Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2001, présentée pour M. Henri Y, élisant domicile ...) par Me Fessol et Me Burtez Doucede, avocats ; M. Y demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-8975 du 22 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision implicite de rejet par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui verser une indemnité de 30.192.625,94 F, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 1998 et d'autre part à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 7.035.003,94 F en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte aux droits acquis qu'il tenait d'une autorisation de lotissement délivrée le 14 mai 1964 ainsi qu'une indemnité de 23.157.222 F au titre de la perte de valeur vénale des terrains, outre les intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 1998 ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) d'ordonner la capitalisation des intérêts à la date de l'enregistrement de la requête ;
……………………………………………….
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 ;
Vu la Directive sur la protection et l'aménagement du littoral approuvée par le décret du 25 août 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 février 2005,
- le rapport de Mme Buccafurri, rapporteur ;
- les observations de Me Blanc de la SCP Blanc-Burtez-Doucede pour M. Y ;
- et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Henri Y a été autorisé, par un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 14 mai 1964 à créer un lotissement comprenant 30 lots sur des terrains situés dans la Calanque de l'Anthénor sur le territoire de la commune d'Ensuès-la-Redonne ; que l'intéressé, estimant que les lots en cause, situés dans la bande des cents mètres du rivage, étaient devenus inconstructibles du fait de l'intervention de la directive sur la protection et l'aménagement du littoral approuvée par un décret du 25 août 1979 ainsi que de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, a saisi le Tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à ce que l'Etat soit condamné, sur le fondement des dispositions de l'article L.160-5 du code de l'urbanisme, à réparer le préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de l'atteinte aux droits acquis qu'il tenait de l'autorisation de lotir précitée et sollicitait le paiement d'une part d'une indemnité d'un montant de 7.035.003,94 F correspondant aux travaux de viabilité qu'il aurait effectués entre la date de l'autorisation de lotir susvisée et l'institution de la servitude d'urbanisme nouvelle et d'autre part une indemnité s'élevant à 23.157.222 F correspondant à la perte de valeur vénale des lots dont il est resté propriétaire soit 25 lots sur les trente concernés ; que, M. Henri Y demande l'annulation du jugement en date du 22 mars 2001 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.160-5 du code de l'urbanisme : « N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code ... et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et, en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte aux droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage matériel, direct et certain... » ;
Considérant que la décision par laquelle le préfet délivre à une personne une autorisation de lotissement ne présente pas un caractère réglementaire ; qu'elle est ainsi susceptible de créer des droits acquis au profit du bénéficiaire de ladite autorisation ; que, dans l'hypothèse où l'institution d'une servitude d'urbanisme est de nature à porter atteinte aux droits acquis par le bénéficiaire de ladite autorisation, ce dernier est en droit de demander, sur le fondement des dispositions législatives précitées, la réparation des préjudices directs, matériels et certains en résultant ;
Considérant que, postérieurement à la délivrance de l'autorisation de lotir délivrée le 14 mai 1964, M. Henri Y a été autorisé, en vertu d'un arrêté préfectoral en date du 28 juillet 1970, à vendre les lots en cause avant le complet achèvement des travaux ; que, si l'intéressé fait valoir qu'il a engagé entre 1965 et 1972 des travaux préparatoires et de viabilisation du lotissement et que cinq lots ont fait l'objet de ventes et de donations, il est constant qu'entre 1972 et 1989, date à laquelle il s'est vu opposer un refus de permis de construire sur l'un des 25 lots dont il était resté propriétaire, il n'a engagé aucune action tendant à la mise en oeuvre des droits qu'il détenait de l'autorisation de lotir dont il bénéficiait depuis 1964 et à la réalisation de laquelle la servitude d'urbanisme aurait pu être opposée ; qu'il suit de là que l'intéressé n'établit pas que l'absence de réalisation complète de l'opération de lotissement concernée résulterait de l'inconstructibilité des terrains en cause à raison de l'intervention de la directive d'aménagement du littoral de 1979 et de la loi du 3 janvier 1986 précitées ; que, par suite, ainsi que le soutient le ministre en appel, M. Henri Y n'établit pas le lien de causalité direct entre les préjudices allégués et l'institution de la servitude d'urbanisme incriminée ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de prescrire la mesure d'expertise sollicitée par l'intéressé, ce dernier n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Henri Y est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Henri Y, à M. Mielle et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
N° 01MA01299 2
alr