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27/06/2006 | FRANCE | N°02MA02467

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 27 juin 2006, 02MA02467


Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2002, présentée pour Mme Y... , demeurant ... par Me X... ;

Mme demande à la Cour :

11/ d'annuler le jugement n° 996225 en date du 8 octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de condamnation de la ville de Marseille à lui verser une indemnité de 1.965.000 francs avec intérêts de droit et 10.000 francs au titre des frais irrépétibles en réparation du préjudice découlant de son licenciement en date du 31 décembre 1993 à la suite de la résiliation de la concession accordée par la

ville à la SOMIMAR ;

22/ de condamner la ville à lui verser la somme de 299.56...

Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2002, présentée pour Mme Y... , demeurant ... par Me X... ;

Mme demande à la Cour :

11/ d'annuler le jugement n° 996225 en date du 8 octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de condamnation de la ville de Marseille à lui verser une indemnité de 1.965.000 francs avec intérêts de droit et 10.000 francs au titre des frais irrépétibles en réparation du préjudice découlant de son licenciement en date du 31 décembre 1993 à la suite de la résiliation de la concession accordée par la ville à la SOMIMAR ;

22/ de condamner la ville à lui verser la somme de 299.562 euros outre les intérêts de droit ;

3°/ de condamner la ville aux entiers dépens et à lui verser la somme de 5.000 euros en application de l'article L.761.1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………….

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2006,

- le rapport de M. Duchon-Doris, président assesseur ;

- les observations de Me X... pour Mme ;

- et les conclusions de M. Bonnet, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement de première instance :

Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article R.613-1 du code de justice administrative : « Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Les lettres remises contre signature portant notification de cette ordonnance ou tout autres dispositifs permettant d'attester la date de réception de ladite ordonnance sont envoyées à toutes les parties en cause quinze jours au moins avant la date de la clôture fixée par l'ordonnance » ; qu'aux termes de l'article R.613-2 du même code : « Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R.711-2… », qu'enfin, aux termes de l'article R.711-2 du même code : « Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R.611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. Dans les deux cas, l'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience… » ;

Considérant que Mme fait valoir qu'eu égard à la date à laquelle est parvenue à son conseil, le lundi 16 septembre 2002, la lettre informant les parties que l'affaire la concernant serait inscrite à l'audience du mardi 24 septembre 2002, le délai de quinze jours au moins prévu par les dispositions précitées de l'article R.613-1 du code de justice administrative n'a pas été respecté, entachant de ce fait d'irrégularité la procédure contentieuse ; que toutefois, en l'absence de notification aux parties de l'ordonnance de clôture prévue par ces dispositions, l'instruction devant le tribunal administratif n'était close, par application de l'article R.613-2 du même code, que trois jours francs avant la date d'audience ; que dès lors, Mme , dont le conseil a reçu l'avis d'audience dans le délai de sept jours prévu par l'article R.711-2 précité, n'est pas fondée à soutenir que la procédure de convocation des parties aurait été entachée d'irrégularité ;

Considérant en second lieu que si Mme fait valoir que les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire dès lors qu'ils n'ont pas répondu à ses lettres des 23 et 24 septembre 2002 par lesquelles elle sollicitait que l'affaire soit retirée du rôle pour pouvoir répliquer au mémoire de l'administration en date du 6 septembre 2002, il ressort de l'instruction d'une part que lesdits mémoires ont été produits après clôture de l'instruction, d'autre part et en toute hypothèse qu'une demande de renvoi n'est pas de droit et qu'il appartient au seul tribunal d'en apprécier l'opportunité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;

Sur la responsabilité de la ville de Marseille :

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la ville de Marseille :

Considérant que si Mme soutient que la responsabilité de la ville de Marseille est engagée sur le terrain de la responsabilité sans faute pour rupture du principe d'égalité devant les charges publiques, elle n'établit pas que son préjudice ait revêtu un caractère anormal et spécial ; que par suite, et en tout état de cause, son argumentation sur ce point ne peut être que rejetée ;

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la ville de Marseille :

Considérant que Mme , employée en qualité de secrétaire sténo-dactylographe à compter du 8 septembre 1975 à la société SOMIMAR, demande la condamnation de la ville de Marseille à réparer l'entier préjudice ayant résulté pour elle de son licenciement à compter du 31 décembre 1993 qui serait la conséquence directe de la décision illégale de cette collectivité de résilier la convention de concession la liant à son employeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par délibérations du conseil municipal du 23 juillet 1993 et du 20 décembre 1993, la ville de Marseille a décidé de mettre un terme de façon anticipée à la concession accordée à la société SOMIMAR en date du 17 février 1978 pour la gestion du marché de poissons de Z..., rattaché au Marché d'Intérêt National (MIN) de Marseille, pour confier cette gestion à une société d'économie mixte nouvellement créée, la SAEM Z... Méditerranée, dans le cadre d'une opération générale de réaménagement et de scission de l'exploitation des deux marchés du MIN ; que par lettre en date du 1er décembre 1993, le secrétariat général de la ville de Marseille a informé le directeur de la SOMIMAR des décisions de la ville et l'a invité à « mettre en oeuvre, à l'égard du personnel, l'intégralité des procédures imposées par le droit du travail » ; que par lettre en date du 23 décembre 1993, le directeur général de la société SOMIMAR a signifié à Mme Y... son licenciement économique dont la cause économique est la « suppression de l'emploi liée à la cessation de l'activité résultant de la décision imposée par la puissance publique » ; que la décision de la ville de Marseille de scinder le MIN en deux établissements était toutefois subordonnée, ainsi que le reconnaît le texte de la délibération du 23 juillet 1993 et que l'indiquait à la ville dès le 10 décembre 1991 le contrôleur d'Etat auprès des MIN, à la promulgation d'un décret modificatif au classement du Marché d'Intérêt National des produits de la mer, pris en Conseil d'Etat après avis du comité de tutelle des MIN ; que le 26 novembre 1996, le Conseil d'Etat a rendu un avis défavorable au projet de décret ayant pour objet de faire assurer la gestion des deux sites du MIN par deux sociétés distinctes, considérant que ce projet était contraire notamment au principe d'unité de gestion résultant de la réglementation applicable aux MIN ; que par lettre en date du 10 février 1997, le comité de tutelle des MIN a invité la ville à tirer les conséquences de cet avis défavorable ; que par délibération en date du 30 mars 1998, après avoir constaté que le Conseil d'Etat avait « invalidé » le dispositif mis en place, le conseil municipal de Marseille a approuvé la résiliation anticipée de la convention conclue avec la SAEM Z... Méditerranée, et, par une délibération en date du 1er février 1999, approuvé la signature d'une nouvelle convention rendant à la société SOMIMAR la gestion du MIN de Z... ;

