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04/07/2006 | FRANCE | N°03MA01289

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 04 juillet 2006, 03MA01289


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 30 juin 2006 sous le n° 03MA01289, présentée par Me Gils, avocat, pour la COMMUNE DE BONNIEUX, représentée par son maire en exercice ;

La commune demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 mars 2003 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a) a annulé la délibération du 24 janvier 2001 de son conseil municipal déclarant communal le terrain attenant à la maison d'habitation de Mme Thelma X, b) a rejeté les prétentions indemnitaires de Mme Thelma X, c) l'a cond

amnée à verser à Mme Thelma X la somme de 1.500 euros au titre de ses frais...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 30 juin 2006 sous le n° 03MA01289, présentée par Me Gils, avocat, pour la COMMUNE DE BONNIEUX, représentée par son maire en exercice ;

La commune demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 mars 2003 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a) a annulé la délibération du 24 janvier 2001 de son conseil municipal déclarant communal le terrain attenant à la maison d'habitation de Mme Thelma X, b) a rejeté les prétentions indemnitaires de Mme Thelma X, c) l'a condamnée à verser à Mme Thelma X la somme de 1.500 euros au titre de ses frais de procédure ;

2°) de rejeter la requête en annulation de Mme X dirigée contre cette délibération ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code du domaine de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2006 :

- le rapport de M. Brossier, premier conseiller,

- les observations de Me Blandin substituant Me Huet pour Mme X,

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;

Sur l'appel principal de la COMMUNE DE BONNIEUX :

Considérant que par délibération du 24 janvier 2001, le conseil municipal de la COMMUNE DE BONNIEUX a décidé que l'espace situé devant la maison d'habitation de Mme X, sise ..., est un « espace communal jusqu'à preuve du contraire » ; que le Tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération pour erreur de droit, le bien immobilier en litige ne pouvant faire l'objet d'un tel classement dès lors qu'il ne serait pas la propriété de la collectivité, mais celle de Mme X ;

Considérant que l'objet du litige est un terrain non bâti, en bordure de la voie publique constituée par la rue Emile Appy, d'une superficie d'environ 25 m2, en forme de quadrilatère situé au sud-est de la maison d'habitation de Mme X, dans le prolongement du jardin dont il est séparé par un mur de clôture, jouxtant à l'est la propriété de Mme Y ; que la commune appelante soutient que cet espace serait communal et affecté à la circulation publique ; qu'il appartient au juge administratif de déterminer la consistance du domaine public, sous réserve des questions préjudicielles à poser au juge judiciaire en cas de difficultés afférentes à un droit de propriété ;

Considérant qu'il ressort clairement de l'acte notarié du 16 mai 1998 produit par Mme X que le bien immobilier qu'elle a acquis comporte une maison à usage d'habitation, avec « terrain attenant », cave et ancien moulin à huile ; qu'il ressort clairement du rapport circonstancié du géomètre-expert Cahuzac en date du 8 juin 2000, désigné en commun par les parties et fondé sur un examen argumenté des documents cadastraux et titres de propriété relatifs au bien litigieux, que l'objet du litige s'identifie à ce « terrain attenant » ; que la COMMUNE DE BONNIEUX ne conteste pas sérieusement ce rapport, pas plus devant le juge d'appel que devant les premiers juges, en se contentant d'invoquer le rapport peu probant d'un second expert en date du 22 novembre 2000, missionné par un tiers et afférent à un autre litige ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'espace litigieux doit être regardé comme appartenant à Mme X et non à la COMMUNE DE BONNIEUX, ainsi que l'a d'ailleurs déclaré le Tribunal de grande instance d'Avignon par jugement n° 24-2005 du 8 février 2005, nonobstant la circonstance que ce jugement ait fait l'objet d'un appel enregistré le 4 avril 2005 au greffe de la Cour d'appel de Nîmes ; que, dans ces conditions, la COMMUNE DE BONNIEUX n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient, à tort, annulé pour erreur de droit la délibération attaquée ;

