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23/06/2005 | FRANCE | N°02MA02347

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 23 juin 2005, 02MA02347


Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2002, présentée pour

M. Yves Z... - et Mme A... , élisant domicile ..., par Me X... ; M. et Mme demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9502592 en date du 24 octobre 2002 par lequel le Tribunal de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation du centre hospitalier de Perpignan à réparer les conséquences dommageables de la fourniture de produits sanguins viciés par le virus de Creutzfeldt-Jakob ;

2°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise ;

3°) à titre subsidiaire, d

e condamner solidairement l'établissement français du sang et la société Baxter à verser ...

Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2002, présentée pour

M. Yves Z... - et Mme A... , élisant domicile ..., par Me X... ; M. et Mme demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9502592 en date du 24 octobre 2002 par lequel le Tribunal de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation du centre hospitalier de Perpignan à réparer les conséquences dommageables de la fourniture de produits sanguins viciés par le virus de Creutzfeldt-Jakob ;

2°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement l'établissement français du sang et la société Baxter à verser à M. B... la somme de 152 449,02 euros et à

Mme A... la somme de 15 244,90 euros en réparation des préjudices moraux et psychiques résultant des fautes commises ;

4°) de condamner solidairement l'établissement français du sang et la société Baxter à leur verser la somme de 8 000 euros en remboursement de leur frais d'instance non compris dans les dépens ;

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Vu la loi n° 93-5 du 4 janvier 1993, et notamment son article 11 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 2005 :

- le rapport de M. Bourrachot, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;

Sur la compétence du juge administratif :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1222-1 du code de la santé publique : « L'Etablissement français du sang est un établissement public de l'Etat, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Cet établissement veille à la satisfaction des besoins en matière de produits sanguins labiles et à l'adaptation de l'activité transfusionnelle aux évolutions médicales, scientifiques et technologiques dans le respect des principes éthiques. Il organise sur l'ensemble du territoire national les activités de collecte du sang, de préparation et de qualification des produits sanguins labiles, ainsi que leur distribution aux établissements de santé. Il est notamment chargé : 1°) De gérer le service public transfusionnel et ses activités annexes, dans le respect des conditions de sécurité définies par le présent code ; 2°) De promouvoir le don du sang, les conditions de sa bonne utilisation et de veiller au strict respect des principes éthiques par l'ensemble de la chaîne transfusionnelle ... » ; que l'établissement français du sang a, en outre, pour mission d'assurer la qualité au sein des établissements de transfusion sanguine, de transmettre les données relatives à la sécurité sanitaire dans le cadre du réseau d'hémovigilance, d'élaborer et de mettre en oeuvre des schémas d'organisation de la transfusion sanguine et de participer à l'organisation des secours en cas de catastrophe nationale ou internationale. Il assure les missions exercées précédemment par l'agence française du sang, établissement public administratif qui était chargé, en vertu de la loi du 4 janvier 1993, de contribuer à la définition et à l'application de la politique de transfusion sanguine, de coordonner et de contrôler l'activité et la gestion des établissements de transfusion sanguine, d'assurer des missions d'intérêt général afin de garantir à la fois la plus grande sécurité possible et la satisfaction des besoins en matière de transfusion sanguine et de favoriser l'adaptation de l'activité transfusionnelle aux évolutions médicales, scientifiques et technologiques, dans le respect des principes éthiques ; que le monopole du service public transfusionnel ainsi confié à l'établissement français du sang s'exerce dans le respect des règles fixées par l'article L. 1221-1 du code de la santé publique selon lesquelles la transfusion sanguine s'effectue dans l'intérêt du receveur et relève des principes éthiques du bénévolat, de l'anonymat des dons et de l'absence de profit ; qu'il est destiné à assurer dans ce cadre la meilleure sécurité sanitaire possible dans la collecte du sang, la préparation des produits sanguins et leur distribution aux établissements de santé ; que cette mission de santé publique se rattache par son objet au service public administratif, alors même qu'une part importante des ressources de l'établissement français du sang est constituée par la cession de produits sanguins labiles et que le régime administratif, budgétaire, financier et comptable de cet établissement, précisé par le décret n° 99-143 du 29 décembre 1999, fait application de règles adaptées à la nature particulière de ses missions et qui peuvent être semblables à celles généralement appliquées aux établissements publics industriels et commerciaux ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que les litiges relatifs à la réparation des conséquences dommageables des transfusions sanguines réalisées depuis le

