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04/07/2006 | FRANCE | N°03MA02393

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2006, 03MA02393


Vu I°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 15 décembre 2003 sous le n° 03MA02393, présentée par Me Xoual, avocat, pour la SARL COMPAGNIE DE GESTION ET D'ETUDES THERMALES (C.G.E.T.), dont le siège social est zone industrielle de Peynier à Peynier (13 790) ;

La société demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 95-419 du 15 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Juvignac à lui verser la somme de 256.443, 20 euros, augmentée des intérêts au taux légal à co

mpter du 3 février 1995, capitalisés à la date du 29 septembre 2003, à titre d'in...

Vu I°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 15 décembre 2003 sous le n° 03MA02393, présentée par Me Xoual, avocat, pour la SARL COMPAGNIE DE GESTION ET D'ETUDES THERMALES (C.G.E.T.), dont le siège social est zone industrielle de Peynier à Peynier (13 790) ;

La société demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 95-419 du 15 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Juvignac à lui verser la somme de 256.443, 20 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 février 1995, capitalisés à la date du 29 septembre 2003, à titre d'indemnité de résiliation unilatérale, décidée par cette commune, du contrat de concession de l'équipement et de l'exploitation de la source thermale de Fontcaude ;

2°) de condamner ladite commune à lui verser, à titre indemnitaire, la somme de 1.600.714, 70 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 février 1995, capitalisés à la date du 29 septembre 2003, ensemble à la condamner aux dépens et à la somme de 3.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu II°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 décembre 2003 sous le n° 03MA02401, présentée par Me Gras, avocat, pour la COMMUNE DE JUVIGNAC, représentée par son maire en exercice ;

La commune demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 95-419 du 15 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser à la compagnie de gestion et d'études thermales (C.G.E.T.) la somme de 256.443, 20 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 février 1995, capitalisés à la date du 29 septembre 2003, à titre d'indemnité de résiliation unilatérale, décidée par cette commune, du contrat de concession de l'équipement et de l'exploitation de la source thermale de Fontcaude, ensemble a mis à sa charge les frais d'expertise taxés à la somme de 4.502, 78 euros ;

2°) de rejeter les prétentions indemnitaires de la société C.G.E.T. et de la condamner à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier, et notamment les bilans comptables de la société C.G.E.T. établis au 30 juin des années 1990, 1991, 1992, 1993, et 1995, communiqués le 26 avril 2006 après mesure d'instruction ;

Vu la loi du 29 janvier 1993, dite loi Sapin ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2006 :

- le rapport de M. Brossier, premier conseiller,

- les observations de Me Altea substituant Me Xoual pour la société C.G.E.T. et de Me Solan substituant la SCP Colombie-Gras-Cretin-Becquevort pour la COMMUNE DE JUVIGNAC,

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le conseil municipal de JUVIGNAC a, par une délibération du 29 novembre 1994, prononcé la déchéance de la SARL C.G.E.T. de la convention de concession de la source thermale de Fontcaude en date du 8 novembre 1990 et constaté la caducité subséquente de la convention d'aménagement du 9 avril 1990 passée avec elle au motif que, malgré une mise en demeure en date du 11 octobre 1993, celle-ci n'avait pas procédé aux travaux de forage nécessaires à l'obtention de l'agrément thermal ; que par un jugement du 22 octobre 1998, confirmé par la Cour de céans le 27 janvier 2004, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société C.G.E.T. tendant à l'annulation de la délibération du 29 novembre 1994 et ordonné une expertise aux fins d'évaluer les préjudices subis par l'ex-concessionnaire du fait de cette déchéance ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a condamné la COMMUNE DE JUVIGNAC à verser à la société C.G.E.T., à titre indemnitaire, la somme de 256.443, 20 euros ;

Considérant que par l'appel enregistré sous le n° 03MA02393, la société C.G.E.T. réclame une indemnisation totale d'un montant de 1.600.714, 70 euros (10.500.000 F), qu'elle décompose en 7.000.000 F de manque à gagner et 3.500.000 F de travaux et études engagés ; que par l'appel enregistré sous le n° 03MA02401, la COMMUNE DE JUVIGNAC demande à être exemptée de toute condamnation ; que ces deux requêtes sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

En ce qui concerne la recevabilité de l'appel de la COMMUNE DE JUVIGNAC (affaire 03MA02401) :

Considérant que la société C.G.E.T. soutient que la requête d'appel de la commune de JUVIGNAC serait irrecevable pour défaut de moyens d'appel, dès lors que le contenu de cette requête se contenterait de reprendre les termes d'un dire du 30 octobre 2000 produit en cours d'expertise ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la commune, partie défenderesse condamnée en première instance, conteste le principe même de sa condamnation, en invoquant notamment l'article 73 du cahier des charges de la concession d'exploitation de la source thermale de Fontcaude ; qu'il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée doit être rejetée ;

Sur le manque à gagner de 7.000.000 F invoqué par la société C.G.E.T.:

