Vu la requête, enregistrée au greffe le 7 juin 2000, présentée par Me X... pour la société SA CARILLION BTP - NICOLETTI, dont le siège est situé Zone Industrielle 1ère avenue à Carros le Broc (06510) ; Elle demande que la Cour :
1°) réforme le jugement en date du 24 mars 2000, notifié le 12 avril 2000, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'office public d'habitations de Nice et des Alpes-Maritimes (OPAM) à lui verser des intérêts moratoires dans le cadre du marché passé le 16 mai 1989 ;
2°) condamne l'office public à lui verser la somme de 1.375.628,21 francs TTC, représentant le montant des intérêts moratoires, augmentés de la majoration mensuelle de 2%, arrêté au 31 décembre 1994, ensemble condamne l'office public à lui verser les intérêts moratoires, augmentés de la majoration mensuelle de 2%, sur la somme de 254.499,30 francs, solde du marché, à compter de son exigibilité jusqu'au 15 mars 1995 ;
3°) condamne l'office à lui verser les intérêts et les intérêts des intérêts ;
4°) condamne l'office public à lui verser la somme de 20.000 francs au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;
....................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976, modifié par le décret n° 76-625 du 5 juillet 1976, approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2004 :
- le rapport de M. Brossier, premier conseiller ;
- les observations orales de Me Z..., substituant Me Y..., pour l'office public d'habitations de Nice et des Alpes-Maritimes (OPAM) ;
- les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;
Sur les intérêts moratoires afférents aux acomptes du marché :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales, approuvé par le décret 76-87 du 21 janvier 1976 modifié et applicable au marché de travaux en litige : l'entrepreneur doit, dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'ouvrage revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de signer ... si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties sauf en ce qui concerne les intérêts moratoires ... si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, le motif de ce refus ou de ces réserves doit être exposé par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes litigieuses et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'ouvrage dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article ;
Considérant que les intérêts moratoires, dont ces dispositions permettent la discussion même après la signature du décompte général, sont exclusivement ceux qui courent, le cas échéant, sur le solde résultant de ce décompte ; que ces dispositions ne sauraient en revanche, eu égard au caractère définitif du décompte accepté, concerner les intérêts moratoires afférents à des acomptes inclus dans le décompte général ; qu'il résulte de l'instruction qu'une partie des intérêts moratoires en litige sont afférents à des acomptes inclus dans le décompte général du marché ; que dans ces conditions, et en application des dispositions précitées de l'article 13-44 du CCAG, la société SA CARILLION BTP - NICOLETTI devait, dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, exposer dans un mémoire de réclamation motivé et assorti des justifications nécessaires les raisons de ses réserves relatives aux intérêts moratoires afférents aux acomptes du marché ; que le décompte général définitif ayant été notifié le 25 mai 1994, le délai de quarante-cinq jours précité expirait le 10 juillet 1994 ; qu'il est constant que la société SA CARILLION BTP - NICOLETTI n'a formulé sa première réclamation, relative aux intérêts moratoires afférents aux acomptes du marché, que le 26 juillet 1994, dans un mémoire au demeurant non assorti de justifications suffisantes ; qu'il s'ensuit que la réclamation de la société SA CARILLION BTP - NICOLETTI relative aux intérêts moratoires en litige afférents aux acomptes du marché est tardive ; que, par suite, la société appelante SA CARILLION BTP - NICOLETTI n'est pas fondée à se plaindre que le Tribunal administratif de Nice, par le jugement attaqué, a rejeté ses conclusions comme entachées de forclusion au regard des délais prescrits par le cahier des clauses administratives générales, en tant que ces conclusions contestaient les intérêts moratoires afférents aux acomptes du marché ;
Sur les intérêts moratoires afférents au solde du marché :
Considérant en revanche que, comme cela a été dit, les dispositions précitées ne sont pas applicables aux intérêts moratoires afférents au solde du marché dont le montant en principal non contesté atteint la somme de 254.499,30 francs TTC ; qu'il résulte de l'instruction que la réclamation formée par l'appelante relative à l'ensemble de ses intérêts moratoires a donné lieu à une décision de refus de l'office public du 24 octobre 1994, dont l'appelante a eu connaissance au plus tard le 19 janvier 1995, date d'une nouvelle réclamation de sa part ; que la réponse de l'office public du 9 février 1995 fait état d'un rejet de paiement du 17 juin 1994 de la part du comptable public en ce qui concerne le montant susmentionné de 254.499,30 francs TTC ; que ce paiement du solde du principal a finalement eu