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03/05/2006 | FRANCE | N°02MA00386

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 03 mai 2006, 02MA00386


Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2002, présentée par Me Z..., avocat, pour la société CARILLION BTP venant aux droits de la société Nicoletti, dont le siège est ... (06513 Cedex), représentée par le président en exercice de son directoire ;

La société CARILLION BTP demande à la Cour :

1°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 658 446,93 euros à titre de solde du marché de travaux confié à la société Nicoletti pour le confortement de la voûte du tunnel de Tende ;

2°) de lui allouer, à la charge de l'Etat, les intérêts moratoires sur

la somme de 658 446,93 euros et sur la somme de 246 116,74 euros à compter du 16 mars 1995, e...

Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2002, présentée par Me Z..., avocat, pour la société CARILLION BTP venant aux droits de la société Nicoletti, dont le siège est ... (06513 Cedex), représentée par le président en exercice de son directoire ;

La société CARILLION BTP demande à la Cour :

1°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 658 446,93 euros à titre de solde du marché de travaux confié à la société Nicoletti pour le confortement de la voûte du tunnel de Tende ;

2°) de lui allouer, à la charge de l'Etat, les intérêts moratoires sur la somme de 658 446,93 euros et sur la somme de 246 116,74 euros à compter du 16 mars 1995, et de prononcer leur capitalisation les 10 juin 1997, 13 juillet 1998 et 12 mai 2000 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais d'expertise ;

4°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 28 décembre 2001 en ce qu'il a de contraire à ces demandes indemnitaires ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser 4 573,47 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2002, présenté par Me X..., avocat, pour l'Etat qui conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé une condamnation indemnitaire à son encontre et a mis à sa charge les frais d'expertise, ainsi qu'à la condamnation de la société requérante à lui verser 1 219,59 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………

Vu le mémoire enregistré le 23 décembre 2002, présenté par Me Eric A..., avocat, pour la société CARILLION BTP et tendant à ce que les intérêts échus soient capitalisés à cette date ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 décembre 2003, présenté par Me Y..., avocat, pour la société CARILLION BTP et tendant à ce que les intérêts échus soient capitalisés à cette date ;

Vu le mémoire enregistré le 5 août 2004, présenté par Me Y..., avocat, pour la société CARILLION BTP, qui conclut à la condamnation de l'Etat à lui verser 436 946,93 euros et 246 116,74 euros à compter du 16 mars 1995, à la capitalisation des intérêts échus à compter du 10 juin 1997, à la mise à la charge de l'Etat des frais d'expertise et à la condamnation de ce dernier à lui verser 4 573,47 euros au titre des frais de procédure, en invoquant les mêmes moyens que ceux précédemment exposés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2006 :

- le rapport de M. Gonzalès, président-assesseur ;

- les observations de Me Y... pour la SA CARILLON BTP et de Me X... pour le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer,

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;

Sur la réparation des préjudices liés à des sujétions techniques imprévues

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a estimé que la société Nicoletti, aux droits de laquelle se trouve actuellement la société CARILLION BTP, s'est heurtée, dans l'exécution du marché de travaux de confortement et de drainage du tunnel du Tende, à des sujétions techniques imprévues ; qu'il a indemnisé cette société en réparation de frais jugés directement liés à ces sujétions mais a écarté comme ne constituant pas un préjudice direct, la demande indemnitaire qui lui avait été présentée au titre du paiement d'heures supplémentaires pour la 9ème heure de travail de nuit et pour la 6ème nuit de la semaine ; que la société CARILLION BTP critique devant la Cour le bien-fondé du rejet de cette demande indemnitaire, tandis que, par la voie de l'appel incident, l'Etat conteste le caractère imprévisible des sujétions techniques auxquelles la société Nicoletti s'est trouvée confrontée et, de ce fait, le principe même de l'indemnisation accordée par le tribunal ;

Considérant à cet égard, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction éclairée par le rapport d'expertise établi en première instance, que si l'analyse géologique des terrains que devait décaper la société Nicoletti, établie par le maître d'ouvrage et figurant parmi les pièces du marché, ne rendait pas impossible la perspective de rencontrer des roches calcaires d'une certaine dureté, elle ne permettait cependant pas de prévoir la résistance exceptionnelle d'une large zone rocheuse tenant notamment du caractère massif de cette zone ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la société Nicoletti aurait pu , dans le cas d'espèce où la zone rocheuse en cause constitue la voûte d'un tunnel à conforter, procéder à des sondages de nature à révéler cet obstacle ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient l'Etat, c'est à bon droit que les premiers juges ont qualifié cet obstacle de « sujétion technique imprévue », de nature à ouvrir un droit à indemnisation à la société CARILLION BTP ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte ni des énonciations de l'avis rendu le 28 novembre 1996 par le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges en matière de marchés publics, ni de celles du rapport d'expertise susmentionné, ni de celles du jugement attaqué qui se réfère à ces deux documents, que, dans son analyse des sujétions techniques litigieuses et son calcul de l'indemnité due à la société CARILLION BTP, le tribunal administratif aurait pris en considération d'autres difficultés prévisibles liées à d'importantes venues d'eaux pendant les travaux de creusement d'une tranchée d'assainissement dans le sol du tunnel ; que, dans ces conditions, l'Etat n'est pas fondé à demander à la Cour de réduire l'indemnité allouée à la société CARILLION BTP au motif qu'elle réparerait certains préjudices étrangers aux difficultés de l'entreprise Nicoletti dans son activité de déroctage de la voûte du tunnel ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus sur ce point par les premiers juges, de rejeter les conclusions de la société CARILLION BTP relatives à l'indemnisation d'heures de nuit supplémentaires ;

Sur les pénalités de retard

Considérant qu'en se bornant à soutenir qu«'il serait inéquitable de faire supporter à l'entreprise quelque pénalité que se soit », la société appelante ne conteste pas utilement les motifs qui ont conduit les premiers juges à admettre le bien-fondé de l'application de pénalité correspondant à 83 jours de retard de chantier imputables à la seule société Nicoletti ; qu'il y a lieu, en tout état de cause, d'adopter ces motifs ;

Sur la capitalisation des intérêts

Considérant qu'en vertu du jugement du tribunal administratif de Nice et du présent arrêt, l'Etat est débiteur envers la société CARILLION BTP d'une indemnité de 171 951,82 euros (1 127 930 Frs) ; que cette société a droit aux intérêts moratoires de la somme de 246 116,74 euros (1 614 420 Frs) à compter du 16 mars 1995 ; que ces intérêts échus le 10 juin 1997 devront être capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure, sans que la société CARILLION BTP ait à présenter une nouvelle demande sur ce point ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande en ce sens présentée par cette société devant la Cour ;

Sur les frais de l'expertise

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à l'Etat la charge définitive des frais d'expertise de première instance ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chaque partie en litige la charge de ses propres frais de procédure ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société CARILLION BTP relatives à la capitalisation des intérêts moratoires.

Article 2 : Les frais de l'expertise liquidés par ordonnance du président du tribunal administratif de Nice en date du 9 février 2000 sont mis à la charge définitive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société CARILLION BTP ainsi que les conclusions incidentes de l'Etat sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société CARILLION BTP et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Copie en sera adressée à l'expert et au trésorier payeur général des Alpes Maritimes.

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N° 02MA386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA00386
Date de la décision : 03/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Serge GONZALES
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : SCP ESCOFFIER WENZINGER DEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-05-03;02ma00386 ?
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