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14/12/2004 | FRANCE | N°00MA00576

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 14 décembre 2004, 00MA00576


Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2000, présentée pour M. Jean X, demeurant ..., par Me Amiel, avocat ; M. X demande à la cour :

- de réformer le jugement n°944205-956956 en date du 16 décembre 1999, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions à fin d'indemnisation du préjudice matériel qu'il a subi au titre de la période du 1er octobre 1984 au 31 décembre 1989,

- de condamner la ville de Marseille à lui verser la somme de 4 556,55 euros (29.889 F) avec intérêts au taux légal à compter du 1er juil

let 1997, et capitalisation des intérêts par année entière, les intérêts sur la...

Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2000, présentée pour M. Jean X, demeurant ..., par Me Amiel, avocat ; M. X demande à la cour :

- de réformer le jugement n°944205-956956 en date du 16 décembre 1999, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions à fin d'indemnisation du préjudice matériel qu'il a subi au titre de la période du 1er octobre 1984 au 31 décembre 1989,

- de condamner la ville de Marseille à lui verser la somme de 4 556,55 euros (29.889 F) avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 1997, et capitalisation des intérêts par année entière, les intérêts sur la somme de 10 446,45 euros (68.524,24 F) à compter du 1er février 1984 jusqu'au 1er juillet 1997, la somme de 54 881,65 euros (360.000 F) au titre des primes annuelles liées au grade avec intérêts à compter du 2 février 1984 et capitalisation des intérêts, et 3 201,43 euros (21.000 F) au titre des primes générales forfaitaires de fin d'année, grade avec intérêts à compter du 2 février 1984 et capitalisation des intérêts ;

................................ ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le code des tribunaux administratif et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2004 :

- le rapport de Mme Lorant, rapporteur,

- les observations de Me Amiel, avocat de M. X,

- et les conclusions de Mme Fernandez, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline... Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il fait l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions... ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ingénieur en chef de la ville de Marseille a été suspendu de ses fonctions par un arrêté du 3 août 1984 dont l'effet a été prolongé par un second arrêté du 4 décembre 1984 à raison des poursuites pénales engagées contre l'intéressé ; que ce dernier a bénéficié d'un non-lieu prononcé par un arrêt de la Cour d'appel de Dijon du 5 novembre 1987 qui eu pour effet de mettre fin aux poursuites pénales dont M. X, à qui aucune sanction disciplinaire n'avait été infligée, faisait l'objet ; qu'à raison de cette décision de la cour d'appel, le Conseil d'Etat, par un arrêt en date du 3 mai 1995, a annulé la décision de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par la ville de Marseille sur la demande de M. X du 9 février 1988, tendant à être rétabli dans ses fonctions ;

Considérant qu'à la suite de cet arrêt, M. X a, d'une part, demandé au Tribunal administratif de Marseille la condamnation de la ville de Marseille à le réintégrer dans ses fonctions au titre de la période du 1er juin 1984 au 31 décembre 1989, et à lui verser les traitements et primes, soit une somme de 174 594,34 euros (1.145.263,78 F), correspondant à l'évolution en échelons dans le grade pour cette période et, d'autre part, a sollicité du Conseil d'Etat l'exécution de son arrêt en date du 3 mai 1995 ; que par un arrêt en date du 7 juillet 1999, le Conseil d'Etat a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. X tendant à l'exécution de sa décision au motif que les mesures permettant d'assurer cette exécution faisant l'objet de la demande d'astreinte du requérant devaient être regardées comme ayant été prises ; que le tribunal administratif a alors, dans le jugement attaqué du 16 décembre 1999, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions indemnitaires de M. X au motif que, compte tenu de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du Conseil d'Etat du 7 juillet 1999, lesdites conclusions étaient devenues sans objet ; que M. X fait appel de ce jugement en demandant la condamnation de la ville à lui verser diverses sommes et que la commune, par la voie de l'appel incident, demande la condamnation de M. X à lui verser la somme de 16 123,62 euros (105.764 F ) ;

