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19/06/2006 | FRANCE | N°05MA00681

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5eme chambre - formation a 3, 19 juin 2006, 05MA00681


Vu I, la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, le 22 mars 2005, sous le n° 05MA00681, présentée par Me Perreimond, avocat, pour M. Jean X, élisant domicile ... ; M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0300720 du 27 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a condamné la commune de VENTISERI à lui verser une indemnité de 10 000 euros qu'il estime insuffisante en réparation du préjudice qu'il a subi, et à verser à la caisse nationale militaire de sécurité sociale une indemnité de 44 116,98 euros

qu'il estime trop importante ;

2°) de condamner la commune de VENTISERI...

Vu I, la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, le 22 mars 2005, sous le n° 05MA00681, présentée par Me Perreimond, avocat, pour M. Jean X, élisant domicile ... ; M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0300720 du 27 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a condamné la commune de VENTISERI à lui verser une indemnité de 10 000 euros qu'il estime insuffisante en réparation du préjudice qu'il a subi, et à verser à la caisse nationale militaire de sécurité sociale une indemnité de 44 116,98 euros qu'il estime trop importante ;

2°) de condamner la commune de VENTISERI à lui verser la somme de 173 000 euros et à verser à la caisse nationale militaire de sécurité sociale la somme de 37 450,31 euros ;

3°) de condamner la commune de VENTISERI à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu II, la requête enregistrée le 31 mars 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 05MA00819, présentée par Me Poli, avocat, pour la commune de VENTISERI, dont le siège est Hôtel de ville à Ventiseri (20240), représentée par son maire en exercice ;

La commune demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300720 par lequel le Tribunal administratif de Bastia l'a condamnée à verser une somme de 10 000 euros à M. X en réparation du préjudice qu'il allègue avoir subi, une somme de 44 116,98 euros à la caisse nationale militaire de sécurité sociale, a mis à sa charge les frais d'expertise, et l'a condamnée à verser à M. X une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Bastia ;

3°) subsidiairement, de nommer un expert aux fins d'examiner M. X ;

4°) plus subsidiairement de la condamner à verser à M. X une somme de 10 000 euros et de limiter la créance de la caisse nationale militaire de sécurité sociale aux frais exposés avant le 13 février 2003, date de la consolidation de la victime ;

5°) de condamner M. X à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code rural ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2006 :

- le rapport de M. Pocheron, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la responsabilité de la commune de VENTISERI :

Considérant qu'aux termes de l'article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales : La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : …7° Le soin d'obvier ou de remédier aux évènements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces… ; et qu'aux termes de l'article L.211-1 du code rural : Lorsque des animaux non gardés ou dont le gardien est inconnu ont causé du dommage, le propriétaire lésé a le droit de les conduire sans retard au lieu de dépôt désigné par le maire, qui, s'il connaît la personne responsable du dommage…lui en donne immédiatement avis. Si les animaux ne sont pas réclamés, et si le dommage n'est pas réparé dans la huitaine du jour où il a été commis, il est procédé à la vente sur ordonnance du juge compétent de l'ordre judiciaire qui évalue les dommages… ;

Considérant qu'il ressort des déclarations très circonstanciées de M. X telles qu'elles ressortent du procès-verbal en date du 28 février 2001 de la direction départementale de la sécurité publique de Haute Corse, des déclarations de son épouse à la brigade territoriale de gendarmerie de Ventiseri en date du 3 novembre 2000, et des premières constatations médicales du centre hospitalier de Bastia effectuées le 22 août 2000 que, ce jour là, M. X, alors qu'il se promenait avec son chien sur le chemin du Château d'eau, à proximité de son domicile, a été chargé à trois reprises par un taureau en liberté de couleur noire ; que l'animal l'a heurté au visage, puis lui a donné des coups de cornes notamment au niveau du cou, et enfin a piétiné plusieurs parties du corps de la victime ; que la commune de VENTISERI n'est dés lors pas fondée à soutenir que le fait générateur des dommages et le lien de causalité entre les charges du taureau et les blessures de M. X ne seraient pas établis ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est pas contesté, que le maire de Ventiseri a pris des mesures de police administrative interdisant la divagation des animaux errants et dangereux, dont les bovins, à l'origine de l'accident survenu à M. X, et qu'il en a confié l'exécution à la gendarmerie ; que, cependant, faute pour le maire, dont les arrêtés successifs depuis 1945 démontrent qu'il avait parfaitement connaissance de la situation, d'avoir désigné le lieu de dépôt prévu à cet effet par les dispositions précitées du code rural, ces mesures se sont, en réalité, avérées comme dénuées de véritable caractère exécutoire et n'ont eu, par suite, aucun effet sur la persistance de la divagation de ces animaux ; que cette carence de l'autorité municipale constitue une faute lourde de nature à engager la responsabilité de la commune ;

