Vu le recours, enregistré le 17 août 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 05MA02136, présenté par le PREFET DES ALPES-MARITIMES ;
Le PREFET DES ALPES-MARITIMES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0504020 du 27 juillet 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté en date du 24 juillet 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. Hikmet X, de nationalité turque ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif de Nice ;
…………………………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du président de la cour administrative d'appel portant délégation pour l'exercice des compétences prévues par l'article R.776-19 du code de justice administrative ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2006 :
- les conclusions de Mme Fernandez, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'aux termes de l'article L.311-5 du code susmentionné : « La délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, d'un récépissé de demande de titre de séjour ou d'un récépissé de demande d'asile n'a pas pour effet de régulariser les conditions de l'entrée en France, sauf s'il s'agit d'un étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté de reconduite en litige, M. X, de nationalité turque, ne pouvait justifier ni d'une entrée régulière ni de l'obtention d'un titre de séjour en cours de validité ; que la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en vue de solliciter la qualité de réfugié auprès de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (O.F.P.R.A.) n'a pu avoir pour effet de régulariser son entrée sur le territoire ; qu'ainsi, le PREFET DES ALPES-MARITIMES a pu légalement prononcer son arrêté de reconduite à la frontière sur le fondement du 1° de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans que soit de nature à y faire obstacle la circonstance que M. X était susceptible d'entrer dans les prévisions du 3° de l'article précité du fait qu'il avait fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une invitation à quitter le territoire en date du 7 février 2005 ; que par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a retenu le motif tiré de l'erreur de fondement juridique pour annuler son arrêté de reconduite à la frontière en date du 24 juillet 2005 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Nice et devant la Cour ;
Considérant que l'arrêté de reconduite en litige comporte l'indication des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DES ALPES-MARITIMES ne se serait pas livré à une appréciation de la situation particulière de M. X pour prononcer la mesure de reconduite litigieuse ; qu'il suit de là que le moyen relatif à la légalité externe de ladite mesure de reconduite ne peut être accueilli ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.741-4 du code précité : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4°. » ; qu'aux termes de l'article L.742-6 du même code : « l'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L.741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. » ; que M. X, dont la demande d'asile politique a été rejetée par l'O.F.P.R.A. le 23 mars 2004, décision confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 25 janvier 2005, a été invité à quitter le territoire par le préfet des Bouches-du-Rhône par décision du 7 février 2005 ; que par une décision du 27 avril 2005 notifiée le 2 mai suivant, devenue définitive, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en se fondant sur le 4° de l'article L.741-4 précité ; que la nouvelle demande de reconnaissance du statut de réfugié, que M. X a présentée à l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 mai 2005 et qui a été rejetée le 17 mai suivant, doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme ayant eu pour seul objet de faire échec dans un but dilatoire à la mesure d'éloignement susceptible d'être prise à son encontre ; que, par suite, la saisine de la Commission des recours des réfugiés étant, en application des dispositions susmentionnées, dénuée de caractère suspensif, le prononcé de la mesure de reconduite en litige avant l'intervention de la décision de la Commission des recours des réfugiés n'entache pas d'illégalité ladite mesure de reconduite ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DES ALPES-MARITIMES aurait commis une erreur dans l'appréciation des conséquences de la mesure de reconduite sur la situation personnelle de M. X ;
Considérant que si M. X allègue qu'il a été l'objet de tortures et mauvais traitements de la part des autorités turques en raison du soutien qu'il apporterait aux militants kurdes, un tel moyen est inopérant à l'encontre de la mesure de reconduite à la frontière ; que si ce moyen doit être regardé comme dirigé contre la décision fixant la Turquie comme pays de destination, les pièces qu'il produit à l'appui de ses allégations ne présentent pas un caractère suffisamment probant pour établir qu'il serait personnellement exposé à des risques pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, risques dont l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi que la Commission des recours des réfugiés n'ont d'ailleurs pas reconnu l'existence ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES ALPES-MARITIMES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté en date du 24 juillet 2005 prononcé à l'encontre de M. X ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement n° 0504020 du 27 juillet 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : La demande de M. X devant le Tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et à M. Hikmet X.
Copie en sera adressée au PREFET DES ALPES-MARITIMES.
2
N° 05MA02136
mp