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14/03/2005 | FRANCE | N°98MA01597

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 14 mars 2005, 98MA01597


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 9 septembre 1998, sous le n° 98MA01597, présentée par la SCP Donati, Ferrandini, Tomasi, Santini, Ferrandini, avocats, pour la société « LES CASTORS », dont le siège est ..., représentée par son président en exercice ;

La société « LES CASTORS » demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement du 11 juin 1998 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes indemnitaires dirigées contre l'Etat, la commune de Calvi et la Collectivité territoriale de Corse,

et a mis à sa charge des frais d'expertise pour un montant de 30.111, 05 F ;

2°/...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 9 septembre 1998, sous le n° 98MA01597, présentée par la SCP Donati, Ferrandini, Tomasi, Santini, Ferrandini, avocats, pour la société « LES CASTORS », dont le siège est ..., représentée par son président en exercice ;

La société « LES CASTORS » demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement du 11 juin 1998 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes indemnitaires dirigées contre l'Etat, la commune de Calvi et la Collectivité territoriale de Corse, et a mis à sa charge des frais d'expertise pour un montant de 30.111, 05 F ;

2°/ de condamner ces collectivités, ainsi que le département de Haute Corse, à lui verser 698.829 F hors taxes en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'inondations ;

3°/ de condamner les mêmes au versement de 20.000 F au titre de ses frais de procédure, ainsi qu'aux dépens incluant les frais d'expertise ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu la loi N° 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2005 :

- le rapport de M. Gonzales, président assesseur,

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement.

Sur le principe de la responsabilité :

Considérant que la société LES CASTORS exploite depuis 1966 un complexe hôtelier à Calvi, dans une zone qui formait une cuvette marécageuse au XIXème siècle, infestée de moustiques, et qui a été assainie depuis lors par des canaux d'assèchement des terres réalisés entre 1853 et 1913 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les conditions d'entretien de ces canaux existant à l'époque de l'installation de la société requérante, cette cuvette aurait, du seul fait de sa configuration, présenté un caractère inondable, même en période de fortes intempéries ; que dans ces conditions ladite société, qui n'a eu à souffrir d'inondations qu'à partir de 1987, est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, saisi d'une demande indemnitaire au titre des dommages qu'elle a subis, a rejetée cette demande au motif qu'elle ne pouvait ignorer les risques d'inondations de la zone ; que cette dernière est en effet devenue sujette à de tels risques en raison de l'urbanisation qui s'est diffusée progressivement sur place et du fait que les canaux, qui n'avaient à l'origine d'autre objet que l'éradication des moustiques, ont servi également d'exutoire pour le trop-plein d'un canal d'irrigation, ainsi que pour les eaux de ruissellement résultant de cette urbanisation ; qu'en outre, le busage de certains équipements accessoires des canaux réalisés depuis lors, et un défaut d'entretien caractérisé de ces canaux, ont contribué à réduire considérablement le débit des eaux, les rendant impropres à leur usage normal compte tenu de leur nouvelle destination ; que la société LES CASTORS, qui a la qualité de tiers par rapport à ces ouvrages, est donc fondée à prétendre à l'indemnisation des conséquences dommageables des inondations qu'elle a subies les 30 novembre 1987, 13 juin 1994, 31 décembre 1995 et 21 septembre 1996, lesquelles doivent être regardées comme directement imputables aux dysfonctionnements de ces canaux et de leurs ouvrages accessoires ;

Sur l'imputation des désordres :

Considérant que devant le tribunal administratif, la société LES CASTORS s'est bornée à demander la condamnation de chacune des collectivités publiques qu'elle mettait en cause à réparer les désordres qui leur étaient respectivement imputés, et non leur condamnation solidaire ; que si, dans le dernier état de ses écritures d'appel, elle demande expressément leur condamnation solidaire à réparer l'intégralité de son préjudice, en faisant valoir que « la manière dont la Cour répartira les responsabilités lui importe peu », cette dernière demande présente le caractère d'une conclusion nouvelle en appel, qui la rend irrecevable ; qu'il y a donc lieu de la rejeter pour ce motif et, contrairement à ce que soutient cette société, de se prononcer sur la responsabilité propre à chaque collectivité publique mise en cause pour déterminer l'étendue de son préjudice indemnisable ;

Considérant à cet égard, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est pas démontré par la société LES CASTORS que les eaux de ruissellement en provenance de la route de Pietramaggiore, dont la commune de Calvi est maître d'ouvrage, qui sont directement recueillies depuis 1975 par le canal principal, auraient apporté une contribution significative aux inondations dont cette SCI a été victime, alors notamment qu'aucune inondation n'a été signalée entre 1975 et 1987 ; que, dans ces conditions, la responsabilité de la commune de Calvi n'est pas engagée envers la société LES CASTORS ; qu'il y a lieu, par suite, de mettre cette collectivité hors de cause ;

