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15/05/2006 | FRANCE | N°03MA02349

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 15 mai 2006, 03MA02349


Vu la requête et le mémoire enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille les 8 décembre 2003 et 23 avril 2004, sous le n°03MA02349, présentés pour la société CORSE EUROPEENNE D'ENTREPRISE, dont le siège est ..., par Me X..., avocat ;

La société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0100946 du 2 octobre 2003, en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Bastia n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Office d'équipement hydraulique de Corse (OEHC) à lui verser les intérêts moratoires contract

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Vu la requête et le mémoire enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille les 8 décembre 2003 et 23 avril 2004, sous le n°03MA02349, présentés pour la société CORSE EUROPEENNE D'ENTREPRISE, dont le siège est ..., par Me X..., avocat ;

La société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0100946 du 2 octobre 2003, en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Bastia n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Office d'équipement hydraulique de Corse (OEHC) à lui verser les intérêts moratoires contractuels afférents au marché n° 4/93, sous déduction de la provision éventuellement accordée par l'ordonnance du juge des référés ;

2°) de condamner l'OEHC à lui verser des intérêts moratoires sur les acomptes du marché n°4/93, ces intérêts devant eux-mêmes être capitalisés ;

3°) de condamner l'OEHC à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 août 2005, présenté pour l'Office d'équipement hydraulique de Corse, par Me Z..., avocat ; l'Office conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, au rejet de la demande de la société CEE, ainsi qu'à la condamnation de cette société à lui verser une somme de 2.000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………….

Vu le mémoire, enregistré le 10 avril 2006, présenté par Me Y..., avocat, pour la société CEE qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu la note en délibéré déposée par Me X..., avocat, pour la société CEE le 18 avril 2006 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2006 :

- le rapport de Mlle Josset, premier conseiller ;

- les observations de Me Y... pour la SARL CORSE EUROPEENNE D'ENTREPRISE ;

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société CEE fait appel du jugement du 2 octobre 2003 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'OEHC à lui verser des intérêts moratoires sur les acomptes du marché n°4/93 ; que par la voie de l'appel incident, l'OEHC demande l'annulation du jugement en tant qu'il a été condamné à verser des intérêts moratoires sur le solde de ce marché ;

Sur la recevabilité des conclusions de la société CEE tendant à l'allocation des intérêts contractuels :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable au marché public de travaux susmentionné : « …13-32 : Le projet de décompte final est remis au maître d'oeuvre dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux…13-34 :

Le projet de décompte final établi par l'entrepreneur est accepté ou rectifié par le maître d'oeuvre ; il devient alors le décompte final….13-41 : Le maître d'oeuvre établit le décompte général…13-42 : Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service… : quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final ;…13-44 : L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer…Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation…Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50. » ; qu'il résulte de ces stipulations, qui ont notamment pour objet de garantir les droits des deux parties à contester le cas échéant un décompte général, que seule la signature de l'entrepreneur donnée postérieurement à celle du maître de l'ouvrage après notification par ce dernier est susceptible de conférer à ce décompte un caractère définitif ; que si l'OEHC soutient que le décompte établi par elle le 10 juillet 1993 a été signé sans réserve par l'entrepreneur, l'office n'établit ni qu'il a notifié ce décompte dans les conditions définies ci-dessus par l'article 13-42 précité, ni a fortiori que la signature de l'entrepreneur aurait été donnée postérieurement à celle du maître d'ouvrage ; que, dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que ce décompte général ne pouvait être regardé comme définitif ni à l'égard du maître d'ouvrage, ni à l'égard de l'entrepreneur, et qu'en conséquence l'OEHC ne pouvait se prévaloir de son intangibilité ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du II de l'article 178 du code des marchés publics applicable aux marchés des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en vertu de l'article 352 du même code : « Le défaut de mandatement (…) fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant, des intérêts moratoires (…) » ; qu'ainsi la présente demande d'intérêts moratoires n'était soumise ni à l'obligation de réclamation préalable ni, par voie de conséquence, au respect du délai de recours contentieux ; que, dès lors , la circonstance que cette demande d'intérêts moratoires a donné lieu à des réclamations successives de la société en 1992, 1995 puis 1996, avant saisine du Tribunal administratif de Bastia le 12 septembre 2001, ne saurait la rendre tardive ;

