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19/12/2005 | FRANCE | N°02MA00715

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 19 décembre 2005, 02MA00715


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 avril 2002 sous le n° 02MA00715, présentée par Me B..., avocat, pour la COMMUNE DE PERTUIS, représentée par son maire en exercice ;

Elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 97-2128 du 4 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée, conjointement et solidairement avec le Syndicat de la Durance-Pertuis, à verser les sommes de 781.541, 93 euros (soit 5.126.579 F) à la compagnie d'assurances Le Continent, de 7.774, 90 euros (soit 51.000

F) à la société Sepal et de 5.234, 64 euros (soit 34.337 F) à la société ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 avril 2002 sous le n° 02MA00715, présentée par Me B..., avocat, pour la COMMUNE DE PERTUIS, représentée par son maire en exercice ;

Elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 97-2128 du 4 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée, conjointement et solidairement avec le Syndicat de la Durance-Pertuis, à verser les sommes de 781.541, 93 euros (soit 5.126.579 F) à la compagnie d'assurances Le Continent, de 7.774, 90 euros (soit 51.000 F) à la société Sepal et de 5.234, 64 euros (soit 34.337 F) à la société Pertuis Auto Bilan, avec les intérêts au taux légal à compter du 27 février 1997, ainsi que la somme de 450 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) de prononcer le sursis à l'exécution dudit jugement ;

3°) de condamner la compagnie d'assurances Le Continent, la société Sepal et la société Pertuis Auto Bilan, à lui restituer les sommes qu'elle a dû verser en exécution du jugement attaqué, avec intérêts au taux légal à compter du jour du paiement, ensemble de les condamner à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu les jugements attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu l'ordonnance royale du 15 août 1818 et le décret présidentiel du 5 septembre 1851 ;

Vu la loi du 21 juin 1865 modifiée sur les associations syndicales ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2005 :

- le rapport de M. Brossier, premier conseiller,

- les observations de :

- Me A... substituant Me B... pour la COMMUNE DE PERTUIS ;

- Me C... de la SCP Abeille et associés pour la société Allianz Via assurances, la société Sepal et la SARL Pertuis auto-bilan,

- Me Z... pour la Syndicat mixte d'aménagement de la vallée de la Durance,

- Me X... de la SCP Comolet-Mandin pour la compagnie d'assurance AGF ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant que l'Association syndicale autorisée dénommée « Syndicat de la Durance-Pertuis », qui a pour objet de protéger des crues de la Durance les propriétés situées à Pertuis sous le niveau de la rive droite de cette rivière, en vertu des dispositions combinées de l'ordonnance royale du 15 août 1818 et du décret présidentiel du 5 septembre 1851, est propriétaire du lieu d'implantation de la digue dite du « Père Grand » et, dans le cadre de sa mission de service public, a la charge du fonctionnement et de l'entretien de cette digue, en vertu notamment des dispositions des articles 26 et 30 dudit décret ; que les dommages subis par les personnes intimées, assurées par leur compagnie d'assurance également intimée en sa qualité de subrogée, résultent de l'inondation de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de la Terre du Fort, située sur le territoire de la COMMUNE DE PERTUIS, qui a été provoquée par la rupture, survenue le 7 janvier 1994, de l'ouvrage public que constitue la digue du « Père Grand » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport ode l'expert Y..., que la structure de cette présentait des caractéristiques de solidité de hauteur suffisante pour contenir la crue du 7 janvier 1994, mais qu'elle avait été altérée par une brèche creusée par un particulier, propriétaire de terrains voisins ; que cette brèche a entraîné la destruction partielle de l'ouvrage sous la pression de la crue ; que, dans ces conditions, les dommages subis par les personnes intimées et leurs compagnies d'assurances subrogées doivent être regardés comme ayant eu pour cause directe et déterminante, outre les agissements de cette personne privée, un défaut de surveillance de l'ouvrage public constitué par la digue ; qu'en revanche, le choix géographique de la zone d'implantation de la ZAC de la terre du Fort et les conditions de sa réalisation en 1987 et 1988, sous la protection d'un ouvrage de défense normalement approprié pour la soustraire aux crues de la rivière, ne peuvent être regardés comme ayant eu un lien de causalité suffisamment direct et déterminant avec les dommages en litige ; qu'ainsi, les responsabilités de l'Etat, de la COMMUNE DE PERTUIS et de la Chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse, aménageur de la ZAC de la Terre du Fort, ne peuvent être recherchées à raison du rôle joué par ces différents partenaires lors de la réalisation de cette zone ; que, de même, la responsabilité des victimes, tiers à l'ouvrage, invoquée par l'appelante du fait du choix d'implantation de leurs activités dans ladite zone, ne peut être recherchée et être regardée comme une cause exonératoire de responsabilité même partielle, compte-tenu du caractère approprié de l'ouvrage de défense dont s'agit ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que cette digue du « Père Grand » est implantée en dehors des limites du domaine public fluvial de la Durance, dont l'exploitation, l'aménagement et l'entretien sont réglementairement confiés au Syndicat mixte d'aménagement de la vallée de la Durance, à différentes associations syndicales de propriétaires dans le cadre de leurs missions respectives, et parmi lesquelles figure le Syndicat de Durance-Pertuis condamné en première instance, le Syndicat mixte d'aménagement de la vallée de la Durance est seulement chargé de coordonner les travaux réalisés sur chaque rive, dans le cadre défini par un schéma d'aménagement hydraulique, et, le cas échéant, de réaliser des travaux sur les digues à la demande des associations syndicales propriétaires ; que le Syndicat de la Durance-Pertuis, dont il a été dit qu'il avait statutairement la charge de l'entretien de la digue du Père-Grand, n'a pas demandé audit syndicat mixte de réaliser des travaux d'entretien sur cet ouvrage avant le 7 janvier 1994 ; que ce dernier n'encourt dès lors aucune responsabilité dans la rupture de la digue ; qu'en revanche, le syndicat de la Durance-Pertuis, qui n'apporte au demeurant aucun élément de nature à établir l'entretien de l'ouvrage, ne peut être exonéré de sa responsabilité, en sa qualité de propriétaire de l'ouvrage public, par le fait des auteurs de al dégradation de cet ouvrage ;

