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18/11/2005 | FRANCE | N°02MA01175

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 18 novembre 2005, 02MA01175


Vu, I, la requête, enregistrée le 25 juin 2002 sous le n°02MA01175, présentée par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement rendu par le tribunal administratif de Bastia le 2 mai 2002, en tant qu'il a rejeté l'action domaniale exercée par le préfet de la Corse du Sud à l'encontre des héritiers de M. ;

2°) de condamner ces derniers à remettre les lieux qu'ils occupent sur le domaine public maritime dans leur état primitif, sous astreinte de 763 euros par jour de retard

, et d'autoriser l'administration à procéder d'office à cette remise en état aux f...

Vu, I, la requête, enregistrée le 25 juin 2002 sous le n°02MA01175, présentée par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement rendu par le tribunal administratif de Bastia le 2 mai 2002, en tant qu'il a rejeté l'action domaniale exercée par le préfet de la Corse du Sud à l'encontre des héritiers de M. ;

2°) de condamner ces derniers à remettre les lieux qu'ils occupent sur le domaine public maritime dans leur état primitif, sous astreinte de 763 euros par jour de retard, et d'autoriser l'administration à procéder d'office à cette remise en état aux frais des héritiers, dans l'hypothèse où ceux-ci n'y auraient pas procédé ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 février 2004, présenté par Me Redon, avocat, pour Mme Martine , agissant pour le restaurant C, ..., pour Mlle Magali , demeurant ... pour M. Jean-Claude Henri , demeurant ..., pour M. Jean-Louis demeurant ... et pour M. Jacques Vincent , demeurant ...) ;

Vu le mémoire en production de pièces complémentaires, enregistré le 12 octobre 2005, présenté pour les consorts par Me Redon ;

Vu, II, la requête enregistrée le 18 août 2003 sous le n°031687, présentée par Me Redon, avocat, pour M. Jacques Vincent , demeurant à ..., pour M. Jean-Claude Henri , demeurant ... et pour M. Jean-Louis , demeurant ...) ;

Les requérants demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 mai 2003 par lequel le tribunal administratif de Bastia a condamné Mme Martine au paiement d'une amende de 150 euros et à la remise en état des lieux qu'elle occupe au lieu dit la plage de Viva à Grossetto-Prugna, sous astreinte, et a autorisé l'administration à y procéder, le cas échéant, d'office aux frais de la contrevenante ;

2°) de relaxer Mme des frais de la poursuite exercée à son encontre ;

3°) de condamner l'Etat à verser à Mme 2000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu, enregistré le 1er mars 2004, le mémoire présenté par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, ledit mémoire tendant au rejet de la requête ;

Vu le mémoire en production de pièces complémentaires, enregistré le 12 octobre 2005, présenté pour les consorts par Me Redon ;

Vu, III, la requête enregistrée le 12 août 2003 sous le n°031644, présentée par Me Marcialis, avocat, pour Mme Claude , demeurant ... ;

Mme demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 mai 2003 par lequel le tribunal administratif de Bastia l'a condamnée au paiement d'une amende de 150 euros et à la remise en état des lieux qu'elle occupe sur la plage de la Viva, sous astreinte, et a autorisé l'administration à y procéder, le cas échéant, d'office à ses frais ;

2°) de la relaxer des frais de la poursuite exercée à son encontre ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu, enregistré le 24 juin 2004, le mémoire présenté par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, ledit mémoire tendant au rejet de la requête ;

Vu les jugements attaqués ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu l'ordonnance d'août 1681 sur la marine ;

Vu la loi du 29 floréal an X et le décret du 10 avril 1812 ;

Vu le code du domaine de l'Etat ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2005 :

- le rapport de M. Gonzales, président-assesseur,

- les observations de Me Redon pour MM. Jacques, Jean-Claude et Jean-Louis , Mlle Magali , et Mme Martine ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes enregistrées sous les numéros 02-1175, 031644 et 031687 présentent à juger des questions connexes et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité des jugements attaqués :

Considérant, en premier lieu, que le préfet de la Corse du Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia un procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 23 mai 2001 à l'encontre de M. Claude , et a demandé à ce tribunal de condamner l'intéressé au paiement d'une amende, ainsi qu'à la remise en état des lieux qu'il occupait illégalement sur la plage de Viva à Porticcio ;