Considérant en premier lieu qu'il résulte de ce qui précède qu'en décidant d'une part, dès les mois de juillet et décembre 1993, de résilier la convention de concession la liant à la société Z... pour confier la gestion du MIN de Marseille à deux sociétés distinctes sans attendre la publication d'un décret modificatif pris en Conseil d'Etat après avis du comité de tutelle des MIN, d'autre part en mettant en place un dispositif de gestion du MIN contraire à la réglementation prévue notamment par l'ordonnance n°67-808 du 22 septembre 1967 portant modification et codification des règles relatives aux Marchés d'Intérêt National, la ville de Marseille a commis des fautes susceptibles d'engager sa responsabilité ;

Considérant en second lieu qu'il ressort des pièces du dossier et en particulier de la lettre susmentionnée en date du 23 décembre 1993 que le licenciement de Mme est la conséquence directe de la décision fautive prise par la ville de Marseille de mettre un terme de façon anticipée à la concession qui la liait à la société SOMIMAR, employeur de la requérante ; qu'il suit de là que Mme est fondée à demander à la ville de Marseille réparation du préjudice résultant pour elle de la décision de la licencier ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne le préjudice relatif à la perte de rémunération :

Considérant que si, par jugement en date du 27 novembre 2001 du conseil des Prud'hommes, Mme a perçu au titre de la perte de salaire consécutive à son reclassement au sein des services de la ville de Marseille la somme de 84.000 francs pour les années 1994 et 1995, ce jugement a été annulé par décision de la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 4 mars 2004 et Mme condamnée à restituer les sommes qui lui avaient été versées ; que par suite, la ville de Marseille n'est pas fondée à soutenir que la requérante a déjà été indemnisée à ce titre ;

Considérant que Mme demande l'indemnisation de la différence entre le salaire perçu à la société SOMIMAR et son salaire net actuel, qu'elle évalue à 70.000 francs par an, depuis le 31 décembre 1993 jusqu'à l'âge de la retraite en septembre 2015 ; que toutefois, si cette somme de 70.000 francs correspond à la différence annuelle de salaire entre la rémunération que Mme percevait à la SOMIMAR au moment de son licenciement et sa première rémunération en qualité d'agent administratif non titulaire début 1994 dans les services de la ville de Marseille, il résulte des pièces du dossier qu'après avoir réussi un concours, elle a été titularisée dans le grade d'adjoint administratif dans les mêmes services à compter du 1er janvier 1996 et a bénéficié depuis d'évolutions indiciaires ; qu'elle fait valoir à cet égard, dans ses dernières écritures, sans être contredite sur ce point, que son salaire mensuel net est aujourd'hui de 1.097 euros ; qu'en l'absence de précisions quant à l'évolution de sa rémunération sur les années concernées et ses perspectives de carrière, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant de la diminution de la rémunération de Mme en le fixant à la somme de 100.000 euros, tout intérêts confondus ;

En ce qui concerne le préjudice résultant de la perte de certains avantages :

Considérant que si Mme demande l'indemnisation de la perte de divers avantages, tels que tickets restaurants et mutuelle, attachés à son emploi à la société SOMIMAR, il ne ressort pas des pièces du dossier que son reclassement dans les services de la ville de Marseille l'ait, de ce point de vue, eu égard au statut qui est désormais le sien, placée dans une situation moins avantageuse ; que par suite, son argumentation sur ce point ne peut être que rejetée ;

En ce qui concerne le préjudice moral :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le licenciement de Mme a entraîné pour elle des troubles dans les conditions d'existence et, en particulier, l'a obligée à accepter un emploi moins qualifié et moins rémunéré et à passer des concours pour être titularisée ; qu'il sera fait une juste appréciation de son préjudice à ce titre en le fixant à la somme de 10.000 euros ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la ville de Marseille à payer à Mme la somme de 1 500 euros au titre des frais supportés par elle et non compris dans les dépens ; que les mêmes dispositions s'opposent à ce que Mme qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ou tenue aux dépens, soit condamnée à payer à la Ville de Marseille la somme que celle-ci réclame au titre des frais supportés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La Ville de Marseille est condamnée à verser à Mme , au titre des dommages et intérêts, la somme de 110.000 euros tout intérêts confondus et, au titre des frais irrépétibles, la somme de 1 500 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 8 octobre 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme et à la Ville de Marseille.

N° 02MA02467 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA02467
Date de la décision : 27/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. RICHER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe DUCHON-DORIS
Rapporteur public ?: M. BONNET
Avocat(s) : CECCALDI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-06-27;02ma02467 ?
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