Vu la requête, transmise par télécopie et enregistrée le 6 août 2003, présentée pour la COMMUNE DE VILLAR D'ARENE représentée par son maire à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 27 juin 2003, par la SCP Gerbaud Aoudiani Canellas Charmasson Veyrat, avocat ; La COMMUNE DE VILLAR D'ARENE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-4018 du 15 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser à M. et Mme X une indemnité de 10.000 € avec les intérêts au taux légal à compter du 9 juin 1998, les intérêts étant eux-mêmes capitalisés au 8 avril 2003, en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait de décisions illégales du maire, ainsi qu'une somme de 1524,49 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Marseille ;
3°) de condamner M. et Mme X à lui verser une somme de 1.500 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2005,
- le rapport de M. Attanasio, rapporteur ;
- les observations de Me Gerbeaud de la SCP Gerbaud Aoudiani Canellas Charmasson Veyrat pour la COMMUNE DE VILLAR D'ARENE et de Me Perollier substituant la CJA Public Chavent-Mouseghian pour M. Philippe X ;
- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par jugement du 15 mai 2003, le Tribunal administratif de Marseille a condamné la COMMUNE DE VILLAR D'ARENE à verser à M. et Mme X une indemnité de 10.000 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 1998, en réparation de préjudices résultant de décisions illégales du maire ; que la COMMUNE DE VILLAR D'ARENE relève appel de ce jugement ; que M. et Mme X demandent, par la voie du recours incident, que l'indemnité principale mise à la charge de la COMMUNE DE VILLAR D'ARENE soit portée à la somme de 15.244, 90 € ;
En ce qui concerne l'appel de la COMMUNE DE VILLAR D'ARENE :
Sur la responsabilité :
Considérant que la délivrance de permis de construire illégaux est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ; qu'il résulte de l'instruction que le maire de VILLAR D'ARENE a délivré successivement, les 4 avril 1992, 20 avril 1993 et 18 août 1993 des permis de construire à la commune, en vue de la restauration et de la surélévation d'un bâtiment abritant un four à pain communal ; que le sursis à exécution a été prononcé, les 19 octobre 1992 et 21 juin 1993, à l'encontre des deux premiers permis, qui ont été retirés ; que le permis de construire délivré le 18 août 1993 a été annulé par un jugement du Tribunal administratif de Marseille du 1er juillet 1996, confirmé par un arrêt de la cour de céans du 10 décembre 1998 ; qu'ainsi, en délivrant des permis de construire illégaux, le maire de VILLAR D'ARENE, alors même qu'aucun autre reproche ne pourrait être relevé à son encontre notamment quant à la poursuite des travaux postérieurement au prononcé de sursis à exécution, a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;
Sur le préjudice :
Considérant que M. et Mme X, qui sont propriétaires du fonds qui jouxte la construction qui a été modifiée et surélevée sur le fondement des permis illégaux, ont droit à la réparation des préjudices ayant un lien direct avec la violation des règles d'urbanisme en vigueur et, dans la seule mesure où les nuisances diverses qu'ils subissent, excéderaient celles qui auraient résulté d'une construction conforme au plan d'occupation des sols ;
Considérant que l'annulation du permis de construire délivré le 18 août 1993 se fonde d'une part, sur un vice de forme résultant de l'absence d'accord du conseil municipal préalable au dépôt de la demande de permis, et d'autre part, sur la violation de l'article UA 12 du règlement du plan d'occupation des sols, qui imposait la création de 7 places de stationnement ; que ces illégalités n'ont pas de lien direct avec le préjudice invoqué par M. et Mme X et constitué par la perte d'ensoleillement de leur maison ;
Considérant, toutefois, que M. et Mme X invoquent, ainsi qu'ils peuvent le faire, à l'appui de leur demande indemnitaire un moyen qu'ils n'avaient pas soulevé au soutien de leur recours pour excès de pouvoir, tiré de la violation des dispositions de l'article UA 7 du règlement du plan d'occupation des sols, relatives à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la construction litigieuse est régulièrement implantée sur la limite parcellaire en façade nord séparant la propriété de M. et Mme X et celle de la commune ; que l'implantation d'un escalier extérieur en façade Est qui n'est pas en vis-à-vis de la propriété de M. et Mme X, en admettant même qu'elle ne respecterait pas les règles d'implantation posées par l'article UA 7 précité, ne peut, dès lors, être regardée comme leur causant un préjudice dont ils seraient fondés à demander la réparation ;
Considérant que M. et Mme X qui ne contestent pas que les règles de hauteur n'ont pas été dépassées, ne sont pas fondés à demander la réparation du préjudice résultant de la perte d'ensoleillement de leur maison d'habitation ; que la COMMUNE DE VILLAR D'ARENE est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamnée à réparer ce chef de préjudice ;
Considérant, toutefois, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, les nombreuses procédures, engagées par M. et Mme X, à l'encontre des illégalités commises, peuvent être regardées comme ayant créé des troubles dans les conditions d'existence de ces derniers ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'estimant à la somme de 4.000 € ; que la COMMUNE DE VILLAR D'ARENE est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser à M. et Mme X une indemnité excédant ce montant ;
En ce qui concerne le recours incident de M. et Mme X :
Sur l'indemnité principale :
Considérant, d'une part, ainsi qu'il a été dit, que M. et Mme X ne sont pas fondés à demander la réparation du préjudice résultant pour eux de la perte d'ensoleillement et de vue de leur maison d'habitation ;
Considérant, d'autre part, que M. et Mme X ne justifient pas que le tribunal administratif aurait fait une évaluation insuffisante de leur préjudice résultant des troubles dans leurs conditions d'existence ; que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a condamné la COMMUNE DE VILLAR D'ARENE à leur verser une indemnité inférieure à celle qu'ils réclament ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. et Mme X ont droit aux intérêts de la somme susmentionnée de 4 000 € à compter du 9 juin 1998, date d'enregistrement de leur demande devant le juge, ainsi qu'ils le sollicitent ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. et Mme ont demandé par un mémoire du 8 avril 2003 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date que, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les intéressés n'ont pas ensuite formulé de nouvelles demandes de capitalisation, à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la COMMUNE DE VILLAR D'ARENE et par M. et Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 10.000 euros que la COMMUNE DE VILLAR D'ARENE a été condamnée à verser à M. et Mme X par le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 15 mai 2003 est ramenée à 4.000 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 9 juin 1998. Les intérêts échus à la date du 9 juin 1998 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 15 mai 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE VILLAR D'ARENE et de l'appel incident de M. et Mme est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE VILLAR D'ARENE, à M. et Mme et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
N° 03MA01600 2