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24/03/2005 | FRANCE | N°03MA00133

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 24 mars 2005, 03MA00133


Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2003, présentée pour M. et Mme Xavier X, par Me Julia, élisant domicile ... ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9705258 en date du 13 décembre 2002, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur requête tendant à la réparation par le centre hospitalier de Cannes des préjudices subis à la suite de l'accouchement de Mme X et de la naissance de leur fille le 5 juillet 1992 ;

2°) à titre principal, de juger le rapport d'expertise déposé en première instance nul de plein droit et de

désigner un expert en imagerie néo et périnatale ; à titre subsidiaire, de décl...

Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2003, présentée pour M. et Mme Xavier X, par Me Julia, élisant domicile ... ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9705258 en date du 13 décembre 2002, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur requête tendant à la réparation par le centre hospitalier de Cannes des préjudices subis à la suite de l'accouchement de Mme X et de la naissance de leur fille le 5 juillet 1992 ;

2°) à titre principal, de juger le rapport d'expertise déposé en première instance nul de plein droit et de désigner un expert en imagerie néo et périnatale ; à titre subsidiaire, de déclarer le centre hospitalier de Cannes responsable de la pathologie présentée par leur fille et de le condamner à leur payer, d'une part, en qualité d'administrateurs légaux des biens de leur enfant, la somme de 457 347,05 euros qui devra être réévaluée en 2007, et d'autre part, en leur nom personnel, une indemnité de 152 449,02 euros au titre de leur préjudice moral et de la compensation des soins qu'ils ont dû apporter à leur fille grabataire ; de dire que ces sommes porteront intérêts à compter du 23 décembre 1997 et que lesdits intérêts seront capitalisés chaque année en application de l'article 1154 du code civil ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Cannes à leur payer la somme de 10 000 euros au titre des frais d'instance ainsi qu'aux entiers dépens ;

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Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

En application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que le jugement paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2005,

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;

- les observations de Me Jégu substituant Me Julia pour M. et Mme X et Me Pesseguier substituant Me Borra de la SCP Cohen Borra et Faure pour la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes ;

- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X a été admise à la maternité du centre hospitalier de Cannes le 3 juillet 1992 à 23 heures pour y accoucher ; que la fille de M. et Mme X est née le 5 juillet 1992 à 10 heures 40 et est atteinte d'une grave encéphalopathie qui l'invalide à 100% ; que ses parents font appel du jugement du Tribunal administratif de Nice qui a rejeté leur requête tendant à la réparation de leurs préjudices et celui de leur enfant ;

Sur la régularité de l'expertise :

Considérant que l'absence d'organisation par l'expert, nommé le 1er mars 2001 par le président du Tribunal administratif de Nice, de la réunion sollicitée par les époux X en présence des parties avec l'assistance du professeur de médecine qu'ils avaient préalablement consulté pour l'analyse des examens tomodensitométriques de leur enfant, n'est pas de nature à elle seule d'entacher d'irrégularité l'ensemble des opérations d'expertise, dès lors que cet accédit n'était pas imposé par la mission d'expertise et qu'il résulte de l'instruction que le professeur Milliez a eu connaissance des observations dudit professeur ;

Sur la motivation du jugement :

Considérant que les requérants soutiennent que la motivation du jugement est critiquable dès lors que les premiers juges, après avoir relevé des manquements aux règles de l'art dans les soins dispensés à Mme X, ont cependant refusé d'admettre la responsabilité de l'hôpital ; que toutefois, il résulte de l'instruction que les manquements aux règles de l'art observés, telle l'interruption du monitorage en salle de travail de 9 heures à 10 heures 15 par la sage femme et l'injection d'ocytocine sans surveillance, ne se trouvent pas à l'origine du handicap de l'enfant des époux X dès lors qu'aucune souffrance foetale n'a été signalée sur le tracé de 7 heures 20 et qu'il est inconcevable qu'une telle souffrance, nécessairement très profonde puisqu'elle aurait gravement altéré le cerveau du foetus, ait été réversible et qu'elle ne se soit pas manifestée dès la repose du monitorage à 10 heures 15 ; que, par suite, le jugement critiqué ne comporte pas de contradiction de motifs ;

Sur la responsabilité :