Sur les conclusions indemnitaires incidentes de Mme X :

En ce qui concerne la compétence juridictionnelle :

Considérant, d'une part, qu'il entre dans les compétences du conseil municipal de BONNIEUX de délimiter le domaine public sur le territoire de sa commune ; qu'ainsi la délibération attaquée, bien qu'illégale, ne peut être regardée comme une mesure manifestement insusceptible d'être rattachée à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration et constitutive d'une voie de fait, nonobstant la circonstance que ledit conseil municipal n'ait pas eu recours à la procédure prévue par le décret n° 76-790 du 20 août 1976 fixant les modalités d'enquête préalable au classement, à l'ouverture, au redressement, à la fixation de la largeur et au déclassement des voies communales ;

Considérant, d'autre part, que la délibération attaquée du 24 janvier 2001 n'a donné lieu, de la part de la COMMUNE DE BONNIEUX, à aucune mesure d'exécution, telle qu'occupation du terrain en litige ou implantation sur son assiette d'ouvrages sans titre, caractérisant une dépossession constitutive d'une emprise ; que la circonstance que l'édification d'une clôture par Mme X, autorisée en vertu d'une déclaration de travaux du 11 septembre 1998, ait été suspendue par arrêté municipal du 21 juillet 1999, antérieur au 24 janvier 2001, au motif de la propriété communale du terrain « jusqu'à preuve du contraire », ne peut davantage être regardée comme une dépossession constitutive d'une emprise ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le juge administratif est compétent pour statuer sur les conclusions indemnitaires de Mme X tendant à la réparation des conséquences dommageables des fautes commises par la COMMUNE DE BONNIEUX dans l'appréciation de la propriété du terrain litigieux ; que la circonstance que le jugement susmentionné du Tribunal de grande instance d'Avignon en date du 8 février 2005 ait indemnisé Mme X à hauteur de 5.000 euros, ne saurait donner lieu à un conflit de compétence relevant du Tribunal des conflits dès lors que ce jugement n'est pas devenu définitif, mais a fait l'objet d'un appel interjeté le 4 avril 2005 ;

En ce qui concerne la recevabilité de la demande :

Considérant que Mme X avait demandé réparation des préjudices qu'elle estime subir du fait de l'arrêt illégal des travaux de rénovation de sa maison d'habitation ; que les premiers juges ont rejeté toute indemnisation au motif de l'absence de liaison du contentieux ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'intéressée avait formé une réclamation le 20 mars 2001, reçue le 22 mars, pour un montant de 20.000 francs ; que, dans ces conditions, Mme X est fondée à demander que la Cour réforme le jugement attaqué en tant qu'il rejette, comme irrecevables, les conclusions indemnitaires de Mme X ; qu'il y a lieu, pour la Cour, de procéder à l'évocation de telles conclusions, portées à 30.000 euros par mémoire du 3 octobre 2003, et d'y statuer ;

En ce qui concerne le bien-fondé de la demande :

Considérant que Mme X doit être regardée comme demandant, dès l'introduction du litige devant le Tribunal administratif de Marseille, une indemnisation au motif de l'illégalité de l'arrêté municipal du 21 juillet 1999 suspendant l'exécution de sa déclaration de travaux et de la délibération querellée du 24 janvier 2001 ;

