Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 5 septembre 2002, sous le n° 02MA01840, présentée par Me Gilles Margall, avocat, pour M. X, résidant ... (34200) ;
M. X demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 014726 du tribunal administratif de Montpellier en date du 5 juin 2002 le condamnant à payer une amende de 1 500 euros, à retirer les installations irrégulièrement implantées sur le domaine public maritime, à remettre les lieux en l'état dans un délai de cinq mois, à payer la somme de 365,88 euros au titre des frais d'établissement du procès-verbal, ainsi que celle de 15,25 euros correspondant au droit de timbre ;
2°/ de rejeter la demande du préfet présentée devant le tribunal administratif ;
3°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 septembre 2002, présenté pour M. X et tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 décembre 2002, présenté pour M. X qui conclut aux mêmes fins que la requête ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 janvier 2003, présenté pour M. X dans lequel il réaffirme qu'il ne pouvait faire l'objet d'une contravention de grande voirie car les constructions litigieuses sont installées sur les dépendances du domaine public communal routier, sur lequel sont implantés un poste de secours, une cabine téléphonique, un WC et trois autres restaurants, et dont les propriétaires ne font l'objet d'aucune poursuite ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 février 2003, présenté par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; il conclut au rejet de la requête ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2003, présenté pour M. X qui conclut aux mêmes fins que la requête ;
Vu le mémoire en production de pièces, enregistré le 11 avril 2003, présenté pour M. X ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 juin 2003, présenté par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;
Vu l'ordonnance du président de la 6e chambre en date 3 mai 2005 fixant la clôture de l'instruction le 18 mai 2005 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance d'août 1681 sur la marine ;
Vu la loi n° 63-1178 du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu le code du domaine public de l'Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2005 :
- le rapport de Mlle Josset, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;
Sur l'action publique :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 : « Sont amnistiées de droit, en raison soit de leur nature ou des circonstances de leur commission, soit du quantum ou de la nature de la peine prononcée, les infractions mentionnées par le présent chapitre lorsqu'elles ont été commises avant le 17 mai 2002... » ; qu'aux termes de l'article 2 de ladite loi : « Sont amnistiées en raison de leur nature : 1° Les contraventions de police et les contraventions de grande voirie. » ;
Considérant que l'intervention de ces dispositions fait définitivement obstacle à l'exécution de la condamnation à l'amende prononcée par le jugement attaqué ; que par suite, et dans la mesure où l'amende prononcée par le jugement attaqué en date du 5 juin 2002 n'a pas été payée, les conclusions dirigées contre l'article 1er du jugement et tendant à la décharge de cette condamnation sont devenues sans objet ;
Sur l'action domaniale :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
Considérant en premier lieu que si M. X soutient que les premiers juges auraient méconnu le principe du contradictoire en ne visant pas le mémoire du 1er février 2002, il ne résulte pas de l'instruction que celui-ci ait été envoyé au tribunal administratif une écriture à cette date ;
Considérant, en deuxième lieu, que si le juge doit répondre à tous les moyens invoqués devant lui, il n'est pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par le requérant à l'appui de ces moyens ; que s'il est reproché aux premiers juges de ne pas avoir répondu à cinq des moyens soulevés dans les mémoires produits, il s'agissait en réalité, pour quatre d'entre eux, d'arguments invoqués à l'appui du moyen tiré de la non-appartenance du terrain litigieux au domaine public maritime ; que si, M. X fait valoir que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 19 novembre 1997, invoqué par le préfet et selon lequel la zone concernée ferait partie du domaine public, ne concernerait pas les mêmes faits que ceux de l'espèce, il est constant que le tribunal ne s'est pas fondé sur ce jugement pour prendre la décision contestée ; que, dès lors, l'absence de réponse à ce moyen est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ; que M. X n'est donc pas fondé à soutenir que ce dernier serait entaché d'irrégularité ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant de la régularité des poursuites :
Considérant, en premier lieu, que le procès-verbal constatant les faits à l'origine des poursuites en date du 15 octobre 2001 mentionne que : « Avons reconnu Monsieur X, gérant de l'établissement « La Ola » occupe et exploite commercialement, sans autorisation, une parcelle du domaine public maritime d'environ 385 m² dont Bâtiment environ 165 m², Terrasses environ 140 m² et Diverses dépendances environ 80 m² » ; que si l'appelant soutient que ce procès-verbal est irrégulier en raison de son manque de précision quant aux surfaces exactes occupées et à la détermination exacte des dépendances, ces énonciations présentent, ainsi que l'a jugé à bon droit le Tribunal, un caractère suffisant, dans la mesure où elles permettent d'identifier la nature des dommages, les circonstances, l'époque et le lieu de la contravention, ainsi que son auteur ; que ce moyen doit par suite être rejeté ; que ledit procès-verbal, qui fait par ailleurs état de ce que M. X n'a pas procédé au démontage des installations et remis en état les lieux, ce qui n'est pas contesté, est suffisamment précis pour servir de fondement légal aux poursuites ; qu'ainsi, cet à bon droit que les premiers juges ont admis la régularité de ce procès-verbal ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 28 du code de domaine de l'Etat, « Nul ne peut, sans autorisation délivrée par l'autorité compétente, occuper une dépendance du domaine public national ou l'utiliser dans des limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous» ;