Considérant, en troisième lieu, que la compétence du maire de Pertuis en matière de police administrative municipale comprend, en vertu des dispositions de l'article L.131-2 du code des communes alors applicable, reprises au 5° du L.2212-2 du code général des collectivités territoriales, le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux tels que les inondations et les ruptures de digues ; qu'aux termes de l'article L.2212-4 du même code : « En cas de danger grave ou imminent, tels que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L.2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites. »

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que dès la survenance du sinistre, le maire de Pertuis a pris toutes les mesures appropriées en matière d'assistance et de secours, notamment pour permettre l'évacuation de la zone inondée et la protection des biens ; qu'aucune faute ne peut lui être reprochée à ce titre ; qu'eu égard à la pertinence des mesures prises par ledit maire, le préfet de Vaucluse n'avait pas à se substituer à lui ; qu'ainsi la responsabilité de l'Etat ne saurait davantage être engagée à ce titre ; que la mise hors de cause de la COMMUNE DE PERTUIS et de l'Etat par les premiers juges, sur ce terrain de l'éventuelle carence dans la mise en oeuvre des actions de police lors de la survenance de la crue, n'est pas sérieusement contestée en appel ; que si l'appelante invoque, par mémoires des 3 et 14 novembre 2005, la faute des entreprises inondées, qui auraient eu matériellement le temps de prendre les mesures nécessaires contre la montée des eaux, un tel moyen d'exonération de responsabilité, à le supposer recevable alors qu'il a été soulevé pour la première fois en appel, ne peut en tout état de cause être regardé comme établi en l'espèce, du fait de l'absence de précisions données sur le nom des victimes qui auraient été averties par téléphone le 6 janvier 1994 et compte-tenu de la courte durée entre l'heure de survenance de la crue, à 11 H 30 le 7 janvier 1994, et l'heure nocturne de 2 H 31 du même jour à laquelle le rapport d'intervention des pompiers mentionne que toutes les entreprises concernées ont été effectivement averties ;

