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27/06/2005 | FRANCE | N°99MA00262

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 27 juin 2005, 99MA00262


Vu l'arrêt du 11 juin 2002 par lequel la Cour administrative d'appel de Marseille :

1°) a statué sur la requête, enregistrée le 12 février 1999, de M. et Mme Raymond X qui demandent que la Cour :

- réforme le jugement du 9 novembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer l'aggravation, postérieurement au 9 septembre 1987, des désordres occasionnés à leur propriété sise à Mougins par la route nationale n°85 et a mis à leur charge définitive les frais d'expertise liquidés et taxés

la somme de 11.698, 20 F ;

- condamne l'Etat à leur verser les sommes de 130.267...

Vu l'arrêt du 11 juin 2002 par lequel la Cour administrative d'appel de Marseille :

1°) a statué sur la requête, enregistrée le 12 février 1999, de M. et Mme Raymond X qui demandent que la Cour :

- réforme le jugement du 9 novembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer l'aggravation, postérieurement au 9 septembre 1987, des désordres occasionnés à leur propriété sise à Mougins par la route nationale n°85 et a mis à leur charge définitive les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 11.698, 20 F ;

- condamne l'Etat à leur verser les sommes de 130.267, 50 F au titre des aggravations et travaux destinés à rendre habitable leur villa et de 71.250 F au titre de la perte des loyers, avec les intérêts au taux légal ;

- condamne l'Etat à prendre en charge les dépens et à leur verser la somme de 10.000 F au titre de leurs frais exposés non compris dans les dépens ;

2°) en décidant de procéder à une expertise dans les conditions prévues par les articles R.621 - 2 à R.621 - 14 du code de justice administrative ;

Vu le rapport d'expertise déposé au greffe de la Cour le 12 septembre 2003 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2005 :

- le rapport de M. Brossier, premier conseiller ;

- les observations de Me Pisella pour les époux X ;

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. et Mme X sont propriétaires depuis 1982 d'une villa à Mougins, affectée à compter des années 1985-1986 de nombreux désordres et fissures ; que, par un arrêt du 15 mars 1994 devenu définitif de la Cour administrative d'appel de Lyon, rendu après un premier rapport d'expertise déposé le 9 septembre 1987, l'Etat a été reconnu responsable pour moitié de ces désordres, au titre desquels M. et Mme X ont alors obtenu le paiement de la somme de 245.360, 54 F ; que ces derniers ont engagé une seconde instance devant le Tribunal administratif de Nice tendant à l'indemnisation des préjudices nés de l'aggravation des dommages subis par leur propriété postérieurement à la date du 9 septembre 1987 ; que, par le jugement attaqué du 9 novembre 1998, le Tribunal a rejeté leur demande en s'appuyant notamment sur un deuxième rapport d'expertise déposé le 2 juillet 1996 ; que la Cour de céans, afin de statuer sur l'appel interjeté par les époux X, a décidé de procéder à une nouvelle expertise dont le rapport a été déposé au greffe de la Cour le 12 septembre 2003 ;

Sur les conclusions à fin de réformation :

Considérant que la Cour administrative d'appel de Lyon, dans son arrêt précité, en s'appuyant notamment sur le premier rapport d'expertise du 9 septembre 1987 de l'expert Laffond, a estimé que les graves désordres en litige étaient dus à des mouvements de tassement, de poussée latérale et de glissement de terrain, et a ainsi jugé que les intéressés établissaient le lien de causalité entre leurs dommages subis et la dégradation de l'ouvrage public surplombant leur propriété, la R.N. 85, compte-tenu des imperfections de conception de cet ouvrage, et eu égard à un affaissement du parapet au droit de la villa et aux fissures relevées dans la chaussée, dans la canalisation d'évacuation des eaux pluviales qui la traverse, ainsi que dans le mur de soutènement de la route ; qu'après partage de responsabilité, l'Etat n'a été reconnu responsable que pour moitié des désordres susmentionnés en raison de la nature du sous-sol qui supporte la villa, du faible soubassement de cette dernière, et de l'insuffisance de son système de collecte et d'évacuation des eaux pluviales ; qu'il résulte de l'instruction que l'expert Laffond, pour remédier de façon durable aux désordres, avait alors préconisé aux deux parties des travaux de reprise des ouvrages existants ; qu'ainsi l'expert avait préconisé, d'une part la reprise, par les époux X, des fondations de leur villa et du réseau d'évacuation de leurs eaux pluviales, d'autre part la reprise, par l'Etat, de la chaussée, du réseau de canalisation d'évacuation des eaux pluviales, du mur de soutènement de la route et du parapet ;