Considérant que les époux X imputent l'état de leur fille à des souffrances foetales et neurologiques pendant le travail et l'accouchement ; qu'il résulte de l'instruction que lendemain de son admission, soit le 4 juillet 1992, il a été prescrit à Mme X un ovule vaginal antibiotique suite à la rupture des membranes de l'oeuf, que les tracés du monitoring montraient un rythme cardiaque normal de l'enfant à 14 heures 50 et à 4 heures du matin le 5 juillet 1992 ; que le lendemain, à 7 heures du matin, l'enfant était tachycarde compte tenu du col en voie de dilatation ; que la température de la parturiente, contrôlée à 8 heures 30, était de 38°2, qu'elle a été transférée en salle de travail à 9 heures alors que le liquide amniotique était encore clair ; qu'une perfusion d'ocytocine, destinée à régulariser ses contractions utérines lui a alors été prescrite ; que le liquide amniotique est brusquement devenu méconial et des prélèvements sanguins effectués révéleront plus tard de forts indices en faveur d'une infection materno-foetale ; que le monitorage n'a pas été reposé lors de son entrée en salle de travail mais seulement à 10 heures 15 ; que le tracé se révèlera alors normal pendant une durée de quinze minutes pour ensuite montrer des ralentissements du rythme cardiaque de l'enfant pendant la période d'expulsion jusqu'à la naissance qui aura lieu à 10 heures 40 ; que l'état de l'enfant n'a pas nécessité de gestes de réanimation et les examens bactériologiques prescrits révéleront la présence tant chez la mère que chez le nouveau-né d'une infection à escherichia coli qui justifiera une hospitalisation de ce dernier en service pédiatrique ; qu'un traitement antibiotique a été donné à la mère et à l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une infection foetale puis néonatale à colibacille ne peut expliquer, sans un ensemble d'autres circonstances constitutives d'un tel diagnostic, une encéphalopathie ischémique à l'origine d'un handicap psychomoteur aussi sévère que celui dont est atteint l'enfant X ; que si l'émission de méconium, hormis les infections materno-foetales, témoigne habituellement d'une souffrance foetale aiguë du foetus, la souffrance aiguë du foetus au sens d'une asphyxie foetale a pour autre signe un ralentissement du rythme cardiaque étendu sur une période d'une demi-heure à une heure, voire deux heures pour provoquer des lésions neurologiques néonatales ; qu'en l'espèce, tel n'est pas le cas, malgré l'absence regrettable de pose de monitoring entre 9 heures et 10 heures 15 dès lors qu'une telle souffrance foetale aiguë responsable des graves lésions neurologiques constatées aurait été signalée dès le tracé de 7 heures 20 et qu'il ne peut être concevable que cette souffrance, nécessairement profonde, ait été réversible et qu'elle ne se soit pas manifestée ainsi dès la repose du monitorage à 10 heures 15 ; que la période aveugle critiquable n'a pu masquer ainsi une asphyxie foetale de la gravité de celle susceptible de provoquer une porencéphalie ; que, d'autre part, l'injection d'ocytocine effectuée à 9 heures, aussi critiquable soit-elle compte tenu de l'absence de surveillance après son administration, ne peut être à l'origine d'une telle asphyxie foetale eu égard à la faiblesse de la dose prescrite pour engendrer des conséquences aussi dommageables ; qu'il résulte également de l'instruction, qu'il n'y avait pas lieu d'intervenir artificiellement ou de recourir à la pratique d'une césarienne et qu'une telle pratique aurait permis d'éviter de telles conséquences ; qu'enfin, le score de vitalité néonatal de l'enfant de 7 puis de 9 respectivement à une et cinq minutes de vie, par conséquent supérieur à 6, exclut une asphyxie foetale, laquelle aurait nécessité une active réanimation ; que si les requérants font valoir que le score de 5 aurait dû être retenu compte tenu de l'extrême pâleur de leur enfant, il résulte cependant des rapports d'expertise qu'aucun geste de réanimation n'a été nécessaire ; qu'aucune faute dans le déclenchement du travail, ni dans sa surveillance ni dans le choix de la délivrance par les voies naturelles non plus que dans un diagnostic éventuellement trop tardif de l'infection materno-foetale ne sont en relation directe et certaine avec la porencéphalie de l'enfant et son profond handicap neurologique ; que, comme l'a relevé le tribunal, la seconde expertise, corrobore les appréciations du chef de service hospitalier de gynécologie obstétrique et du chef de service hospitalier de néonatalogie à Lyon, auteurs de la première expertise judiciaire qui n'avait révélé aucune suspicion de souffrance foetale avant le travail ni au cours de celui-ci, de nature à justifier une césarienne prophylactique ou en urgence, ni aucune souffrance foetale sévère au moment de l'expulsion ; qu'en l'absence d'éléments d'information médicale de nature à remettre en cause sérieusement les deux expertises judiciaires successives, il y a lieu, par suite, de confirmer que l'origine périnatale de la grave encéphalopathie avec un retard psychomoteur majeur de l'enfant de M. et Mme X n'apparaît pas imputable à une faute commise à l'occasion du séjour de Mme X et de l'accouchement pratiqué à la maternité du centre hospitalier de Cannes ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de recourir à une nouvelle expertise, que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande ; que les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Cannes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. et Mme X la somme de 10 000 euros qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions du même article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner M. et Mme X à payer au centre hospitalier de Cannes la somme de 3 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Cannes sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Xavier X, au centre hospitalier de Cannes et à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes.

Copie sera adressée à Me Julia, à Me Abeille, à Me Borra de la SCP Cohen Borra et Faure, au préfet des Alpes-Maritimes et au ministre des solidarités, de la famille et de la santé.

N° 030133 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 03MA00133
Date de la décision : 24/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : JULIA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-03-24;03ma00133 ?
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