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25/03/2005 | FRANCE | N°02MA00049

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 25 mars 2005, 02MA00049


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 11 janvier 2002, présentée par la SCP Ferrandini, Tomasi, Santini, Gionnangeli, Vaccarezza, Donati, avocats, pour la COMMUNE DE CORTE ;

Elle demande que la Cour :

1°) réforme le jugement du 18 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Bastia l'a condamnée a) à verser la somme de 190.000 F à Mme Marie-France X en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont elle a été victime le 21 janvier 1997, b) à verser la somme de 117.968, 20 F à la caisse primaire

d'assurance maladie de Haute-Corse en remboursement des prestations qu'ell...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 11 janvier 2002, présentée par la SCP Ferrandini, Tomasi, Santini, Gionnangeli, Vaccarezza, Donati, avocats, pour la COMMUNE DE CORTE ;

Elle demande que la Cour :

1°) réforme le jugement du 18 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Bastia l'a condamnée a) à verser la somme de 190.000 F à Mme Marie-France X en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont elle a été victime le 21 janvier 1997, b) à verser la somme de 117.968, 20 F à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse en remboursement des prestations qu'elle a servies à Mme X, c) à rembourser à l'Etat les frais d'expertise avancés au titre de l'aide juridictionnelle totale accordée à Mme X ;

2°) prononce le sursis à l'exécution dudit jugement du 18 octobre 2001 ;

3°) condamne Mme X à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de ses frais exposés et non compris les dépens ;

............................

Vu les pièces complémentaires, enregistrées le 20 décembre 2004, déposées par Me Retali pour Mme X ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2005 :

- le rapport de M. Brossier, premier conseiller,

- les observations orales de Me Taddei, substituant la SCP Tomasi, Santini, Vaccarezza, Donati pour la COMMUNE DE CORTE,

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué du 18 octobre 2001, le Tribunal administratif de Bastia a déclaré la COMMUNE DE CORTE entièrement responsable, pour défaut d'entretien normal de la voie publique, des conséquences dommageables de l'accident dont Mme Marie-France X a été victime le 21 janvier 1997 vers 16 heures, alors qu'elle empruntait à pied le chemin de Colombo pour renter chez elle ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que la COMMUNE DE CORTE invoque la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle de première instance, motif pris de l'absence de communication des rapports d'expertise sur lesquels s'est appuyé le tribunal pour estimer le montant total du préjudice indemnisable à 307.968, 20 F ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le rapport d'expertise déposé le 30 novembre 1998 par le docteur Y, désigné par ordonnance de référé du 18 juin 1998, et le rapport d'expertise complémentaire déposé le 30 juin 1999 par le docteur Z, désigné par ordonnance de référé du 9 mars 1999, aient été effectivement communiqués à la commune ; qu'il y a lieu par suite d'annuler le jugement attaqué pour vice de procédure ;

Considérant que la Cour ayant communiqué aux parties les deux rapports d'expertise susmentionnés, l'affaire est en état d'être jugée ; qu'il y a lieu de l'évoquer pour y statuer immédiatement ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune :

Considérant que la COMMUNE DE CORTE soutient que le chemin sur lequel a eu lieu l'accident litigieux blessant Mme X n'appartiendrait pas au domaine public communal, motif pris de ce que ce chemin, cadastré selon elle section AL numéro 37, aurait été cédé par la commune et que, par suite, les conclusions indemnitaires de Mme X auraient dû être dirigées contre l'Etat ou l'université de Corse ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le chemin sur lequel a eu lieu l'accident litigieux n'est pas le chemin cadastré section AL numéro 37, mais le chemin dénommé chemin de Colombo , qui part du lieu-dit faubourg Saint-Antoine et qui appartient au domaine public communal ; qu'il s'ensuit que la commune n'est pas fondée à soutenir que les conclusions de Mme X auraient été mal dirigées ;

Sur la responsabilité :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du constat d'huissier du 12 février 1997 et des photographies jointes, que le lieu de l'accident, situé dans la partie du chemin de Colombo proche du lieu-dit faubourg St-Antoine , ne peut être regardé comme un simple sentier, mais comme une voie publique ouverte à la circulation des piétons sur le territoire de la COMMUNE DE CORTE ; que la commune n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'entretien de cette voie communale, compte-tenu du caractère anormal des défectuosités affectant le revêtement de cet ouvrage et de l'absence de toute remise en état ; que, dans ces conditions, la responsabilité de la COMMUNE DE CORTE est engagée pour défaut d'entretien normal de la voie publique ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que, s'il est exact que ledit chemin de Colombo présentait à l'endroit même de l'accident des défectuosités sur une vaste surface, ces difficultés ne peuvent être regardées comme conférant audit chemin un caractère infranchissable pour un piéton ; qu'il est constant que Mme X empruntait quotidiennement cette voie, connaissait ainsi les risques encourus et que l'accident a eu lieu en plein jour ; que, dans ces conditions, la COMMUNE DE CORTE est fondée à soutenir que le fait de la victime l'exonère partiellement de sa responsabilité ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en laissant à la charge de la COMMUNE DE CORTE les trois quarts des conséquences dommageables de l'accident dont s'agit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à demander la condamnation de la COMMUNE DE CORTE à lui réparer les trois quarts des conséquences dommageables de son accident pour défaut d'entretien normal du chemin communal de Colombo ;

Sur les préjudices :