Considérant que le Tribunal administratif de Nice, par le jugement attaqué, en s'appuyant notamment sur le deuxième rapport d'expertise du 2 juillet 1996 de l'expert Brunet, a estimé que les époux X n'établissaient pas un lien de causalité entre l'aggravation alléguée de leur préjudice et l'état de l'ouvrage public routier, compte-tenu notamment des travaux entrepris par l'Etat, à savoir la création d'un trottoir en 1989 et la réfection de la chaussée par un enrobé étanche en 1994 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du troisième rapport d'expertise du 12 septembre 2003 de l'expert Leiceaga, qui n'est pas sérieusement contesté, que ces travaux, s'ils ont pu atténuer en partie les infiltrations reprochées d'eau pluviales, ne peuvent être regardés comme étant à eux seuls de nature à prévenir de façon structurelle les mouvements de tassement, de poussée latérale, et de glissement de terrain à l'origine des dommages ; qu'il résulte de l'instruction que ces dommages se sont effectivement aggravés depuis 1987, dans la mesure où lesdits mouvements se sont poursuivis et ont élargi les fissures initialement constatées, ou ont provoqué de nouvelles fissures ; que dans ces conditions, et en l'absence de tout travail de reprise par l'Etat du mur de soutènement de la route nationale et de son réseau de canalisation d'évacuation des eaux pluviales, et des autres travaux qui étaient préconisés par l'expert Laffond, les époux X sont fondés à se plaindre que le tribunal a rejeté leur demande d'indemnisation au motif qu'ils n'établissaient pas le lien de causalité entre l'ouvrage public dont s'agit et l'aggravation de leurs préjudices ; qu'ils sont, par suite, fondés à demander que la Cour annule le jugement attaqué ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la demande des époux X tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils allèguent ;

En ce qui concerne le partage de responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si l'Etat n'a réalisé que partiellement les travaux de reprise préconisés par l'expert Laffond, les époux X n'ont réalisé aucun des travaux de reprise préconisés par le même expert afférents à leur villa, notamment la reprise de ses fondations et de son réseau d'évacuation des eaux pluviales, et alors même qu'ils avaient été indemnisés à cet effet ; qu'ont ainsi subsisté d'autres causes d'aggravation des dommages, notamment l'insuffisance du système de collecte et d'évacuation des eaux pluviales de la villa et son faible soubassement, lesquelles ne peuvent être reprochées à l'Etat et qui sont de nature à atténuer la responsabilité de ce dernier ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en laissant à la charge des époux X la moitié des conséquences dommageables de l'aggravation des désordres en litige ;

En ce qui concerne les préjudices :

Considérant que les appelants, dans leur mémoire introductif d'instance d'appel, ont fait valoir, d'une part, un préjudice d'un montant de 130.267,50 F au titre des travaux destinés à rendre habitable leur villa, d'autre part, un préjudice d'un montant de 71.250 F au titre des pertes de loyers ; que, par un mémoire enregistré le 19 janvier 2005 après dépôt du rapport d'expertise, ils ont porté leurs prétentions aux sommes de 130.000 euros au titre des travaux de reprise en sous-oeuvre de leur villa, de 16.600 euros au titre des travaux de reprise des fissures intérieures, et de 129.600 euros au titre de la perte de jouissance ;