1er janvier 2000 relèvent, eu égard à la nature administrative du service public transfusionnel assuré depuis cette date par l'établissement français du sang, de la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant, d'autre part, que le droit à réparation des dommages causés par une transfusion sanguine s'ouvre à la date à laquelle cette transfusion est réalisée ; que c'est à cette même date que s'apprécie la compétence juridictionnelle pour trancher un litige ayant trait à la réparation des dommages causés à la victime par la transfusion sanguin ; que la compétence juridictionnelle ainsi fixée ne peut être modifiée par la circonstance que, postérieurement à la date du fait générateur des dommages, la responsabilité de la réparation de ceux-ci est transférée à une autre personne ;

Considérant que les produits auxquels M. - impute sa possible contamination par l'agent de la maladie de Creutzfeldt-Jacob ont été élaborés par la société Baxter, personne morale de droit privé, et administrés en 1993, 1996 et 1997 ; que, dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions dirigées contre la société Baxter comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Considérant qu'il y a également lieu de rejeter comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions de la requête dirigées contre l'établissement français du sang en tant qu'il est soutenu qu'il a nécessairement succédé à la société Baxter et au centre national de transfusion sanguine, dans les conséquences dommageables de l'administration des produits que la société a élaborés et que le centre national a importés ;

Sur la responsabilité et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de réclamation préalable :

En ce qui concerne la faute consistant à avoir importé des produits viciés :

Considérant que les requérants soutiennent que le fait pour le centre de transfusion sanguine de Perpignan d'avoir fourni des produits viciés par l'agent de la maladie de Creutzfeldt-Jakob tant en méconnaissance d'une circulaire de la direction générale de la santé du 30 décembre 1992, d'une circulaire de l'agence française du sang du 23 décembre 1992, d'une circulaire de la direction générale de la santé du 15 juillet 1993 et d'une note de l'agence française du sang du 12 novembre 1993 qu'en violation du principe de précaution, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement français du sang venant aux droits du centre hospitalier de Perpignan dont dépendait le centre départemental de transfusion sanguine des Pyrénées-Orientales ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, notamment d'une lettre de l'agence du médicament du 10 juin 1997 que les produits litigieux ont été importés par le centre national de transfusion sanguine sous l'appellation de Bio-Transfusion ; que cette importation a été autorisée une première fois par le ministre de la Santé le 15 juin 1993 ; que le centre départemental de transfusion sanguine des Pyrénées-Orientales n'ayant pas la qualité d'importateur des produits, la responsabilité de l'établissement français du sang ne peut être engagée de ce fait ;

En qui concerne le défaut d'information sur les risques encourus :

Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant qu'il est constant que le centre départemental de transfusion sanguine des Pyrénées-Orientales n'a pas prescrit les produits auxquels M. - impute sa possible contamination par l'agent de la maladie de Creutzfeldt-Jacob ; que, par suite, sa responsabilité ne peut être engagée, sur le fondement de la faute, du fait que M. - aurait été privé d'une chance de se soustraire à la contamination ;

En qui concerne la responsabilité sans faute :

Considérant qu'en vertu de la loi du 21 janvier 1952, modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est ainsi confiée par la loi qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ; qu'ainsi le préjudice résultant pour un malade de sa contamination par des produits sanguins transfusés est imputable à la personne morale publique ou privée dont relève le centre de transfusion sanguine qui a élaboré les produits utilisés ;

Considérant qu'il est constant que les produits auxquels M. - impute sa possible contamination par l'agent de la maladie de Creutzfeldt-Jacob ont été élaborés par la société Baxter ; que le centre départemental de transfusion sanguine des Pyrénées-Orientales, n'ayant élaboré aucun des produits litigieux la responsabilité sans faute de l'établissement français du sang ne peut être recherché ;

Considérant que, sans qu'il soit besoin de décider une nouvelle expertise, il résulte de tout ce qui précède que M. - et Mme ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes d'indemnités ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'établissement français du sang et la société Baxter qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, soient condamnés à payer aux requérants une somme quelconque au titre des frais exposés ceux-ci et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'établissement français du sang et de la société Baxter tendant au remboursement des frais exposés par ceux-ci et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête dirigées contre l'établissement français du sang en tant qu'il est soutenu qu'il a nécessairement succédé à la société Baxter et au centre national de transfusion sanguine dans les conséquences dommageables de l'administration des produits élaborés par cette société et importés par le centre national de transfusion sanguine sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Yves Z... -,

à Mme A... , à l'établissement français du sang, à la société Baxter France, à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénés-Orientales, au centre hospitalier général de Perpignan et au ministre de la santé et des solidarités.

Copie en sera adressée à la SCP Corinne X... et Philippe X..., au cabinet d'avocats Simmons et Simmons, à Me Y... et au préfet des Pyrénées-Orientales.

N° 0202347 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA02347
Date de la décision : 23/06/2005
Sens de l'arrêt : Rejet - incompétence
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : SCP CORINNE CANO ET PHILIPPE CANO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-06-23;02ma02347 ?
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