Considérant que la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention ; qu'ainsi M. X ne peut utilement soutenir que la contravention de grande voirie ne pouvait être dirigée à son encontre, dès lors qu'il est constant qu'en sa qualité de gérant, il exploitait la construction litigieuse ; qu'à la supposer établie, la circonstance que cette construction ait été édifiée par la commune de Sète avant de lui être cédée est sans incidence sur la régularité des poursuites ; que si le requérant invoque la faute qu'aurait commise la commune de Sète en ne l'informant pas du caractère irrégulier des installations qu'elle a données en location, le fait du tiers ainsi invoqué est sans incidence sur la matérialité des faits constitutifs de la contravention de grande voirie ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en jugeant que l'occupation irrégulière du domaine public maritime est constituée du seul fait de la présence sur ce domaine des constructions en cause, alors même que celles-ci seraient, selon le contrevenant, en raison de l'absence de fondations, des biens meubles et non des biens immobiliers, les premiers juges n'ont commis aucune erreur de droit ;
Considérant, en dernier lieu, que si le requérant soutient qu'il n'a pu remettre les lieux en l'état en raison de la difficulté majeure résultant, pour lui, de l'impossibilité de définir la signification exacte de l'obligation mise à sa charge, une telle circonstance est sans incidence sur la matérialité des faits et la régularité des poursuites ;
S'agissant de l'appartenance du terrain au domaine public maritime :
Considérant qu'il appartient au tribunal administratif, saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, de reconnaître les limites du domaine public naturel et de dire si les terrains sur lesquels ont été commis les faits en raison desquels le procès-verbal a été dressé se trouvent ou non compris dans ces limites ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 28 novembre 1963, relative au domaine public maritime : Sont incorporés, sous réserve des droits des tiers, au domaine public maritime : ... b) les lais et relais futurs de mer, et, sous réserve des dispositions contraires d'actes de concession, les terrains qui seront artificiellement soustraits à l'action du flot » ; qu'à supposer que le terrain d'assiette du bâtiment en litige se situerait sur un exondement antérieur à 1963, il est constant que celui-ci n'a pas été le résultat d'une concession d'endigage régulièrement accordée, seule à même de faire sortir le terrain du domaine public maritime ; que si M. X soutient que ce terrain d'assiette se situerait sur un cordon dunaire naturellement exondé, il résulte de l'instruction que celui-ci était atteint de manière habituelle par les flots et que seuls les travaux d'enrochements, exécutés en 1983 dans le cadre d'une concession de plage, ont eu pour effet de soustraire définitivement la parcelle concernée à l'action des flots ; que celle-ci doit, dès lors, être regardée comme un relais de la mer qui, ayant été formé postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 28 novembre 1963, a le caractère d'un relais futur au sens de l'article 1er précité de cette loi ; qu'en conséquence, M. X ne peut valablement prétendre que la partie de la plage sur laquelle est implantée son établissement n'appartiendrait pas au domaine public maritime ; que la parcelle en cause n'ayant pas été, comme il vient d'être dit, exondée naturellement, M. X ne peut valablement prétendre que celle-ci ferait partie d'un domaine public autre que maritime ; qu'en conséquence, le préfet pouvait régulièrement fonder les poursuites engagées contre l'intéressé sur les dispositions de l'ordonnance susvisée ; qu'en outre, la seule existence d'une construction sans titre sur le domaine public maritime suffit à établir la matérialité des faits, sans que celle-ci ne soit de plus subordonnée, contrairement à ce que soutient le requérant, à la condition qu'elle fasse obstacle à la navigation ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, qui n'ont pas commis d'erreur de droit dans la dévolution de la charge de la preuve de l'appartenance de la parcelle en cause au domaine public maritime, ont estimé que celle-ci appartenait audit domaine public ;
S'agissant de la conformité de l'ordonnance d'août 1681 sur la marine avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la Constitution :
Considérant que le requérant ne saurait utilement soutenir, en premier lieu, que les poursuites engagées à son encontre contreviendraient aux dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui protègent la propriété privée, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas propriétaire de la parcelle d'assiette des installations litigieuses qui constituent des dépendances du domaine public maritime ; qu'ainsi, en rejetant le moyen tiré de la contrariété de la présente procédure avec le protocole en cause, les premiers juges, qui ont répondu à ce moyen contrairement à ce que soutient le requérant, n'ont commis aucune erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, que si le requérant soutient également que l'ordonnance d'août 1681 sur la marine ne satisferait pas aux exigences, définies par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de précision et de prévisibilité de la loi, il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption du motif retenu par les premiers juges ;
Considérant, en troisième lieu, que l'obligation de réparer les dommages causés au domaine public, qui a pour seul objet d'assurer le respect de son intégrité, ne présente pas le caractère d'une sanction ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait méconnu l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, à laquelle se réfère le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, en refusant d'admettre le caractère disproportionné par rapport à l'infraction de la sanction constituée par l'obligation de remise des lieux en leur état antérieur, est inopérant ;
Sur les conclusions aux fins de sursis à l'exécution du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-17 du code de justice administrative : … le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ; que dès lors qu'il vient d'être statué sur le fond de la requête de M. X, les conclusions présentées par ce dernier et tendant au sursis à l'exécution du jugement attaqué sont devenues sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par M. X qui est, dans la présente instance, la partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X en tant qu'elles sont dirigées contre l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 5 juin 2002 relatif à l'action publique et sur les conclusions tendant à l'exécution de ce jugement.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
1999 rendu par le tribunal adN° 02MA01840
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