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06/10/2005 | FRANCE | N°01MA01827

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 06 octobre 2005, 01MA01827


Vu la requête sommaire, enregistrée le 13 août 2001, présentée pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE (SCI) LES HAUTES ROCHES, représentée par son gérant en exercice, dont le siège est ..., par la SCP d'avocats Bachellier-Potier de la Varde ;

La SCI LES HAUTES ROCHES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99-4040 du 14 juin 2001 par lequel le Tribunal de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation du rejet implicite par le préfet des Alpes-Maritimes de son recours formé le 22 mars 1999 à l'encontre d'un arrêté interruptif de travaux du 26 janvier 199

9, ensemble l'annulation dudit arrêté ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir,...

Vu la requête sommaire, enregistrée le 13 août 2001, présentée pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE (SCI) LES HAUTES ROCHES, représentée par son gérant en exercice, dont le siège est ..., par la SCP d'avocats Bachellier-Potier de la Varde ;

La SCI LES HAUTES ROCHES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99-4040 du 14 juin 2001 par lequel le Tribunal de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation du rejet implicite par le préfet des Alpes-Maritimes de son recours formé le 22 mars 1999 à l'encontre d'un arrêté interruptif de travaux du 26 janvier 1999, ensemble l'annulation dudit arrêté ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 2005,

- le rapport de Mme Buccafurri, rapporteur ;

- les observations de Me X... pour la SCI LES HAUTES ROCHES ;

- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SCI LES HAUTES ROCHES demande l'annulation du jugement susvisé en date du 14 juin 2001 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 26 janvier 1999 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes, agissant par substitution au maire de Théoule-sur-Mer, a ordonné l'interruption immédiate des travaux qu'elle avait entrepris pour la réalisation du bâtiment H du programme immobilier Imperial Bay , ensemble le rejet implicite opposé par le préfet à son recours gracieux formé contre ledit arrêté le 22 mars 1999 ;

Sur la légalité de l'arrêté interruptif de travaux en date du 26 janvier 1999 :

Considérant qu'aux termes de l'article L.480-2 du code de l'urbanisme : «L'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L.480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel… / Dans le cas de constructions sans permis de construire ou de constructions poursuivies malgré une décision de la juridiction administrative ordonnant qu'il soit sursis à l'exécution du permis de construire, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public. Dans tous les cas où il n'y serait pas pourvu par le maire et après une mise en demeure adressée à celui-ci et restée sans résultat à l'expiration d'un délai de vingt-quatre heures, le représentant de l'Etat dans le département prescrira ces mesures et l'interruption des travaux par un arrêté dont copie sera transmise sans délai au ministère public…» ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'au mois de juin 1997, la SCI LES HAUTES ROCHES a entrepris, avenue de Provence à Théoule-sur-Mer, la construction d'un bâtiment H compris dans un programme immobilier comportant la réalisation de quatre bâtiments distincts E, F, G et H, autorisé par un permis de construire du 9 décembre 1988 et modifié le 24 mai 1989 ; que l'arrêté interruptif de travaux en litige a été pris au motif que les travaux de construction ainsi entrepris par la SCI LES HAUTES ROCHES étaient réalisés irrégulièrement au regard des dispositions de l'article L.421-1 du code de l'urbanisme dès lors que le permis de construire du 9 décembre 1988 et son modificatif du 24 mai 1989, sous couvert desquels lesdits travaux étaient exécutés, avaient été retirés par un arrêté municipal du 7 février 1990, lui-même retiré par un arrêté du 28 février 1990, ce dernier arrêté ayant été à son tour annulé par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 9 juillet 1997 ;

