Vu la requête et les pièces, enregistrées les 4 mai et 30 novembre 2004 pour Y... Claudia X élisant domicile ... ; Y... X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0104548 en date du 5 février 2004, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui payer les sommes de 52 500 francs au titre de l'incapacité temporaire totale, 300 000 francs au titre de l'incapacité temporaire partielle, 500 000 francs au titre de l'incapacité permanente partielle, 100 000 francs au titre des souffrances endurées, 30 000 francs au titre du préjudice esthétique, 300 000 francs au titre du préjudice d'agrément et 1 000 000 francs au titre du préjudice professionnel ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Montpellier à réparer financièrement l'ensemble des conséquences dommageables du défaut de surveillance qu'il a commis lors de son hospitalisation de mai 1994, de dire que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice et seront capitalisées à compter de l'année suivant cette demande ;
3°) de le condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des frais d'instance ainsi qu'aux entiers dépens ;
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Vu le code de justice administrative ;
Vu le code civil ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 2006 :
le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;
- les observations de Me Z... de la SCP Lafon CarilloGuizard pour Y... X ;
- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;
Sur les fins de non recevoir opposées par le centre hospitalier :
Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier de Montpellier, la requête susvisée de Y... X dirigée contre le jugement du 5 février 2004 qui lui a été notifié le 3 mars 2004 n'est pas tardive dès lors que les délais de recours contentieux expiraient le 4 mai 2004 à minuit ;
Considérant, en second lieu, que la Barmer Ersatzkasse, bien que mise en cause par le Tribunal administratif de Montpellier, n'a pas sollicité en première instance le remboursement des prestations qu'elle allègue avoir servies à Y... X ; qu'elle n'est pas recevable, ainsi que le fait valoir le centre hospitalier de Montpellier, à formuler une telle demande pour la première fois devant la Cour ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par le centre hospitalier doit être accueillie et les conclusions de la Barmer Ersatzkasse doivent être rejetées ;
Sur la responsabilité :
Considérant que Y... X après avoir absorbé sept comprimés de Lexomil le 14 mai 1994 a été admise au service des urgences du centre hospitalier de Montpellier en début d'après-midi ; qu'après avoir été examinée par un interne en psychiatrie, il a été décidé de son transfert en service spécialisé sans consigne particulière ; qu'alors que l'équipe médicale préparait la chambre individuelle qui lui était destinée, Y... X a emprunté un couloir et sauté d'une fenêtre dépourvue de système de sécurité environ une demi-heure après son arrivée ; que Y... X demande réparation des préjudices qu'elle a subis en raison de sa chute ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le transfert de Y... X à l'hôpital spécialisé de la Colombière était consécutif à une tentative de suicide par absorption de substances médicamenteuses ; qu'il résulte également de l'instruction et notamment d'un courrier en date du 16 mai 1994 rédigé par le cadre infirmier supérieur du service de psychiatrie à l'attention du directeur de l'hôpital que le couloir d'accès emprunté par Y... X qui lui avait permis d'accéder à une fenêtre sans blocage d'où elle est tombée était habituellement fermé à clef ; que nonobstant la circonstance que l'attention du personnel hospitalier qui a accueilli Y... X en service psychiatrique n'a pas été attirée par l'interne ayant procédé à son admission aux urgences, le fait d'avoir laissé l'intéressée le jour même de son surdosage médicamenteux sans surveillance le temps de la préparation de la chambre et du traitement sédatif prescrit compte-tenu de son état d'anxiété, alors qu'un couloir lui permettait d'accéder à une pièce dont la fenêtre était dépourvue de système de sécurité, est constitutif d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ; que ni l'absence de manifestation exacerbée de l'anxiété de Y... X, ni la quantité de médicaments absorbée ne sont de nature à exonérer le centre hospitalier de sa responsabilité dès lors qu'il lui appartient, eu égard à son caractère spécialisé et quelles que soient les méthodes thérapeutiques qui y sont pratiquées, de prendre les mesures de surveillance particulières à l'égard des patients pouvant raisonnablement être suspectés de tendances suicidaires ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a estimé que la requérante n'était pas fondée à rechercher la responsabilité du centre hospitalier ;
Sur la réparation :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Barmer Ersatzkasse, organisme auprès duquel Melle X était affiliée, lui a versé pour la période du 25 mai 1994 au 13 octobre 1995 la somme de 35 449,83 euros au titre d'indemnités journalières ; que si la requérante fait état d'une perte de salaire de 14 982,08 euros compte tenu des salaires qu'elle aurait dû percevoir pendant sa période d'incapacité du 25 mai 1994 au 13 décembre 1995, elle ne l'établit cependant pas par la production de ses bulletins de paie de janvier à mai 1994 ;
Considérant que Y... X soutient que son licenciement est imputable à la faute commise par le centre hospitalier et qu'une somme de 152 449,01 euros doit lui être allouée en réparation de ce chef de préjudice ; que, toutefois, en l'absence d'éléments permettant de déterminer l'état psychologique préexistant de la requérante compte-tenu du refus de la victime de collaborer et de se soumettre à toute expertise à ce sujet, il ne résulte pas de l'instruction que la résiliation de son contrat de travail a été la conséquence directe et exclusive de la faute commise par le centre hospitalier de Montpellier ;
Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise ordonnée par le Tribunal administratif de Montpellier que le taux d'incapacité permanente partielle dont est atteinte Y... X a été évalué à 25%, qu'elle a enduré des souffrances physiques et présente un préjudice esthétique fixés respectivement à 4 et 2 sur une échelle de 1 à 7 et que son préjudice d'agrément lié à la perte d'activité sportive et sociale est important ; qu'en tenant compte de l'absence d'éléments permettant de déterminer l'état psychologique préexistant de la requérante en raison du refus de la victime de collaborer et de se soumettre à toute expertise à ce sujet, il sera fait une juste appréciation de la réparation de ces différents chefs de préjudice en condamnant le centre hospitalier de Montpellier à lui verser une somme globale de 30 000 euros ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que la somme de 30 000 euros portera intérêts au taux légal, ainsi que le demande la requérante, à compter du 10 octobre 2001, date d'enregistrement de sa requête à fin d'indemnité devant le Tribunal administratif de Montpellier ; qu'à la date du 4 mai 2004, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de Y... X présentée pour la première fois en appel dans sa requête enregistrée le 4 mai 2004 à compter de cette date ; que la capitalisation des intérêts s'accomplira à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise à la charge définitive du centre hospitalier de Montpellier ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier de Montpellier à payer à Y... X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°0104548 en date du 5 février 2004 du Tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la Barmer Ersatzkasse sont rejetées.
Article 3 : Le centre hospitalier de Montpellier est condamné à verser à Y... X la somme de 30 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2001 et les intérêts échus au 4 mai 2004 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes des intérêts chaque 4 mai des années suivantes.
Article 4 : Le centre hospitalier de Montpellier versera à Y... X la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Y... X est rejeté.
Article 6 : Les frais d'expertise sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Montpellier.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Y... Claudia X, au centre hospitalier de Montpellier et à la Barmer Ersatzkasse.
Copie en sera adressée à la SCP Lafont Carillo Guizard, à la SCPA Freset Nourrit Marijon, à Me X... et au préfet de l'Hérault.
N°0400972 2