Considérant, d'une part et en ce qui concerne la façade, qu'il résulte de l'instruction, notamment du courrier du maire de BONNIEUX du même jour accompagnant son arrêté du 21 juillet 1999, que l'interruption des travaux a été prise au seul motif de la propriété communale du terrain attenant en litige, « jusqu'à preuve du contraire » ; que cette interruption n'aurait dû concerner que la seule clôture du terrain querellé ; qu'en interrompant également, à compter de l'été 1999, pour le même motif de propriété et par suite irrégulièrement, les travaux de rénovation de la façade du bâtiment incluant ouvertures et fenêtres, l'arrêté du 21 juillet 1999 est entaché d'une illégalité de nature à engager la responsabilité de la COMMUNE DE BONNIEUX ; que celle-ci n'établit pas, ni même n'allègue, qu'elle était en tout état de cause tenue de suspendre l'exécution de ces travaux de façade pour des motifs urbanistiques ; que cette interruption illégale des travaux de façade se poursuit à la date du présent arrêt et engage la responsabilité de la COMMUNE DE BONNIEUX ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du dossier photographique, que des fenêtres et portes-fenêtres neuves ont toutefois pu être posées ; que Mme X n'établit pas sérieusement pour quels motifs sa maison, ainsi fermée, ne serait pas habitable par elle à titre de résidence secondaire, nonobstant la circonstance que le ravalement de la façade ne soit pas terminé ; qu'elle n'établit pas sérieusement la hausse du coût de ce ravalement, en l'absence de tout élément suffisamment probant ; qu'elle n'établit pas enfin sérieusement que son bien était destiné à la location et se contente d'alléguer l'éventualité d'une location saisonnière, sans autre précision notamment chiffrée ; que, dans ces conditions, Mme X doit être regardée comme ne supportant que le seul préjudice consistant à ne pas pouvoir achever ses travaux de ravalement de sa façade ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant la COMMUNE DE BONNIEUX à verser à Mme X la somme de 2.500 euros au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral qu'elle subit en raison de l'interruption illégale desdits travaux de ravalement ;

Considérant, d'autre part et en ce qui concerne le terrain querellé, qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que les décisions d'interrompre en 1999 les travaux de clôture, puis de confirmer en 2001 l'appartenance communale du terrain attenant en litige, ont irrégulièrement privé Mme X de la jouissance de ce terrain constituant un petit jardin privatif, avec vue, situé devant une entrée de la maison et pouvant servir de lieu de vie ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant la COMMUNE DE BONNIEUX à verser à Mme X la somme de 2.500 euros au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral qu'elle subit en raison de l'interruption illégale de ses travaux de clôture et de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'aménager ce jardin ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à demander à la Cour de condamner la COMMUNE DE BONNIEUX à lui verser la somme de 5.000 euros à titre indemnitaire, sous réserve qu'elle n'ait pas perçu les sommes allouées par le juge judiciaire ;

Sur les conclusions accessoires de Mme X :

Considérant que, dans le présent litige, Mme X n'a pas demandé l'annulation directe, en excès de pouvoir, de l'arrêté d'interruption des travaux en date du 21 juillet 1999, mais de la seule délibération du 24 janvier 2001 ; que, dans ces conditions, ses conclusions accessoires ne peuvent être regardées comme une demande d'injonction et doivent être rejetées, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de faire oeuvre d'administrateur et « d'autoriser » Mme X à terminer l'exécution des ses travaux ;

Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du Code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis aux juges ; que les conclusions présentées à ce titre par la COMMUNE DE BONNIEUX doivent dès lors être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner cette dernière à verser à Mme X la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 03MA01289 de la COMMUNE DE BONNIEUX est rejetée.

Article 2 : L'article 3 du jugement attaqué du Tribunal administratif de Marseille en date du 25 mars 2003 est annulé.

Article 3 : La COMMUNE DE BONNIEUX est condamnée à verser à Mme X la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) à titre indemnitaire, sous réserve de l'absence de perception des sommes allouées par le juge judiciaire.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme X est rejeté.

Article 5 : Le jugement attaqué du Tribunal administratif de Marseille en date du 25 mars 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : La COMMUNE DE BONNIEUX est condamnée à verser à Mme X la somme de 1.500 euros (mille cinq cent euros) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE BONNIEUX, à Mme X et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Copie en sera adressée au greffe de la cour d'appel de Nîmes.

N° 03MA01289 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 03MA01289
Date de la décision : 04/07/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : GILS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-07-04;03ma01289 ?
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