maire de la COMMUNE D'ALANDO (Haute-Corse) un marché de travaux, conclu selon la procédure des marchés négociés, pour un montant de 166.698 F (25.412,95 euros), en vue de la réfection des revêtements du sol de plusieurs ruelles de ce village ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bastia a fait droit à la demande de M. X en condamnant la commune appelante d'ALANDO à lui payer la somme convenue de 25.412,95 euros, augmentée des intérêts moratoires ;

Sur la nullité du marché :

Considérant qu'en vertu du 4° de l'article L.2122-22 du code général des collectivités territoriales, le maire peut, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie et pour la durée de son mandat, de prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l'exécution et le règlement des marchés de travaux, de fournitures et de services qui peuvent être passés sans formalités préalables en raison de leur montant, lorsque les crédits sont inscrits au budget ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il est constant, que le maire d'Alando n'a reçu aucune délégation de son conseil municipal l'autorisant, de façon expresse et spécifique, à signer le marché litigieux du 12 avril 2005 ; que si

M. X soutient que le maire signataire aurait été habilité à signer un tel marché passé en la forme négocié, il ne produit pas la délibération du conseil municipal autorisant son maire, pendant la durée de son mandat et en vertu de

l‘article L.2122-22 précité, à prendre toute décision relative aux marchés passés en la forme négocié ; qu'en tout état de cause, un maire bénéficiant d'une telle habilitation ne peut prendre la décision de passer un marché négocié que lorsque les crédits nécessaires sont inscrits au budget ; qu'il résulte en l'espèce de l'instruction que le mandat de paiement de la somme de 166.698 F au titre des travaux prévus par le marché du 12 avril 2005 a été rejeté le 7 juin 1995 au motif du dépassement des crédits du chapitre 233 ;

Considérant que, dans ces conditions, le maire d'ALANDO n'était pas compétent pour signer le 12 avril 2005 le marché en litige ; qu'il s'ensuit que ce marché est nul ; qu'est à cet égard inopérante la circonstance que le conseil municipal d'ALANDO, postérieurement au 12 avril, ait autorisé son maire à négocier avec M. X le paiement d'une nouvelle facture émise le 8 juin 2005, d'un même montant et afférente aux mêmes travaux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de tout marché, les conclusions indemnitaires de M. X, qui demande sur un terrain contractuel la somme de 25 412,95 euros (166 698,00 F) augmentée des intérêts moratoires, doivent être rejetées ; que, par suite, la COMMUNE D'ALANDO est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bastia s'est fondé sur la méconnaissance de ses obligations contractuelles pour la condamner à verser à M. X les sommes susmentionnées ;

Sur la demande d'indemnisation de la société :

Considérant cependant que M. X a formulé en cause d'appel une demande d'indemnité, fondée, d'une part, sur l'enrichissement sans cause qui serait résulté pour la COMMUNE D'ALANDO des prestations exécutées, d'autre part, sur la faute que cette collectivité aurait commise en passant le contrat dont s'agit dans des conditions irrégulières ;

Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer, en tout état de cause, le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte, comme en l'espèce, d'une faute de l'administration, il peut en outre prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et le cas échéant, demander à ce titre, le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat, si toutefois le remboursement à l'entreprise de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

Considérant par ailleurs que lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat frappé de nullité a apporté à l'un d'eux ou de la faute consistant, pour l'un d'eux, à avoir passé un contrat nul, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles ;

Considérant, par suite, que M. X est recevable à demander pour la première fois à la Cour la condamnation de la COMMUNE D'ALANDO sur le terrain de l'enrichissement sans cause, ainsi que sur celui de la faute quasi-délictuelle que cette collectivité aurait commise en signant le contrat dans des conditions irrégulières ;

Considérant, d'une part et en ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale opposée par la COMMUNE D'ALANDO, qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968: «Sont prescrites… toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis… » ; que selon les dispositions de l'article 2 du même texte: « La prescription est interrompue par: toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (…) Tout recours formé devant une juridiction, toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (…) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption (…) » ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ;

Considérant que, compte tenu de l'illégalité qui se trouve à l'origine de la nullité du contrat litigieux, M. X doit être regardé comme ayant légitimement ignoré l'existence de sa créance au titre de la responsabilité extra-contractuelle de la commune jusqu'à la date à laquelle celle-ci a invoqué, devant la Cour de céans le

12 juillet 2005, la nullité du contrat au motif que son maire n'avait pas été habilité par son conseil municipal à le signer ; qu'il suit de là qu'en application des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, l'exception de prescription quadriennale opposée par la COMMUNE D'ALANDO doit être rejetée ;

Considérant, d'autre part et en ce qui concerne le quantum de l'indemnisation, qu'il résulte de l'instruction que les prestations en litige de réfection et de pavage de plusieurs ruelles du village ont été réalisées par M. X, puis réceptionnées, et que leur caractère utile n'est pas contesté ; que le fait pour la commune d'avoir irrégulièrement signé, pour les motifs susmentionné, le marché public de

M. X est de nature à engager son entière responsabilité ; qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à demander à la Cour de condamner la COMMUNE D'ALANDO à lui verser la somme de 25.412,95 euros (166.698,00 F), correspondant au solde non contesté du décompte général du marché en litige ; qu'en revanche, la demande de versement des intérêts moratoires afférents à cette somme doit être rejetée, dès lors qu'elle tend à l'application des stipulations d'un contrat nul ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE D'ALANDO est seulement fondée à demander l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué, qui est suffisamment motivé et n'est entaché d'aucune omission à statuer ;

Sur les conclusions tendant au sursis à l'exécution du jugement attaqué :

Considérant que la Cour statuant sur le fond du litige par le présent arrêt, les conclusions susmentionnées sont devenues sans objet ;

Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis aux juges ; que les conclusions présentées à ce titre par la COMMUNE D'ALANDO doivent dès lors être rejetées ; qu'en revanche et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions de M. François X en mettant à la charge de la COMMUNE D'ALANDO la somme de

1.500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les

dépens ;

DECIDE

Article 1er: Il n‘y a pas lieu de statuer sur la requête n° 05MA01777.

Article 2 : L'article 2 du jugement attaqué du Tribunal administratif de Bastia en date du 12 mai 2005 est annulé.

Article 3 : Les conclusions de M. François X tendant à ce que la somme de 25.412,95 euros soit assortie des intérêts moratoires sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE D'ALANDO est rejeté.

Article 5 : La COMMUNE D'ALANDO versera à M. François X, entrepreneur, la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens .

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE D'ALANDO, à M. François X et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

05MA1776 - 05MA01777 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA01776
Date de la décision : 16/10/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Melle JOSSET
Avocat(s) : BONNEFOI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-10-16;05ma01776 ?
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