Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 26 août 2005 sous le n° 05MA02233, présentée pour M. Ousmane X, élisant domicile ... par Me Vitel, avocat au barreau de la Seine-Saint-Denis ; M. Ousmane X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0503274 du 20 juillet 2005 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2005 par lequel le préfet du Gard a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision en date du 27 décembre 2004 par laquelle le président de la Cour a notamment délégué M. Jean-Christophe Duchon-Doris, président, pour statuer sur l'appel des jugements rendus en matière de reconduite à la frontière ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2006 à laquelle siégeait M. Duchon-Doris, président délégué ;
- les conclusions de M. Bonnet, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant, tout d'abord, qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : «L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité guinéenne s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai suivant la notification en date du 7 avril 2005 de la décision du 6 avril 2005 par laquelle le Préfet du Gard a refusé de l'admettre au séjour et l'a invité à quitter le territoire national ; que M. X se trouvait ainsi dans la situation prévue par les dispositions ci-dessus reproduites du 3° de l' article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en application desquelles le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant, toutefois, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile : «Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention «vie privée et familiale» est délivrée de plein droit : (…) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée en France ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui soutient sans être contredit par le préfet du Gard, être entré régulièrement sur le territoire français le 7 février 2002, soit plus de trois ans avant l'intervention de la mesure de reconduite attaquée, a épousé une ressortissante de nationalité française le 27 mai 2005, après plus de deux ans de vie commune et antérieurement à la date de l'arrêté attaqué ; que le préfet n'allègue pas que M. X vivrait en état de polygamie ou que sa présence constituerait une menace pour l'ordre public ; qu'ainsi, il remplissait les conditions prévues au 4° de l'article L.313-11 précité ; que, par suite, le préfet du Gard ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les dispositions du 4º de l'article L.313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, l'arrêté du préfet du Gard en date du 13 juin 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X doit être annulé;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2005 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions de M. Ousmane X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative précité, de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 20 juillet 2005 est annulé.
Article 2 : L'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. Ousmane X par le préfet du Gard le 13 juin 2005 est annulé.
Article 3 : L'Etat est condamné à payer à M. Ousmane X la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ousmane X et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
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N° 05MA02233