Considérant, en premier lieu, que par l'arrêt susmentionné du 15 mars 1994, la Cour administrative d'appel de Lyon a confirmé l'allocation par l'Etat aux époux X, après partage de responsabilité, d'une indemnité totale de 245.360,54 F (37.404.97 euros), tous chefs de préjudice confondus ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise, que cette somme incluait au titre des travaux de reprise du gros oeuvre, après partage de responsabilité, une indemnité de 162.500 F (24.772, 97 euros), soit une évaluation avant partage de ces travaux de reprise à 325.000 F (49.545, 93 euros) ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du dernier rapport d'expertise du 12 septembre 2003, d'une part que les désordres affectant l'infrastructure de la villa des appelants se sont aggravés depuis leur première indemnisation, d'autre part que les travaux de reprise de cette infrastructure qu'il leur incombait d'effectuer ne pouvaient être entrepris utilement avant que l'Etat n'ait remédié aux désordres affectant la route ; que les évaluations de l'expertise du 12 septembre 2003, qui ne sont pas sérieusement contestées, portent à un montant total de 130.000 euros, avant partage de responsabilité, le coût des travaux de reprise en sous-oeuvre de l'ensemble des désordres affectant le gros-oeuvre de la villa des appelants, désordres initiaux et aggravations de ces désordres ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en fixant à la somme de 80.454.07 euros (130.000 euros moins 49.545, 93 euros ) la réparation de l'aggravation des désordres affectant le gros oeuvre de leur villa ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des trois rapports d'expertise du dossier et des clichés photographiques qu'ils comportent, que, si les fissures intérieures initiales ont été en partie reprises à la suite de la première condamnation de l'Etat, de nouvelles fissures sont apparues, notamment sur ces reprises, justifiant de nouveaux travaux de réfection intérieure ; que les appelants doivent, dans ces conditions, être regardés comme justifiant d'un préjudice certain tiré de l'aggravation des dommages pour lesquels ils ont été indemnisés une première fois ; que dans les circonstance de l'espèce et compte tenu du d'expertise du 12 septembre 2003 non sérieusement contesté, il sera fait une juste appréciation de ce chef préjudice en l'estimant à un montant total, de 16.000 euros ;

Considérant, en troisième lieu, que la perte de loyers alléguée, qui serait consécutive à l'aggravation des dommages, ne peut être regardée comme suffisamment établie par les appelants qui se contentent de soutenir que leur villa, utilisée à fin de résidence secondaire, aurait pu être louée, sans autre élément suffisamment probant relatif aux locataires potentiels ; que, dans ces conditions, la demande d'indemnisation formée sur ce chef de préjudice doit être rejetée comme fondée sur un préjudice insuffisamment certain ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total des conséquences dommageables alléguées par les appelants atteint, avant partage de responsabilité, la somme de 96.454, 07 euros ; que dès lors, compte-tenu du partage de responsabilité précité, les appelants sont fondés à demander que la Cour réforme le jugement attaqué et condamne l'Etat à leur verser la somme de 48.227, 04 euros (316.348, 61 F) à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 février 1999 ;

Sur l'allocation d'une provision de 15.000 euros :

Considérant que le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions indemnitaires des époux X, les conclusions susmentionnées à fin d'allocation d'une provision sont devenues sans objet ;

Sur les dépens :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que les appelants sont fondés à demander que la Cour annule l'article 3 du jugement attaqué qui met à leur charge les frais de l'expertise de première instance de M. Brunet, liquidés à 11.698, 20 F ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat (ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer), partie condamnée par le présent arrêt, à rembourser aux époux X une telle somme de 11.698, 20 F (1.783, 38 euros) ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat (au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer), partie condamnée par le présent arrêt, les frais de l'expertise de l'instance d'appel tels qu'ils ont été liquidés à 9.503, 95 euros par l'ordonnance du 18 novembre 2003 du Président de la Cour ;

Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat (ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ) à verser aux appelants la somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : L'Etat (ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer) est condamné à verser à M. et Mme X la somme de 48.227,04 euros (quarante-huit mille deux cent vingt sept euros et quatre centimes), augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 février 1999, en réparation de l'aggravation des dommages affectant leur propriété susvisée.

Article 2 : L'Etat (ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer) est condamné à rembourser à M. et Mme X la somme de 1.783, 38 euros (mille sept cent quatre vingt trois euros et trente huit centimes) correspondant aux frais d'expertise de première instance mis à leur charge par l'article 3 du jugement attaqué.

Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés à 9.503, 95 euros (neuf mille cinq cent trois euros et quatre vingt quinze centimes) par ordonnance du 18 novembre 2003 du Président de la Cour, sont mis à la charge de l'Etat (ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer).

Article 4 : L'Etat (ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer) est condamné à verser à M. et Mme X la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre de leurs frais exposés non compris dans les dépens.

Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme X tendant à l'allocation d'une provision de 15.000 euros (quinze mille euros).

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête n° 99MA00262 de M. et Mme X est rejeté.

Article 7 : Le jugement attaqué du Tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N° 99MA00262 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA00262
Date de la décision : 27/06/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Evelyne PAIX
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : PISELLA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-06-27;99ma00262 ?
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