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05/12/2005 | FRANCE | N°02MA01674

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 05 décembre 2005, 02MA01674


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 août 2002, présentée par Me Bois, avocat, pour Mme Simone X, élisant domicile ... (84410) ;

Elle demande à la Cour :

1) de réformer le jugement n°9902352 du 28 mai 2002, notifié le 13 juin 2002, en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Marseille n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à la condamnation de la commune de Beaumes-de-Venise à lui verser la somme de 15.000 F (soit 2.286,74 euros) par mois jusqu'à la complète mise en conformité du chemin permettant l'accès à sa prop

riété, ensemble la somme de 100.000 F (soit 15.244,90 euros) à titre de domma...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 août 2002, présentée par Me Bois, avocat, pour Mme Simone X, élisant domicile ... (84410) ;

Elle demande à la Cour :

1) de réformer le jugement n°9902352 du 28 mai 2002, notifié le 13 juin 2002, en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Marseille n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à la condamnation de la commune de Beaumes-de-Venise à lui verser la somme de 15.000 F (soit 2.286,74 euros) par mois jusqu'à la complète mise en conformité du chemin permettant l'accès à sa propriété, ensemble la somme de 100.000 F (soit 15.244,90 euros) à titre de dommages et intérêts ;

2) de condamner la commune de Beaumes-de-Venise à lui verser les sommes, d'une part, de 20.000 euros en réparation de la privation de jouissance de sa propriété qu'elle a subie de 1996 à 2002, d'autre part, de 3.000 euros par mois en réparation de l'enclavement de sa parcelle jusqu'à la réalisation d'un accès ;

3) de condamner ladite commune à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe le 10 février 2005, présenté par Me Guin, avocat, pour la commune de Beaumes-de-Venise ; elle conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de condamner l'appelante à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de ses frais exposés et non compris les dépens ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 octobre 2005, présenté par Me Bois, avocat, pour Mme X, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 novembre 2005, présenté par Me Guin, avocat, pour la commune de Beaumes-de-Venise, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Elle demande en outre que la Cour annule le jugement attaqué et condamne l'appelante à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2005 :

- le rapport de M. Brossier, premier conseiller,

- les observations de Me Guin pour la commune de Beaumes-de-Venise,

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X possède sur le territoire de la commune de Beaumes-de-Venise deux parcelles de terrain cadastrées section B n° 592 et 593 ; qu'en soutenant que la commune est à l'origine de l'enclavement de fait de la parcelle n°592, depuis la cession le 15 mai 1996 du chemin rural qui la desservait par la commune propriétaire à un autre riverain, Mme X a demandé au Tribunal administratif de Marseille de l'indemniser des préjudices qu'elle estime subir du fait de cette privation d'accès ; que, par le jugement attaqué, le tribunal a estimé que la commune avait méconnu les dispositions procédurales prévues par l'article L.161-10 du code rural, avait cédé ce chemin à un prix inférieur à sa valeur sans motif d'intérêt général et s'était engagée formellement, les 12 février 1998 et 8 mars 2001, à rétablir au plus tôt un accès carrossable, mais n'avait pu réaliser cet engagement ; qu'ainsi les premiers juges ont estimé que la responsabilité de la commune de Beaumes-de-Venise était engagée et l'ont condamnée à verser à Mme X une indemnité totale de 3.000 euros, dont l'appelante conteste le faible montant devant la Cour ;

En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Beaumes-de-Venise :

Considérant que la commune intimée ne conteste pas s'être engagée formellement à désenclaver la parcelle n° 592 en litige par la création d'un nouveau chemin carrossable ; que si elle apporte la preuve, par le constat d'huissier du 26 octobre 2005 qu'elle produit, qu'elle a effectivement fait réaliser ce chemin d'accès, cette circonstance, postérieure au jugement attaqué, n'est pas de nature à en justifier l'annulation ; qu'en se contentant par ailleurs de soutenir que la parcelle n°592 était, en tout état de cause, accessible par la voie départementale la longeant en contrebas, la commune ne peut se soustraire à sa promesse de désenclaver cette parcelle par le haut, dès lors qu'il n'est pas sérieusement contesté, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, que ladite parcelle n°592 surplombe la voie départementale et la parcelle n°593 d'une quinzaine de mètres en hauteur, rendant ainsi extrêmement difficile la réalisation d'un accès carrossable par le bas ; que, dès lors, la commune intimée n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges n'auraient pas dû engager sa responsabilité ;