Considérant que si, l'annulation de la décision municipale du 28 février 1990 retirant la décision de retrait du 7 février 1990, prononcée par le Conseil d'Etat par l'article 2 de son arrêt en date du 9 juillet 1997, a eu pour effet de remettre en vigueur, de façon rétroactive, l'arrêté du 7 février 1990 procédant au retrait notamment des deux permis de construire susvisés des 9 décembre 1988 et 24 mai 1989, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêt en date du 22 février 2002, le Conseil d'Etat a fait droit à la tierce opposition formée par la SCI LES HAUTES ROCHES à l'encontre de son arrêt du 9 juillet 1997 et a déclaré l'article 2 de cet arrêt nul et non avenu ; qu'eu égard à l'effet rétroactif de la décision du Conseil d'Etat du 22 février 2002, les permis de construire des 9 décembre 1988 et 24 mai 1989 doivent être regardés comme n'étant jamais sortis de l'ordonnancement juridique ; qu'ainsi, la SCI LES HAUTES ROCHES pouvait se prévaloir desdits permis de construire pour entreprendre les travaux de réalisation du bâtiment H du programme immobilier précité autorisés par lesdits permis de construire ; que, par suite, en ordonnant, par l'arrêté contesté du 26 janvier 1999, l'interruption immédiate des travaux en cause au motif que ladite société ne disposait d'aucune autorisation de construire, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas légalement justifié sa décision ;

Considérant, il est vrai, que le préfet, en première instance, et le ministre, en appel, soutiennent que le permis de construire du 9 décembre 1988 était périmé à la date à laquelle la SCI LES HAUTES ROCHES a entrepris les travaux de réalisation du bâtiment H dès lors qu'à cette date, soit en juin 1997, les travaux avaient été interrompus pendant plus d'une année ; que ce faisant, le préfet et le ministre doivent être regardés comme sollicitant une substitution des motifs fondant l'arrêté contesté ;

Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

Considérant qu'aux termes de l'article R.421-32 du code de l'urbanisme : «Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R.421-34 ou de la délivrance tacite du permis de construire. Il en est de même si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année…» ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le permis de construire du 9 décembre 1988 autorisait la construction de quatre bâtiments E F, G et H ; que ledit permis de construire présentait un caractère indivisible ; que, s'il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu de visite établi par M. Y..., architecte, le 30 juin 1993, que la construction du bâtiment H du programme immobilier en cause n'avait pas à cette date débuté, il est constant que la construction des trois autres bâtiments E, F et G avaient été entrepris dans le délai de validité de deux ans du permis de construire du 9 décembre 1988 ; que, si le ministre soutient qu'à la date du 2 août 1993, le permis de construire du 9 décembre 1988 était entaché de péremption en raison de l'interruption des travaux pendant plus d'une année, il s'est borné, pour ce faire, à se référer aux écritures de première instance de la société requérante par lesquelles elle admettait la péremption dudit permis de construire à cette date mais n'a versé au dossier aucun document de nature à établir l'interruption des travaux de construction en cause pendant une durée supérieure à un an ; que, pour sa part, la SCI LES HAUTES ROCHES a versé en appel des situations de travaux de nature à attester la continuité des travaux de construction des bâtiments E , G et F jusqu'au mois de juillet 1995 ; que si le ministre soutient également que le permis de construire du 9 décembre 1988 serait caduc du fait de l'interruption des travaux pendant une période supérieure à une année entre juillet 1995, date de réception des travaux des bâtiments E et G, et juillet 1996 , il n'a produit au dossier aucune document de nature à attester de l'interruption ainsi alléguée ; que, pour sa part, la SCI LES HAUTES ROCHES, établit, par les situations de travaux et factures versées en appel, que des travaux ont été réalisés sur le bâtiment F entre le mois de juillet 1995 et le mois de mars 1997, date de réception des travaux du bâtiment en cause ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, lesdits travaux étaient suffisamment significatifs pour faire échec à la péremption du permis de construire ; qu'en effet, il résulte de l'examen des justificatifs produits par la société appelante, que les travaux exécutés sur le bâtiment F, entre juillet 1995 et mars 1997, portaient sur des éléments d'équipement de la construction, tels que la plomberie, l'électricité et se sont élevés à un montant global, sur la période prise en considération, de 2 840 511 F pour un total de 6 655 867 F de travaux réalisés sur les trois bâtiments pris en considération ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient également le ministre, les travaux de réalisation du bâtiment H, qui ont commencé début juin 1997, et qui consistaient en des travaux de terrassement importants portant sur 1 500 m3 de terres, ainsi qu'il résulte de la facture versée au dossier par la société appelante, n'étaient pas uniquement destinés à échapper à la péremption du permis de construire du 9 décembre 1988 mais traduisaient, par leur importance, la volonté de la SCI LES HAUTES ROCHES de continuer l'opération de construction autorisée par ledit permis de construire ; qu'il suit de là que le ministre n'établit pas que l'arrêté contesté aurait pu être légalement fondé sur la péremption du permis de construire du 9 décembre 1988 ; que, dès lors, la demande de substitution de motifs formulée par le ministre doit être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement contesté, que la SCI LES HAUTES ROCHES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; qu'elle est, dès lors, fondée à demander l'annulation dudit jugement ainsi que celle de l'arrêté du 26 janvier 1999, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.600-4-1 du code de l'urbanisme : «Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier» ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 du décret susvisé du 28 novembre 1983 alors en vigueur : «Sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, sous réserve des nécessités de l'ordre public et de la conduite des relations internationales, et exception faite du cas où il est statué sur une demande présentée par l'intéressé lui-même, les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé ait été mis à même de présenter des observations écrites» ;