Sur les conclusions de M. X :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

Considérant que, ainsi que le soutient M. X, le tribunal administratif a soulevé d'office l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 7 juillet 1999, sans mettre les parties en mesure de présenter leurs observations ; que par suite ledit jugement est entaché d'irrégularité sur ce point ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Marseille ;

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, dans l'instance devant le Tribunal administratif de Marseille, M. X demandait la condamnation de la ville de Marseille à le réintégrer dans ses fonctions au titre de la période du 1er juin 1984 au 31 décembre 1989, et à lui verser les traitements et primes correspondant à l'évolution en échelons dans le grade pour cette période ; que devant le Conseil d'Etat, M. X sollicitait l'exécution, notamment de la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux en date du 3 mai 1995 ; que ces deux litiges ne présentent pas d'identité de cause ni d'objet et que, dès lors, l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 7 juillet 1999, prononçant un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. X tendant à l'exécution de la décision du Conseil d'Etat susmentionnée en date du 3 mai 1995, n'a pas l'autorité de la chose jugée à l'égard de la demande de condamnation de la commune telle que ci-dessus rappelée ; que, par suite, il y a lieu de statuer sur la demande de M. X ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la différence entre les traitements perçus par M. X et ceux qu'il aurait perçus s'il avait fait l'objet d'un avancement à l'ancienneté moyenne, comme le prévoyait le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 11 février 1999, s'établit à 10.447 euros (68.524 F) ; que la commune n'a versé à M. X en mai 1997 que la somme de 5 890 euros (38.635 F), résultant d'un calcul de l'avancement à l'ancienneté maximum ; que par suite le préjudice théorique financier résiduel de M. X s'établit à 4 557 euros (29.889 F) ;

Considérant cependant que si, pour la période durant laquelle M. X a fait l'objet d'une suspension régulière, dès lors que des poursuites pénales avaient été engagées contre lui, du 3 août 1984 au 5 novembre 1987, il a droit au remboursement du complément de traitement qu'il n'a pas perçu au titre de cette période, en revanche, pour la période au cours de laquelle, ainsi que l'ont jugé le Tribunal administratif de Marseille et le Conseil d'Etat, cette suspension a été irrégulièrement prolongée après que la Cour d'appel de Dijon a prononcé sa relaxe, il a droit à l'indemnisation du préjudice résultant de sa suspension irrégulière ;

Considérant que, s'agissant de la période de suspension régulière du 3 août 1984 au 5 novembre 1987, M. X a donc droit au versement de la différence entre les traitements qu'il a perçus, ainsi que les compléments de traitement déjà versés en mai 1997 au titre de cette période, et ceux qu'il aurait perçus s'il avait fait l'objet d'un avancement à l'ancienneté moyenne, comme le prévoyait le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 11 février 1999 ; que la cour n'étant pas en possession d'éléments suffisamment précis lui permettant d'en chiffrer le montant, il y a lieu de renvoyer M. X devant la commune afin qu'il soit procédé à la liquidation de cette somme ;

Considérant que, s'agissant de la période pendant laquelle la suspension a été irrégulièrement poursuivie, M. X ne peut prétendre, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'à une indemnité représentative du préjudice subi ; que, compte tenu d'une part des sommes déjà versées par la commune et d'autre part des sommes perçues par ailleurs par M. X au titre de l'année 1988, l'indemnité complémentaire que lui devait la commune est inférieure au montant de ces sommes ; que par suite M. X n'est pas fondé à demander la condamnation de la commune à lui verser une telle indemnité ;