Sur le bien-fondé des conclusions de la société CEE tendant à l'allocation des intérêts contractuels et sur l'appel incident de l'OEHC :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 13.231 du CCAG susmentionné : « Lorsque le règlement est effectué par un moyen autre que la lettre de change-relevé, il est fait application des dispositions ci-après. Le mandatement de l'acompte intervient dans un délai fixé par le marché et courant à compter de la date de remise du projet de décompte par l'entrepreneur au maître d'oeuvre. Ce délai ne peut excéder quarante-cinq jours … » ; que selon l'article 13.431 de ce même CCAG : « Lorsque le règlement est effectué par un moyen autre que la lettre de change-relevé, il est fait application des dispositions ci-après. Le mandatement du solde intervient dans le délai fixé par le marché et courant à compter de la notification du décompte général. ….Il ne peut dépasser soixante jours si la durée d'exécution contractuelle du marché est supérieure à six mois… » ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 182 du code des marchés publics, applicable aux marchés des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en vertu de l'article 352 du même code : « Le taux et les modalités de calcul des intérêts moratoires (…) sont fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre chargé du budget (..) ; que des arrêtés en date des 17 janvier 1991 et 17 décembre 1993 ont fixé ce taux à 14,5 %, correspondant au taux annuel des obligations cautionnées ; qu'en vertu de l'article 178 du code des marchés publics, ledit taux est à appliquer sur la période courant de la date limite de mandatement susmentionnée (soit 45 jours après la notification au maître d'oeuvre) jusqu'à la date de paiement effectif du principal, les intérêts moratoires n'ayant pas été mandatés avec ce principal ;

En ce qui concerne les intérêts dus sur le solde du marché :

Considérant que l' OEHC ne conteste ni le montant du solde du marché, ni les modalités de calcul des intérêts dus sur ce solde ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges l'ont condamné à verser les intérêts moratoires sur la somme de 95054,46 € sous déduction de la provision éventuellement allouée par l'ordonnance du juge des référés en date du 3 décembre 2001 ;

En ce qui concerne les intérêts dus sur les acomptes :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des documents produits en appel par la société requérante, qu'elle a adressée la situation n° 1 du marché n°4 /93 au maître d'oeuvre le 13 mai 1993 pour un montant de 864 000 F réglé le 8 novembre 1993 ; que, dès lors, la société CEE justifie un retard de paiement de 134 jours, qui ouvre droit à des intérêts moratoires au taux de 14,5%, d'un montant de 45.993,21 F ( 7011,62 €) ;

Considérant, en revanche, que la demande d'intérêts moratoires sur la situation n° 2 est nouvelle en appel et, par suite, irrecevable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme non établie sa demande tendant à l'allocation d'intérêts moratoires afférents à l'acompte du marché susmentionné ; que la créance d'intérêts moratoires due par l'office à l'appelante s'élève à la somme de 7011,62 € ; qu'il y a lieu, par suite, de réformer le jugement attaqué et, par l'effet dévolutif de l'appel, de condamner l'O.E.H.C. à verser ladite somme à la société C.E.E. au titre des intérêts moratoires ;

Sur les intérêts au taux légal :

Considérant que la somme susmentionnée est constitutive d'une créance productive d'intérêts sur le fondement de l'article 1153 du Code civil ; qu'il y a lieu de faire à la demande de l'appelante en augmentant la somme de 7011,62 € des intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 1995, date de réception par l'office de la réclamation préalable du 23 octobre 1995 ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts au taux légal a été demandée pour la première fois le 15 septembre 2001, date d'enregistrement de la requête introductive de première instance ; qu'une année s'était écoulée depuis la naissance de la créance ; qu'il y a lieu, sur le fondement de l'article 1154 du Code civil, de faire droit à la demande de l'appelante en lui accordant les intérêts des intérêts au 15 septembre 2001 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant au remboursement de leurs frais exposés et non compris dans les dépens, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : L'Office d'Equipement Hydraulique de Corse (O.E.H.C) est condamné à verser à la SARL CORSE EUROPEENNE D'ENTREPRISE la somme de 7011,62 € ; Celle-ci portera intérêt au taux légal à compter du 26 octobre 1995. Les intérêts échus le15 septembre 2001 porteront eux-mêmes intérêts à cette date et à chaque échéance annuelle postérieure.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SARL CORSE EUROPEENNE D'ENTREPRISE et les conclusions incidentes de l'OEHC sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de l'Office d'Equipement Hydraulique de Corse (O.E.H.C) tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : Le jugement attaqué du Tribunal administratif de Bastia du 2 octobre 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL CORSE EUROPEENNE D'ENTREPRISE, à l'Office d'Equipement Hydraulique de Corse (O.E.H.C.) et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N° 03MA02349 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 03MA02349
Date de la décision : 15/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: Melle Muriel JOSSET
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : CABINET CABANES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-05-15;03ma02349 ?
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