Considérant que l'arrêté interruptif de travaux, pris sur le fondement de l'article L.480-2 du code de l'urbanisme, constitue une mesure de police qui figure au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, un tel arrêté ne peut légalement intervenir qu'après la mise en oeuvre de la procédure contradictoire qui était alors instituée par l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 ; qu'il est constant que cette formalité n'a pas été respectée ; qu'en l'espèce, si le préfet a invoqué en première instance l'urgence à l'interruption immédiate des travaux en litige eu égard à l'atteinte portée à un site remarquable , il n'a pas établi la situation d'urgence dont il s'est prévalu alors d'une part que l'arrêté en litige est intervenu le 26 janvier 1999, soit trois mois après l'établissement du procès-verbal d'infraction , et que, d'autre part, les travaux en litige consistaient en des travaux de terrassement liés à la construction du dernier bâtiment non encore réalisé du programme immobilier de quatre bâtiments autorisé par le permis susvisé du 9 décembre 1988 ; que, dès lors que, comme il a été rappelé ci-dessus, la SCI LES HAUTES ROCHES disposait d'une autorisation de construire, dont il n'a pas été établi qu'elle aurait été entachée de péremption pour exécuter les travaux ayant fait l'objet de l'arrêté interruptif de travaux contesté, l'autorité administrative compétente n'était pas en situation de compétence liée pour prendre ledit arrêté ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions susrappelées de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 n'est pas inopérant ; que seul cet autre moyen invoqué par la SCI LES HAUTES ROCHES est de nature, en l'état de l'instruction, à entraîner également l'annulation dudit arrêté ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font, en tout état de cause, obstacle à ce que la SCI LES HAUTES ROCHES, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à l'Etat une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat (ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer) à payer à la SCI LES HAUTES ROCHES une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Nice en date du 14 juin 2001 est annulé, ensemble l'arrêté interruptif de travaux du préfet des Alpes-Maritimes en date du 26 janvier 1999 ainsi que le rejet implicite opposé par le préfet des Alpes-Maritimes au recours gracieux formé le 22 mars 1999 par la SCI LES HAUTES ROCHES.

Article 2 : L' Etat (ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer) versera à la SCI LES HAUTES ROCHES la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions formulées par l'Etat sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI LES HAUTES ROCHES et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N° 01MA01827 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01MA01827
Date de la décision : 06/10/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. CHERRIER
Avocat(s) : SCP BACHELLIER - POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-10-06;01ma01827 ?
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