Considérant que Mme X demande la condamnation de la COMMUNE DE CORTE à lui verser la somme globale de 461.123 F (70.297, 75 euros) en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise susmentionnés, que les souffrances physiques, évaluées à 4, 5 sur une échelle de 7, doivent être qualifiées de moyennes à importantes ; qu'il sera accordé une juste réparation de ce chef de préjudice en condamnant la COMMUNE DE CORTE à verser à Mme X la somme de 40.000 F (6.097, 96 euros) ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise susmentionnés, que les séquelles conservées par l'intéressée, alors âgée de 56 ans, ont entraîné une incapacité permanente partielle (I.P.P.) de 27 % et un préjudice esthétique très léger ; que Mme X se contente par ailleurs d'invoquer un syndrome anxio-dépressif sans l'établir sérieusement ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence de Mme X, y compris le préjudice d'agrément, en les évaluant à la somme de 150.000 F (22.867, 35 euros), dont 80 % pour les troubles physiologiques ;

Considérant, en troisième lieu, que la demande d'indemnisation de 61.123 F sollicitée par Mme X au titre de ses pertes de revenus, du fait d'une incapacité temporaire totale (I.T.T.) de vingt mois et quinze jours, doit être rejetée comme insuffisamment établie, dès lors que l'intéressée, qui se contente de produire un bulletin hospitalier de traitement de janvier 1993 et deux bulletins de salaire d'août et septembre 1996 en tant qu'aide à domicile, n'apporte aucun élément de nature à démontrer sérieusement l'exercice d'une activité professionnelle, notamment d'aide-soignante, à la date de l'accident en litige ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'état de notification de débours produit par la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse, que le montant des prestations qu'elle a avancées s'élève à la somme de 117.968, 20 F (17.984, 14 euros) ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total des préjudices corporels subis par Mme X s'élève à la somme de 46.949, 45 euros (307.968, 20 F) ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la COMMUNE DE CORTE les trois quarts de cette somme, soit 35.212, 09 euros (230.976, 15 F) ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse et de Mme X :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : Si la responsabilité du tiers auteur de l'accident est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d' indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément (...) ;

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse justifie avoir déboursé un montant total de prestations de 17.984, 14 euros (117.968, 20 F) ; que la dite caisse est dès lors fondée à demander le remboursement des prestations qu'elle a dû verser, dans la limite de la somme susmentionnée de 35.212, 09 euros (230.976, 15 F) et à l'exclusion de la part d'indemnité de caractère personnel de Mme X d'un montant de 52.500 F (8.003, 57 euros) ; que cette part d'indemnité de caractère personnel correspond en effet aux trois quarts des sommes de 40.000 F (6.097, 96 euros) et de 30.000 F (4.573, 47 euros) consacrées respectivement à l'indemnisation des souffrances physique endurées et à la part non physiologique des troubles dans les conditions d'existence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse est fondée à demander que la Cour condamne la COMMUNE DE CORTE à lui verser la somme de 17.984, 14 euros (117.968, 20 F) ; que les droits de ladite caisse ainsi déterminés absorbant partiellement la somme susmentionnée de 35.212, 09 euros (230.976, 15 F), Mme X ne peut prétendre qu'au paiement de la différence d'un montant de 17.227, 95 euros (113.007, 94 F) ; qu'elle est, dans ces conditions, fondée à demander que la Cour condamne la COMMUNE DE CORTE à lui verser cette somme ;

Sur les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article R.761-1 du code de justice administrative : Les dépens (...) sont mis à la charge de la partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre l'intégralité des dépens à la charge de la COMMUNE DE CORTE, et de condamner par suite celle-ci à rembourser à l'Etat la somme de 3.200 F, qui correspond aux frais d'expertise liquidés par ordonnances du président du Tribunal administratif de Bastia des 8 décembre 1998 et 27 juillet 1999, et que l'Etat a avancés au titre de l'aide juridictionnelle totale accordée à Mme X ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

Considérant que le présent arrêt annulant le jugement attaqué et statuant sur le fond du litige, les conclusions susvisées à fin de sursis à exécution sont devenus sans objet ;

Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis aux juges ; que les conclusions présentées à ce titre par la COMMUNE DE CORTE doivent dès lors être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner, sur le fondement de l'article précité, la COMMUNE DE CORTE à rembourser à l'Etat le montant des frais exposés et non compris dans les dépens qu'il a avancés au titre de l'aide juridictionnelle totale accordée à Mme X ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement attaqué du Tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la COMMUNE DE CORTE aux fins de sursis à exécution dudit jugement.

Article 3 : La COMMUNE DE CORTE est condamnée à verser à Mme X la somme de 17.227, 95 euros (113.007, 94 F) en réparation de ses préjudices.

Article 4 : La COMMUNE DE CORTE est condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse la somme de 17.984, 14 euros (117.968, 20 F) en réparation de ses préjudices.

Article 5 : La COMMUNE DE CORTE remboursera à l'Etat les frais d'expertise que ce dernier a avancés au titre de l'aide juridictionnelle totale accordée à Mme X.

Article 6 : La COMMUNE DE CORTE remboursera à l'Etat les frais exposés et non compris dans les dépens que ce dernier a avancés au titre de l'aide juridictionnelle totale accordée à Mme X.

Article 7 : Les conclusions de la COMMUNE DE CORTE tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 8 : Le surplus des conclusions de Mme X est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE CORTE, à Mme X, à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

..............

N° 02MA00049 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA00049
Date de la décision : 25/03/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-DONATI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-03-25;02ma00049 ?
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