lieu le 15 mars 1995 sans le versement des intérêts moratoires ; que, dans ces conditions, la demande de l'appelante, qui a saisi le tribunal le 19 mai 1995 dans le délai de recours contentieux de 6 mois prévu par les dispositions combinées des articles 50-22 et 50-32 du cahier des clauses administratives générales, approuvé par le décret 76-87 du 21 janvier 1976 modifié et applicable au marché de travaux en litige, ne peut être regardée comme tardive ; qu'il s'ensuit que l'appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nice, par le jugement attaqué, a rejeté comme entachées de forclusion, au regard des délais prescrits par le cahier des clauses administratives générales, ses conclusions contestant les intérêts moratoires afférents au solde du marché ; qu'elle est par suite fondée à demander que la Cour réforme le jugement attaqué ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions de la société appelante SA CARILLION BTP - NICOLETTI tendant au versement des intérêts moratoires afférents au solde du marché dont le montant en principal non contesté atteint la somme de 254.499,30 francs TTC ;
En ce qui concerne la créance d'intérêts moratoires :
Considérant qu'aux termes de l'article 11-7 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché de travaux en litige : L'entrepreneur a droit à des intérêts moratoires réglementaires en cas de retard dans les mandatements ; qu'il résulte de l'instruction que, si le montant du solde en principal de 254.499,30 francs TTC a été mandaté une première fois le 6 juin 1994 par l'ordonnateur, ce mandat a été rejeté par le comptable le 17 juin 1994 ; qu'aucun mandatement n'a été émis et accepté par le comptable avant le 10 juillet 1994, date limite du délai de mandatement à compter duquel courent les intérêts moratoires, soit 45 jours après la notification le 25 mai 1994 du décompte général et définitif, en application des dispositions combinées des articles 178 et 352 du code des marchés publics applicables au marché en litige ; qu'il s'ensuit que la société appelante est fondée, en application de ces dispositions, à demander que la Cour condamne l'office public à lui verser la créance d'intérêts moratoires, appliqués au taux légal sur la somme de 254.499,30 francs TTC, et portant sur la période courant de la date susmentionnée du 10 juillet 1994 au 15 mars 1995, date du paiement effectif de la somme de 254.499,30 francs TTC ;
En ce qui concerne la majoration de 2% pour non-paiement des intérêts moratoires avec le principal et la capitalisation des intérêts moratoires :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que lesdits intérêts moratoires n'ont pas été versés le 15 mars 1995, jour du paiement du principal ; qu'il y a lieu dès lors, en application des dispositions de l'article 178 du code des marchés publics applicable au marché de travaux en litige, d'appliquer sur ladite créance d'intérêts moratoires une majoration de 2 % par mois courant du mois de mars 1995, date du paiement du principal, au mois du paiement effectif des intérêts moratoires dus ;
Considérant, en revanche, que les majorations de retard sont exclusives de tout autre intérêt et que les sommes dues à ce titre ne pourraient constituer une créance productive d'intérêts au taux légal, sur le fondement de l'article 1153 du code civil, que dans le cas et à partir du jour où les intérêts moratoires ayant été payés sans les majorations de retard, celles-ci auraient cessé de courir ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les intérêts moratoires aient été payés ; qu'ainsi la demande de capitalisation des intérêts moratoires, formulée par l'appelante sur le fondement des articles 1153 et 1154 du code civil, doit être rejetée ;
Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du Code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis aux juges ; que les conclusions présentées à ce titre par l'office public d'habitations de Nice et des Alpes-Maritimes (OPAM) doivent dès lors être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société appelante tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : L'article 1 du jugement attaqué du 24 mars 2000 est annulé.
Article 2 : L'office public d'habitations de Nice et des Alpes-Maritimes (OPAM) est condamné à verser à la société SA CARILLION BTP - NICOLETTI la somme correspondant à la créance d'intérêts moratoires afférents au solde en principal du marché, d'un montant de 254.499,30 francs TTC, et dont le calcul est explicité ci-dessus. Cette créance sera majorée du taux de 2% par mois sur la période courant du mois de mars 1995 au mois de son paiement effectif.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SA CARILLION BTP - NICOLETTI est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de l'Office public d'habitations de Nice et des Alpes-Maritimes (OPAM) tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le jugement attaqué du 24 mars 2000 du Tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société SA CARILLION BTP - NICOLETTI, à l'office public d'habitations de Nice et des Alpes-Maritimes (OPAM) et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
N° 00MA01225 5