Considérant que par jugement du 2 mai 2002, le tribunal a relevé que M. était décédé en cours d'instance le 14 novembre 2001 et que ce décès entraînait l'extinction de l'action publique ; qu'il a, pour ce motif, rejeté l'intégralité de la requête du préfet de la Corse du Sud ;

Considérant, cependant, que le domaine public étant imprescriptible, le décès est resté sans effet sur l'action du préfet tendant à la réparation des atteintes à ce domaine ; que le préfet a expressément sollicité du tribunal la condamnation des héritiers de M. à cette réparation ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'affaire était en état d'être jugée au moment du décès ; que le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer est donc fondé à soutenir que le tribunal était ainsi tenu de statuer sur cette conclusion et ne pouvait, sans irrégularité, se borner à rejeter la requête du préfet dans son intégralité ; que ce jugement doit donc être annulé en tant qu'il n'a pas statué sur l'action domaniale exercée devant le tribunal ;

Considérant, en second lieu, qu'après le décès de M. , le préfet de la Corse du Sud a fait dresser, le 11 septembre 2002, un nouveau procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre de Mme et l'a déféré au tribunal qui y a statué par jugement du 28 mai 2003 ; que le bien-fondé de l'action publique et de l'action domaniale ainsi engagées dépendait notamment de l'examen de la légalité de l'arrêté du 19 janvier 1979 incorporant dans le domaine public maritime les lieux occupés par le restaurant exploité par Mme , légalité contestée devant le tribunal par voie d'exception ; que, toutefois, les premiers juges se sont bornés à écarter le moyen tiré de cette exception pour irrecevabilité, sans motiver leur décision sur ce point ; que le défaut de réponse audit moyen entache d'irrégularité le jugement rendu le 28 mai 2003 ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur l'action publique exercée par le préfet de la Corse du Sud contre Mme , ainsi que sur l'action domaniale exercée contre les héritiers de M. sur la base du procès-verbal de contravention de grande voirie établi le 23 mai 2001, et contre Mme sur la base du procès-verbal établi le 11 septembre 2002 ;

Sur l'action publique :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 6 août 2002 portant amnistie : « Sont amnistiées en raison de leur nature : 1° les contraventions de police et les contraventions de grande voirie … » ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme ait acquitté le montant de l'amende pénale de 150 euros avant la publication de la loi d'amnistie ; que les dispositions de cette loi font désormais obstacle à sa condamnation au paiement d'une telle amende ; que, dès lors, les conclusions présentées à cette fin par le préfet sont devenues sans objet ;

Sur l'action domaniale :

En ce qui concerne la recevabilité de l'intervention :

Considérant que la décision à rendre sur l'action domaniale exercée à l'encontre de Mme Martine sur la base du procès-verbal établi le 11 septembre 2002 est susceptible de préjudicier aux droits de MM. Jacques Vincent, Jean-Claude Henri et Jean-Louis ; que, dès lors, leur intervention est recevable ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie à l'égard de Mme :

Considérant, en premier lieu, que si la gestion de la plage de la Viva, où se situe l'établissement litigieux a été concédée par arrêté préfectoral du 20 juin 1983 à la commune de Grosseto-Prugna, la police du domaine public maritime n'a pas pour autant été attribuée à la commune ; qu'ainsi M. Edouard Heraud, agent assermenté de la direction départementale de l'équipement de la Corse du Sud et légalement commissionné à cet effet, pouvait légalement dresser le procès-verbal de contravention de grande voirie litigieux ; qu'en deuxième lieu, le délai de 10 jours prévu par l'article L.774-2 du code de justice administrative pour la notification du procès-verbal de contravention de grande voirie, n'est pas prescrit à peine de nullité et Mme a été, en temps utile, mise à même de présenter sa défense devant le tribunal administratif ; qu'en troisième lieu, l'omission dans les visas des textes sur lesquels sont fondées les poursuites, n'est pas de nature à entacher de nullité le procès-verbal en cause ; que, dans ces conditions, Mme n'est pas fondée à soutenir que la procédure de contravention de grande voirie est entachée d'irrégularité ;

En ce qui concerne le bien-fondé de la contravention :

Considérant que par arrêté du 19 janvier 1979, le préfet de la Corse du Sud a délimité et incorporé au domaine public maritime les lais et relais de la mer sur la plage de Viva, dans la commune de Grosseto Prugna ; que le plan annexé à cet arrêté situe le terrain d'assiette du restaurant exploité par les consorts dans les lais et relais de mer constitués à la date de cet arrêté et, par conséquent, dans le domaine public maritime ;