Considérant qu'il ne peut être reproché aucune imprudence particulière à M. X pour s'être promené avec son chien sur le territoire de la commune de VENTISERI au moment des faits litigieux ; que, par suite, ladite commune doit être déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont l'intéressé a été victime le 22 août 2000 ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il ressort de l'état des prestations produit en première instance que la caisse nationale militaire de sécurité sociale, qui peut prétendre au remboursement des prestations en lien avec l'accident subi par M. X versées postérieurement à la consolidation de son état, justifie avoir exposé des débours à hauteur de 56 175,47 euros ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. X, suite à l'accident du 22 août 2000, a été transporté en hélicoptère au centre hospitalier de Bastia où il a été placé en soins intensifs jusqu'au 17 septembre suivant ; qu'il a ensuite été hospitalisé dans un centre de rééducation pendant plusieurs mois ; qu'il a subi une incapacité temporaire totale de dix-huit mois et plusieurs interventions chirurgicales ; que, depuis, il souffre de céphalées, de vertiges, de troubles du sommeil et de la digestion, de dépression, de séquelles de ses fractures et d'esquarres avec perte de substance du talon gauche, d'une raideur du cou et de l'épaule droite, de troubles moteurs du bras droit et des jambes ainsi que de dorso-lombalgies ; qu'il marche en boitant de manière importante et avec l'aide indispensable d'une canne anglaise ; que la station debout prolongée lui est pénible ; que l'incapacité permanente partielle dont il est atteint a ainsi été évaluée à 55 pour cent ; que l'intéressé ne peut plus s'adonner comme il le faisait auparavant à la pratique de la bicyclette, du jardinage, du bricolage et de la randonnée pédestre ; que ses blessures ont laissé des cicatrices et qu'il montre une attitude antalgique au niveau cervical ;

Considérant que si M. X, âgé de soixante-quinze ans au moment de l'accident et retraité, qui ne justifie pas ni n'allègue avoir subi une perte de revenus, ne peut prétendre à une indemnisation au titre de l'incapacité temporaire totale, il sera fait une juste évaluation du préjudice correspondant à l'invalidité permanente partielle dont il reste atteint ainsi qu'aux troubles divers dans ses conditions d'existence, au préjudice d'agrément, et au préjudice esthétique tels qu'ils viennent d'être décrits en en fixant le montant à 50 000 euros, dont la moitié, soit 25 000 euros, au titre des troubles physiologiques ;

Considérant que l'accident et les soins qui en ont résulté ont comme il vient d'être dit, provoqué des souffrances physiques qualifiées d'importantes par l'expert judiciaire ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 10 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice résultant de la faute imputable à la commune de VENTISERI s'élève à 81 175,47 euros au titre de la part physiologique et 35 000 euros au titre de la part personnelle ;

Sur les droits de la caisse nationale militaire de sécurité sociale :

Considérant que le préjudice subi par la caisse nationale militaire de sécurité sociale correspond à l'intégralité des débours qu'elle a exposés au profit de son assuré qui s'élèvent à 56 175,47 euros ; qu'il convient ainsi de condamner la commune de VENTISERI à lui verser ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2003, date de l'enregistrement de sa demande d'indemnité devant le Tribunal administratif de Bastia ;

Sur les droits de M. X :

Considérant qu'après déduction de la somme revenant à la caisse nationale militaire de sécurité sociale, les droits à indemnisation de M. X s'élèvent à 25 000 euros au titre de la part physiologique et 35 000 euros au titre de la part personnelle, soit la somme totale de 60 000 euros, ladite somme produisant intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2003, date d'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif de Bastia ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de VENTISERI à payer à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la commune de VENTISERI la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme que la commune de VENTISERI a été condamnée à verser à M. X par le jugement du Tribunal administratif de Bastia du 27 janvier 2005 est portée à 60 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2003.

Article 2 : La somme que la commune de VENTISERI a été condamnée à verser à la caisse nationale militaire de sécurité sociale par le jugement du Tribunal administratif de Bastia du 27 janvier 2005 est portée à 56 175,47 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2003.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Bastia est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de VENTISERI versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La requête de la commune de VENTISERI et le surplus des conclusions de la requête de M. X sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean X, à la commune de VENTISERI, et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale.

N° 05MA00681, 05MA00819 4

mp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 05MA00681
Date de la décision : 19/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BONMATI
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : PERREIMOND

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-06-19;05ma00681 ?
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