Considérant, ainsi que l'a déjà indiqué la Cour de céans dans son arrêt n° 99MA00199 du 27 janvier 2004 devenu définitif, que la société C.G.E.T. est à l'origine de la décision de résiliation unilatérale par déchéance du traité de concession du 8 novembre 1990, en raison du manquement à ses obligations contractuelles et de la caducité subséquente de la convention d'aménagement susmentionnée ; qu'elle ne peut, dès lors et du fait de sa propre turpitude, demander réparation du préjudice subi résultant du manque à gagner qu'elle escomptait de l'exploitation de la source thermale de Fontcaude et de l'opération d'aménagement subséquente ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société C.G.E.T n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient, à tort, rejeté sa demande d'indemnisation relative audit manque à gagner ;

Sur les travaux, ouvrages, équipements et études engagés par la société C.G.E.T. et invoqués pour un montant total de 3.500.000 F :

Considérant que la société C.G.E.T., qui a obtenu du Tribunal administratif de Montpellier la somme indemnitaires de 256.443, 20 euros (1.682.157, 20 F) au titre des frais susmentionnés, demande à la Cour de porter ce montant à 3.500.000 F ; que la COMMUNE DE JUVIGNAC conteste le principe même de sa condamnation, en invoquant notamment l'article 73 du cahier des charges de la concession d'exploitation de la source thermale de Fontcaude ;

Considérant qu'en vertu des stipulations de l'article 46 de ce cahier des charges, à l'expiration de la concession, d'une part, le concessionnaire est tenu de remettre gratuitement à la collectivité, en état normal d'entretien, tous les ouvrages et équipements qui font partie de la concession, d'autre part, la commune doit rembourser au concessionnaire les reliquats d'amortissement restant éventuellement à courir ; qu'en vertu des stipulations de l'article 73 du même cahier des charges, l'établissement du compte de la concession permettra de tenir à jour un état annuel patrimonial fixant la réalité des investissements et l'état des amortissements ; qu'il résulte de ces stipulations que le concessionnaire est en droit de prétendre au remboursement du coût non amorti des ouvrages et équipements nécessaires à la concession dont la COMMUNE DU JUVIGNAC a pris possession et dont le reliquat à amortir est justifié par un bilan comptable probant ; qu'ainsi les dépenses nécessaires engagées par la société C.G.E.T. peuvent lui être remboursées aux conditions, d'une part, que cet engagement soit justifié par des éléments de facturation suffisamment probants ayant donné lieu à un paiement effectif, d'autre part, que cet engagement se retrouve dans le bilan comptable de reprise faisant état d'un taux d'amortissement ;

En ce qui concerne les travaux, ouvrages, équipements et études préalables nécessaires à l'agrément et à l'exploitation de la source :

Considérant, d'une part et en ce qui concerne les études préalables, qu'il exact, comme le soutient la société C.G.E.T., que les ouvrages et équipements, au sens des stipulations précitées, doivent être entendus comme incluant, non seulement les immobilisations corporelles telles que les constructions et installations, mais aussi les immobilisations incorporelles amortissables, telles que les frais de premier établissement, incluant les études préalables ; qu'ainsi les coûts non amortis de telles études préalables réalisées par la société C.G.E.T. doivent lui être remboursés, dès lors que leur engagement s'est avéré nécessaire à l'exploitation ultérieure de la source et aux conditions comptable susmentionnées ; que le caractère nécessaire de ces études initiales doit être étudié au cas par cas ;

Considérant, d'autre part et en ce qui concerne les ouvrages et équipements, que la commune, par suite de la déchéance de son concessionnaire, s'est retrouvée propriétaire d'une source dont l'ancien puits a été obturé au profit d'un nouveau puits d'une plus grande profondeur ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert judiciaire Astruc, que la grande profondeur des travaux de forage entrepris par le concessionnaire avait pour objectif de capter, dans une zone exempte de toute interférence aquifère, les eaux thermales dépourvues de toute pollution, compte-tenu de la géologie complexe des lieux dans une zone tectoniquement perturbée et de la grande profondeur de la roche mère où les eaux de la source trouvent leur origine ; que la circonstance que la commune ait dû exposer des dépenses supplémentaires pour obtenir finalement l'agrément thermal ne saurait, à elle seule, établir que les travaux et études initiales entrepris par la société C.G.E.T. n'étaient pas nécessaires à l'agrément et à l'exploitation de la source dans des conditions de qualité supérieure à celles existant avec l'ancien puits ; que le caractère nécessaire de ces travaux, ouvrages et équipements doit être étudié au cas par cas ;