Considérant, il est vrai, que les représentants contestent la réalité de la domanialité publique des lieux en critiquant, par plusieurs moyens de procédure et de fond la légalité de l'arrêté susmentionné du 19 janvier 1979 ;

Mais considérant que, par nature, l'acte d'incorporation des lais et relais de mer au domaine public maritime n'a pas un caractère réglementaire et que son illégalité ne peut être invoquée par voie d'exception que dans le délai du recours contentieux courant à compter de sa publication ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette décision a été régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du département et que, depuis lors, le délai de recours contentieux était expiré à la date de saisine du tribunal administratif par le préfet ; que, dans ces conditions, les moyens soulevés ne sont pas recevables ; qu'il en résulte que le terrain litigieux doit être réputé appartenir depuis le 19 janvier 1979, au domaine public maritime ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. , mari de Mme , a obtenu par arrêté du préfet de la Corse du Sud en date du 14 juin 1968, une autorisation d'occupation temporaire de ce domaine public sur une superficie de 318 m² servant d'assiette au restaurant les Tamaris ; que si, depuis lors, cette autorisation, a été renouvelée à plusieurs reprises et en dernier lieu du 14 juin 1997 au 31 décembre 1998, pour une superficie de 893 m², elle n'a pas été renouvelée par la suite ; que par procès-verbal du 11 septembre 2002, après un précédent procès-verbal dressé le 23 mai 2001 à l'encontre de M. Claude , son mari décédé le 14 novembre 2001, il a été constaté que ni Mme , ni ses héritiers n'avaient remis les lieux dans leur état antérieur à l'expiration de cette autorisation, par la démolition de leurs installations édifiées sur la plage de la Viva ; que, dans ces conditions, ces installations ont été maintenues sur le domaine public en infraction aux règles posées par l'ordonnance d'août 1681, la loi du 29 floréal An X et le décret du 10 avril 1812, ce qui justifie l'établissement d'une contravention de grande voirie ;

Considérant que la personne qui peut être poursuivie pour une contravention de grande voirie est soit celle qui a commis l'infraction, soit celle qui a la garde de l'immeuble à l'origine de la contravention ; qu'il y a lieu, par suite, de faire droit aux demandes du préfet de la Corse du Sud et de condamner les héritiers de M. , ainsi que Mme , à la remise des lieux dans leur état antérieur dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, avec autorisation de l'administration à procéder d'office à l'opération aux frais de la contrevenante ;

Sur les conclusions tendant au paiement des taxes domaniales :

Considérant que de telles conclusions, présentées dans le cadre d'une procédure de contravention de grande voirie, sont irrecevables et doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de rejeter les conclusions présentées à cette fin par les consorts , qui succombent dans la présente instance, et ne peuvent ainsi prétendre au remboursement de leurs frais de procédure ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé rendu par le tribunal administratif de Bastia le 2 mai 2002 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur l'action domaniale exercée par le préfet de la Corse du Sud à l'encontre des héritiers de M. Claude

Article 2 : Le jugement susvisé rendu par le tribunal administratif de Bastia, le 28 mai 2003 est annulé.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur l'action publique exercée par le préfet de la Corse du Sud à l'encontre de Mme Martine .

Article 4 : L'intervention de MM. Jacques Vincent, Jean-Claude Henri et Jean-Louis au soutien des conclusions de Mme est admise.

Article 5 : Mme Martine , MM. Jacques-Vincent, Jean-Claude-Henri et Jean-Louis sont condamnés à remettre en état les lieux qu'ils occupent illégalement sur le domaine public maritime au lieu-dit Plage de la Viva sur le territoire de la commune de Grossetto Prugna, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros (cent cinquante euros) par jour de retard, avec autorisation de l'administration à procéder d'office à l'opération aux frais des contrevenants.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, à Mme Martine , à M. Jacques Vincent , à M. Jean-Claude , à M. Jean-Louis et à Mlle Magali .

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N° 02MA1175, 03MA1644, 03MA1687


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA01175
Date de la décision : 18/11/2005
Sens de l'arrêt : Non-lieu
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Serge GONZALES
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : REDON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-11-18;02ma01175 ?
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