Considérant que, s'agissant des primes, M. X n'établit pas que lesdites primes ne sont pas liées à l'exercice effectif des fonctions ; que, d'ailleurs, le régime indemnitaire des ingénieurs de l'Etat, qui sert de référence au régime indemnitaire des ingénieurs territoriaux, ne prévoit pas de primes qui ne soient pas liées à l'exercice effectif des fonctions ; que sa demande sur ce point ne peut qu'être rejetée ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a demandé le versement des intérêts sur les sommes qui lui étaient dues le 8 juillet 1994 ; que ces intérêts ne peuvent commencer à courir qu'à compter de sa demande de paiement au principal, reçue par la commune le 3 février 1994 et non à compter du 1er février 1984, comme il le demande ; qu'il a droit aux intérêts de droit sur la somme de 5 890 euros plus la somme résiduelle qui lui est due au titre de la période du 3 août 1984 au 5 novembre 1987, dont le mode de calcul est précisé par le présent arrêt, jusqu'au premier versement de 5 890 euros au mois de mai 1997, et sur la somme résiduelle susmentionnée jusqu'à la date du paiement effectif de cette somme, et ce à compter du 3 février 1994, ainsi qu'il a été dit ci-dessus ;

Considérant que M. X a demandé le 23 mars 2000 la capitalisation des intérêts sur la somme résiduelle qui lui est due ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur l'appel incident de la ville de MARSEILLE :

Considérant que les sommes que la ville de Marseille a versées à M. X en mai 1997 au titre de la période du 1er octobre 1984 au 5 novembre 1987, pendant laquelle M. X avait fait l'objet d'une suspension au titre des dispositions précitées de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, ne sont pas des indemnités qu'elle aurait été condamnée à payer à titre d'indemnisation d'un préjudice, mais correspondent aux arriérés de traitements dus au titre des promotions d'échelon pour la période sus-indiquée, pour laquelle elle a opéré la reconstitution de carrière de l'intéressé, ainsi que la somme de 6 166,95 euros (40 452,56 F) au titre d'une prime qui n'avait pas été versée ; que, par suite, et alors que la situation de suspension de M. X l'autorisait à exercer d'autres fonctions, il n'y avait pas lieu pour la ville, pour le calcul des sommes dues à M. X, de déduire les sommes perçues par ce dernier jusqu'au 5 novembre 1987 ;

Considérant en revanche que les sommes dues par la commune pour la période du 6 novembre 1987 au 31 décembre 1989 ont le caractère d'indemnités et que la ville aurait pu en déduire les revenus perçus par M. X à compter du 5 novembre 1987 ; que, cependant, il n'appartient pas à la cour de condamner M. X à restituer lesdites sommes dès lors que la commune dispose de voies de droit pour ce faire ; qu'il en résulte que la ville n'est pas recevable à demander à la cour, par la voie de l'appel incident, de condamner M. X à lui rembourser les sommes qu'il a perçues à compter du 5 novembre 1987 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que la ville de Marseille étant la partie perdante dans la présente instance, ses conclusions présentées de ce chef ne peuvent qu'être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la ville à verser à M. X une somme de 1000 euros au titre de l'article L.761-1 susmentionné ;

DÉCIDE :

Article 1 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 16 décembre 1999 est annulé.

Article 2 : La ville de Marseille est condamnée à verser à M. X, au titre de la période de suspension régulière du 3 août 1984 au 5 novembre 1987, une somme correspondant à la différence entre les traitements qu'il a perçus, ainsi que les compléments de traitement déjà versés en mai 1997 au titre de cette période, et ceux qu'il aurait perçus s'il avait fait l'objet d'un avancement à l'ancienneté moyenne, avec intérêts de droit à compter du 3 février 1994. Les intérêts échus à la date du 23 mars 2000 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La ville de Marseille est condamnée à verser à M. X les intérêts sur la somme de 5 890 euros plus la somme résiduelle mentionnée à l'article 2 du présent arrêt, pour la période du 3 février 1994 au mois de mai 1997.

Article 4 : La ville de Marseille versera à M. X une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus de la demande de M. X et les conclusions incidentes de la ville de Marseille sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à la ville de Marseille et au ministre de l'intérieur de la sécurité intérieure et des libertés locales.

00MA00576

2

vs


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA00576
Date de la décision : 14/12/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme Nicole LORANT
Rapporteur public ?: Mme FERNANDEZ
Avocat(s) : AMIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-12-14;00ma00576 ?
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