Considérant d'autre part, en ce qui concerne les actions préventives ; que le maire de Pertuis a négligé, avant le 7 janvier 1994, de faire procéder à des inspections de la digue, lesquelles auraient aisément permis de constater les détériorations dont elle faisait l'objet de la part du tiers qui avait ouvert la brèche à l'origine de l'inondation ; que cette négligence doit être regardée comme constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; que cette dernière ne peut invoquer à titre exonératoire le fait des auteurs de la brèche, alors que sa mission de prévention consistait précisément à repérer une telle grossière défectuosité ; que la circonstance avancée par la commune appelante que la digue n'était pas accessible à ses agents du fait de la présence de clôtures privées, des agissements des tiers X et Y ou de l'impossibilité matérielle d'accéder à l'ouvrage avec des engins d'entretien, est inopérante en matière d'exercice des pouvoirs de police administrative et, en tout état de cause, n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité dès lors qu'il n'est pas sérieusement contesté que l'ouvrage était accessible à pied par le lit de la rivière ; que si la commune soutient qu'elle aurait demandé aux services d'incendie et de secours de procéder à une inspection, un tel fait, de nature à l'exonérer au moins partiellement de sa responsabilité, n'est toutefois pas établi par les pièces versées au dossier, eu égard au caractère hypothétique du contenu du rapport d'expertise à ce sujet et en l'absence de tout autres précisions ;

Considérant, en quatrième lieu, que si le préfet de Vaucluse n'a pas pris l'initiative de faire contrôler par ses services l'état général de la digue avant le 7 janvier 1994, cette inaction avant la crue n'est pas constitutive d'une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat dans l'exercice de ses pouvoirs de tutelle sur les associations syndicales autorisées, dès lors qu'il n'est pas sérieusement établi que le représentant de l'Etat aurait été informé de la carence de l'association en la matière, notamment en ce qui concerne l'entretien de la digue litigieuse ; qu'à ce titre, en se contentant d'alléguer que les services d'une direction départementale de l'équipement auraient été avertis, dès l'année 1993, de l'existence de dégradations sur cette digue, la commune appelante n'établit pas sérieusement, en l'absence de tout autre élément, une carence de l'Etat de nature à engager sa responsabilité pour faute lourde ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges l'auraient à tort condamnée à réparer les conséquences dommageables de la crue du 7 janvier 1994 ; qu'elle n'est pas non plus fondée à soutenir que les premiers juges auraient à tort écarté ses demandes de mise en cause de l'Etat et du Syndicat mixte d'aménagement de la vallée de la Durance ; que la commune appelante et les parties intimées ne sont pas davantage fondées à soutenir que les premiers juges auraient à tort écarté leurs demandes de mise en cause de la Chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse ;

Sur les préjudices :

Considérant que, par un mémoire enregistré le 14 novembre 2005, jour de la clôture de l'instruction et non communiqué, la COMMUNE DE PERTUIS soutient que l'entreprise Sepal et sa compagnie d'assurances subrogée auraient été par ailleurs indemnisées au titre du fonds national de compensation indemnisant les victimes de catastrophes naturelles ; qu'un tel moyen, d'ordre public, s'avère recevable bien que soulevé pour la première fois devant le juge d'appel ; qu'il est de nature à diminuer le montant des réparations demandées par les victimes ; qu'il y a lieu, dans ces conditions et dans le respect du principe de contradictoire, de décider un supplément d'instruction afin de communiquer ce mémoire en invitant les parties à formuler leurs observations éventuelles dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'en particulier, il est demandé dans ce délai, d'une part, à la COMMUNE DE PERTUIS d'apporter des précisions chiffrées à ses allégations, ainsi que tout élément de nature à établir la double indemnisation invoquée, d'autre part, à la société Sepal et à la compagnie d'assurances le Continent de produire leurs observations en défense ;

Sur l'appel en garantie de la COMMUNE DE PERTUIS dirigé contre son assureur AGF :

Considérant que la commune a déclaré se désister de cet appel en garantie par son mémoire du 14 novembre 2005 ; que ce désistement étant pur et simple, il y a lieu de lui en donner acte ;

DECIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la COMMUNE DE PERTUIS de ses conclusions dirigées contre la compagnie d'assurances AGF.

Article 2 : Il est ordonné un supplément d'instruction aux fins susmentionnées.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE PERTUIS, au Syndicat mixte d'aménagement de la vallée de la Durance, au Syndicat de la Durance-Pertuis, à la chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse, à la compagnie d'assurances Le Continent, aux sociétés Sepal, Pertuis Auto Bilan, à la compagnie d'assurances AGF, au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N° 02MA00715 4


Sens de l'arrêt : A saisir ultérieurement
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : PEZET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Date de la décision : 19/12/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 02MA00715
Numéro NOR : CETATEXT000007593655 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-12-19;02ma00715 ?
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