S'agissant du caractère nécessaire des dépenses engagées et de la justification de leur paiement :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que doivent être regardées comme ayant été nécessaires à l'agrément et à l'exploitation de la source des études hydrogéologiques préliminaires à concurrence de 120.000 HT, soit 142.320 F TTC, ainsi que des prestations de maîtrise d'oeuvre pour suivi du forage à concurrence de 60.000 HT, soit 71.160 F TTC ; que les engagements de ces prestations auprès du BRGM, leurs paiements et leurs résultats sont justifiés par des pièces suffisamment probantes, mentionnées notamment aux pages 16 et 17 du rapport d'expertise et dans ses annexes, contrairement à ce que soutient la commune ; qu'en ce qui concerne les travaux de forage, dont le caractère nécessaire n'est pas non plus sérieusement contesté par la dépense supplémentaire de 83.973 F invoquée par la commune, le paiement effectif de tels travaux n'est établi qu'à hauteur de 917.144, 8 F HT, soit 1.087.733, 73 F TTC, montant d'une facture Foraco n° 91121-06 ; que de même, doivent être regardées comme nécessaires à l'agrément et à l'exploitation de la source les dépenses relatives aux enregistrements thermométriques et débitmétriques, aux pompages d'essais de longue durée et aux travaux d'acidification ; que la réalité de ces dépenses est établie par des factures probantes dont la preuve du paiement est apportée à hauteur de 36.791, 78 F HT (43.635, 05 F TTC) pour les enregistrements (page 19 du rapport), de 118.600 F TTC pour les opérations de pompage et de 50.523, 60 TTC pour l'acidification ;

Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de l'instruction que les dépenses engagées relatives aux études de définition d'un périmètre sanitaire d'émergence, aux analyses microbiologiques et physico-chimiques destinées à l'agrément de la source et à la location de baraques de chantier ne peuvent être regardées comme suffisamment établies, en l'absence de facturation probante ou de trace de paiement effectif des factures ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le coût total des travaux, ouvrages, équipements et études préalables nécessaires à l'obtention de l'agrément de la source, puis à son exploitation, atteint la somme de 1.513.972, 38 F TTC ; que l'engagement et le paiement de cette somme est établie par des factures et des pièces suffisamment probantes mentionnées dans le rapport d'expertise ; qu'il y a lieu de maintenir dans cette somme, ainsi que l'a opéré le Tribunal de façon non contestée par les parties, la part de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que l'ex-concessionnaire n'a pu la récupérer en l'absence de recettes d'exploitation, compte tenu de sa déchéance ;

S'agissant des taux d'amortissement :

Considérant cependant, et ainsi qu'il a été dit, que la société C.G.E.T. n'est en droit de prétendre au remboursement que du seul coût non amorti de ces travaux, ouvrages, équipements et études préalables dont la COMMUNE DU JUVIGNAC a pris possession ; qu'il résulte de l'instruction que les bilans comptables de la société C.G.E.T. établis au 30 juin des années 1990, 1991, 1992, 1993, et 1994, ne font état d'aucune immobilisation incorporelle, se bornent à mentionner un montant d'immobilisations corporelles amorti au bout de 5 ans de 6.477 F mais comportent, à la ligne « Stocks et en-cours : en-cours de production de biens », des montants croissants de 240.000 F en 1990, 1.431.936 F en 1991, 1.818.548 F en 1992, et 1.828.504 F en 1993 et 1994 ; que ces seuls éléments comptables, qui suggèrent que les dépenses engagées susmentionnées ont été enregistrées comptablement dans l'actif circulant, ne mettent pas le juge en mesure de calculer les reliquats d'amortissement afférents à la somme susmentionnée de 1.513.972, 38 F TTC, auxquels la société C.G.E.T. est en droit de prétendre en application de des stipulations précitées du traité de concession ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'ordonner une expertise aux fins précisées ci-après ;

En ce qui concerne le surplus des dépenses invoquées par la société C.G.E.T. :

Considérant que ne peuvent être regardées comme ayant été nécessaires à l'agrément et à l'exploitation de la source les frais invoqués au titre, d'une part, d'études médicales sur l'efficacité thérapeutique de la source, en l'absence de résultats produits, d'autre part, d'études commerciales ou juridiques, dont la société C.G.E.T. n'établit pas qu'elles aient constitué des frais d'établissement en lien suffisamment direct avec l'agrément et l'exploitation de la source ;

DECIDE :

Article 1er: Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la SARL COMPAGNIE DE GESTION ET D'ETUDE THERMALE (C.G.E.T.) et de la COMMUNE DE JUVIGNAC , procédé à une expertise en vue :

- de déterminer si les dépenses engagées au titre, d'une part, des études préalables, d'autre part, des travaux, ouvrages et équipements du forage non terminé, dont le caractère nécessaire a été précisé ci-dessus pour un montant de 1.513.972, 38 F TTC (un million cinq cent treize mille neuf cent soixante-douze francs et trente-huit centimes), sont incluses dans le montant final susmentionné de 1.828.504 F (un million huit cent vingt huit mille cinq cent quatre francs) d'en-cours de production ;

- d'estimer un taux d'amortissement applicable sur de telles dépenses ;

Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R.621-2 à R.621-14 du code de justice administrative.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent jugement sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SARL COMPAGNIE DE GESTION ET D'ETUDE THERMALE (C.G.E.T.), à la COMMUNE DE JUVIGNAC et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Copie en sera adressée à M. François Astruc, expert, et au Trésorier Payeur Général de l'Hérault.

Nos 03MA02393, 03MA02401 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 03MA02393
Date de la décision : 04/07/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : XOUAL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-07-04;03ma02393 ?
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