La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2006 | FRANCE | N°05MA02981

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 04 juillet 2006, 05MA02981


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 29 novembre 2005 (télécopie régularisée par envoi original reçu le 30 novembre 2005), présentée pour M. Tigran X, élisant ...), par Me Chabbert Masson ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-04853 en date du 24 octobre 2005 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 13 septembre 2005 par lequel le préfet du Gard a décidé sa reconduite à la frontière et a fi

xé le pays où il sera reconduit ;

2) d'annuler ledit arrêté, ainsi que la décision ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 29 novembre 2005 (télécopie régularisée par envoi original reçu le 30 novembre 2005), présentée pour M. Tigran X, élisant ...), par Me Chabbert Masson ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-04853 en date du 24 octobre 2005 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 13 septembre 2005 par lequel le préfet du Gard a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays où il sera reconduit ;

2) d'annuler ledit arrêté, ainsi que la décision fixant le pays de destination ;

3°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 700 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………………………

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le décret n° 2004-789 du 29 juillet 2004 relatif au contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière et modifiant la partie Réglementaire du code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la cour administrative de Marseille en date du 27 décembre 2004 donnant délégation à Mme Nicole Lorant, président, pour statuer sur les appels formés contre les jugements statuant sur des recours en annulation d'arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Lorant, magistrat délégué ;

- les conclusions de Mme Fernandez, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ...3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; »

Considérant que M. X, de nationalité arménienne, est entré irrégulièrement sur le territoire français en 2002 ; qu'il a saisi l'office français de protection des réfugiés et apatrides d'une première demande tendant à l'obtention du statut de réfugié qui a été rejetée par une décision du 7 mai 2003, décision confirmée le 11 décembre 2003 par la commission des recours des réfugiés ; que sa demande de réexamen formulée auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides a été rejetée le 25 juin 2004 ; que la commission des recours des réfugiés a confirmé cette décision le 1er juin 2005 ; que le préfet du Gard, par décision du 5 juillet 2005 notifiée le 6 juillet 2005, a refusé son admission au séjour ; que M. X s'est maintenu sur le territoire français au delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus de séjour ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite :

Considérant que le principe posé par les dispositions du dixième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958, aux termes desquelles : La nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ne s'impose au pouvoir réglementaire, en l'absence de précision suffisante, que dans les conditions et les limites définies par les dispositions contenues dans les lois ou dans les conventions internationales incorporées au droit français ; que, par suite, M. X, ne saurait utilement, pour critiquer la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, invoquer ce principe indépendamment desdites dispositions ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1 ° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° II ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. X fait valoir qu'il a dû, avec sa famille, quitter l'Arménie à la suite des affrontements entre arméniens et azéris qui ont débuté en 1988, en raison des origines azéries de sa compagne, Mme Y ; qu'ils ont ensuite vécu en Russie d'où ils sont partis en raison de l'impossibilité pour M. X d'obtenir un titre de séjour lui permettant de travailler ; qu'ils sont entrés en France en 2002 ; qu'ils craignent pour leur liberté et leur sécurité s'ils retournent en Arménie où le père de M. X a été victime de brutalités, et où l'un de leurs amis est décédé suite à une agression commise en raison de l'aide qu'il avait apportée à Mme Y ; qu'il vit en France avec sa compagne et leurs enfants depuis plus de 3 ans, et que son dernier fils est né sur le territoire français ; que, toutefois, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. X et de Mme Y, sa compagne, laquelle fait également l'objet d'une décision de reconduite à la frontière, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet du Gard n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le magistrat délégué du Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : L'étranger qui a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission de recours des étrangers lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ;

Considérant que si la commission de recours des réfugiés a, par décision du 1er juin 2005, rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de la décision du 25 juin 2004 par laquelle l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa nouvelle demande d'admission au statut de réfugié, l'intéressé fait valoir des faits nouveaux postérieurs à ces décisions, à savoir l'assassinat de l'ami qui a hébergé sa compagne, Mme Y, et l'agression dont a été victime le père de M. X et produit de nouvelles pièces à l'appui de ses affirmations, l'acte de décès de M. Manukyan en date du 15 juillet 2005 et un certificat de la polyclinique d'Erevan daté du 8 juin 2005 ; qu'il ressort de ces documents, que M. X pourrait être exposé, en cas de retour dans son pays d'origine, à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il ne pourrait y vivre une vie privée et familiale normale ; que cette circonstance est de nature à faire légalement obstacle à la reconduite de l'intéressé à destination de son pays d'origine ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision distincte fixant l'Arménie comme pays de destination de la reconduite ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 700 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 octobre 2005 du magistrat délégué du Ttribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M.X tendant à l'annulation de la décision du préfet du Gard en date du 13 septembre 2005 en tant qu'elle fixe l'Arménie comme pays de destination de la reconduite.

Article 2 : La décision du 13 septembre 2005 du préfet du Gard est annulée en tant qu'elle fixe l'Arménie comme pays de destination de la reconduite.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 700 euros (sept cents euros) au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

05MA02981

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 05MA02981
Date de la décision : 04/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nicole LORANT
Rapporteur public ?: Mme FERNANDEZ
Avocat(s) : CHABBERT MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-07-04;05ma02981 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award