En ce qui concerne la demande de l'appelante tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la privation de jouissance :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le terrain de l'appelante a été privé de tout accès carrossable le 15 mai 1996, du fait de la cession illégale du chemin rural en litige et de ce que la commune n'a pu, jusqu'à la date du 26 octobre 2005 susmentionnée, réaliser la promesse de désenclavement qu'elle avait formulée expressément ; que la commune intimée soutient qu'elle n'a pu, durant cette période, désenclaver le terrain de l'appelante en raison de difficultés afférentes à la réalisation de son projet de desservir les parcelles riveraines par une nouvelle voie communale plus large, compte tenu notamment d'une procédure contentieuse en cours et relative à l'assiette de cette voie ; qu'une telle circonstance n'est toutefois pas de nature à exonérer la commune de son entière responsabilité ; que le préjudice qui découle de la privation de jouissance d'un terrain arboré non construit doit être regardé comme consistant en l'impossibilité d'entretenir correctement le fonds, et notamment de couper du bois ;

Considérant, d'une part, que, compte tenu de la surface du terrain enclavé, il sera fait une juste appréciation d'un tel préjudice en l'évaluant à 3.000 euros au titre de l'enclavement subi du 15 mai 1996 au 28 mai 2002, date du jugement attaqué ; qu'ainsi, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges, qui ont statué en 2002, auraient sous-évalué l'indemnisation de son préjudice au titre de sa privation de jouissance sur cette période de près de 6 années ;

Considérant, d'autre part, que l'appelante est recevable et fondée à augmenter devant le juge d'appel ses prétentions, au motif de la persistance de son enclavement, dès lors que l'indemnisation ainsi sollicitée découle de la même cause juridique que celle retenue par les premiers juges et qu'il résulte de l'instruction que le terrain dont s'agit est resté enclavée jusqu'au 26 octobre 2005, date du constat d'huissier produit ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par l'appelante en l'évaluant à 1.500 euros pour l'enclavement subi de la date du jugement à la date du présent arrêt ;

En ce qui concerne la demande de l'appelante tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la privation du droit à construire :

Considérant que l'appelante soutient qu'elle n'a pu réaliser son projet de construire une habitation pour ses enfants, du fait de l'absence de desserte de son terrain enclavé, et qu'elle subirait à ce titre un préjudice né de la hausse du coût de la construction ; qu'elle doit être regardée comme demandant, en particulier, que la réparation de ce préjudice prenne en compte une indexation sur l'indice des prix à la construction ; qu'elle sollicite, à ce titre, la condamnation de la commune intimée à lui verser la somme de 3.000 euros par mois jusqu'à la réalisation de l'accès permettant d'obtenir la desserte de ses parcelles et, par suite, l'obtention d'un permis de construire ; que l'enclavement dont se plaint l'appelante ayant été provisoire, cette dernière doit être regardée comme demandant une indemnisation de 3.000 euros par mois, non pas du fait d'un enclavement définitif, mais au titre des préjudices financiers qu'elle estime subir jusqu'à ce qu'elle obtienne un permis de construire ;

Considérant, cependant, que le projet immobilier de l'appelante demeure hypothétique, nonobstant la circonstance qu'elle ait obtenu un certificat d'urbanisme ; qu'en tout état de cause, et à supposer même qu'elle ait déposé une demande de permis de construire, elle n'établit ni même n'allègue qu'elle ait supporté inutilement à cette fin le coût d'un crédit immobilier ou qu'elle ait réalisé des actifs de son patrimoine ; que la circonstance que l'absence d'accès ait retardé son projet, lui faisant ainsi subir les variations du coût de la construction, n'est pas de nature à entraîner un préjudice financier suffisamment certain, compte-tenu des variations qui affectent par ailleurs les marchés financiers et qui ont un impact, positif ou négatif, sur le bilan financier d'un projet de construction, notamment en ce qui concerne le prix de la réalisation éventuelle d'actifs ou les variations des taux d'intérêts bancaires ; que dans ces conditions, et compte tenu de l'insuffisance des précisions de l'appelante quant à un tel bilan, cette dernière ne peut être regardée comme établissant un préjudice financier suffisamment certain pour justifier l'allocation d'une indemnité de 3.000 euros par mois d'enclavement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont rejeté à tort sa demande de réparation du préjudice qu'elle estime subir du fait de son enclavement jusqu'à la réalisation de l'accès lui permettant d'obtenir la desserte de ses parcelles et, par suite, l'obtention d'un permis de construire ;

Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire aux conclusions des parties tendant au remboursement de leurs frais exposés non compris dans les dépens et présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du Code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : La commune de Beaumes-de-Venise est condamnée à payer à Mme X la somme globale de 1.500 euros au titre de la période courant du 28 mai 2002, date du jugement attaqué, au 5 décembre 2005, date du présent arrêt.

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme X est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Beaumes-de-Venise tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X, à la commune de Beaumes-de-Venise et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer .

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N° 02MA01674


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA01674
Date de la décision : 05/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : BOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-12-05;02ma01674 ?
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