Considérant, en deuxième lieu, que la station de relevage créée en 1995 par la collectivité territoriale de Corse n'avait pas pour objet de remédier à d'éventuelles inondations dans la zone desservie par le réseau de canaux litigieux ; que le dysfonctionnement de cette station de relevage provoqué par l'inondation du 31 décembre 1995 n'a eu aucune incidence directe sur les dommages subis postérieurement à cette date par la société LES CASTORS ; qu'ainsi la responsabilité de la Collectivité territoriale de Corse n'est pas davantage engagée envers cette société ; que ladite collectivité territoriale doit être également mise hors de cause ;

Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les désordres litigieux puissent être rattachés à un ouvrage appartenant au département de Haute Corse ; que, par ailleurs, si le département assure depuis longtemps, mais sporadiquement, l'entretien du réseau des canaux dont l'Etat ne conteste pas être le maître d'ouvrage, suppléant ainsi à la carence de ce dernier dans sa propre obligation d'entretien, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que cette tâche constituerait pour autant une obligation légale pour cette collectivité, ou ait même fait l'objet d'un quelconque engagement de sa part vis-à-vis de l'Etat, lequel engagement ne saurait notamment résulter du contenu d'une lettre adressée le 21 juin 1988 par le président du conseil général à la société LES CASTORS, dont se prévaut à tort le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement dans son mémoire en défense ; que, dans ces conditions, les désordres litigieux ne pouvant être imputés à une activité dommageable du département de Haute Corse, cette collectivité territoriale doit aussi être mise hors de cause ;

Considérant, en revanche, que l'Etat doit être déclaré responsable de l'insuffisance du débit de son réseau de canaux résultant de leur mauvais entretien, aggravée par le faible calibre de l'ouvrage de couverture du canal principal à l'endroit de son franchissement par la route communale de Pietramaggiore, qui constitue un accessoire de ce canal ; que le mauvais état de ces ouvrages doit être regardé comme étant à l'origine directe des dommages subis par la société LES CASTORS les 30 novembre 1987, 13 juin 1994 31 décembre 1995 et 21 septembre 1996 ; que la responsabilité de l'Etat est à ce titre intégralement engagée envers cette société ;

Sur la réparation des désordres :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le préjudice global subi par la société LES CASTORS s'élève à 698.829 F (106.535, 79 euros) se décomposant ainsi : 63.214 F pour l'inondation de 1987, 47.637 F pour l'inondation de 1994 et 372.071 F pour celle de 1996 ; que cette société, qui a limité à la somme de 141.322, 80 F le montant de ses prétentions indemnitaires à l'encontre de l'Etat, est donc fondée à demander la condamnation de ce dernier à lui verser cette somme (21.544, 52 euros) ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que les sommes mises à la charge de l'Etat doivent être assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 1997, date à laquelle la société LES CASTORS a saisi le tribunal administratif de sa demande indemnitaire et non, comme elle le propose, à compter de la saisine du juge des référés aux fins d'expertise sur son préjudice, qui ne peut être assimilée à une réclamation indemnitaire ou à une sommation de payer ;

Considérant, par ailleurs, que cette société ayant demandé le 18 janvier 1999 la capitalisation des intérêts échus sur les sommes qui lui sont dues, alors que plus d'une année d'intérêts s'était écoulée, il convient de faire droit à cette demande tant à la date indiquée qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais et honoraires de l'expertise ordonnée le 25 octobre 1996, taxés et liquidés à la somme de 30.111, 50 F (4.590, 47 euros), à la charge définitive de l'Etat ;

Sur les appels en garantie :

Considérant que dès lors que la Collectivité territoriale de Corse est mise hors de cause, les appels en garantie qu'elle a formés contre la société Vendasi et contre l'Etat deviennent sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'une part, de condamner l'Etat à verser à ce titre 1.500 euros à la société LES CASTORS, d'autre part, de rejeter les conclusions de la Collectivité territoriale de Corse présentées sur le même fondement ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Bastia en date du 11 juin 1998 est annulé.

Article 2 : La Collectivité territoriale de Corse, le département de la Haute Corse et la commune de Calvi sont mis hors de cause.

Article 3 : L'Etat (ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement) est condamné à verser une indemnité de 21.544, 52 euros (vingt et un mille cinq cent quarante quatre euros et cinquante deux centimes) à la société LES CASTORS ; cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 mai 1997 ; les intérêts échus le 18 janvier 1999 seront capitalisés à cette date et à chacune des échéances suivantes pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Bastia le 25 octobre 1996, taxés et liquidés à la somme de 30.111, 50 F (trente mille cent onze francs et cinquante centimes), soit 4.590, 47 euros (quatre mille cinq cent quatre-vingt dix euros et quarante sept centimes) sont mis à la charge de l'Etat (ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement).

Article 5 : L'Etat (ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement) versera la somme de 1.500 euros (mille cinq cent euros) à la société LES CASTORS en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société LES CASTORS, à la société Vendasi, à la collectivité territoriale de Corse, à la commune de Calvi, au département de Haute Corse, et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Copie en sera délivrée à l'expert.

N° 98MA01597 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 98MA01597
Date de la décision : 14/03/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Serge GONZALES
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : SCP DONATI FERRANDINI TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-03-14;98ma01597 ?
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