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25/11/2004 | FRANCE | N°00MA02384

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 25 novembre 2004, 00MA02384


Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2000, présentée par le DEPARTEMENT DU VAR, représentée par le président du conseil général à ce dûment autorisé par une délibération de la commission permanente du conseil général en date du 14 septembre 2000 ; LE DEPARTEMENT DU VAR demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 962883 du 16 mars 2000 par lequel le tribunal de Nice a d'une part annulé, à la demande de Mme X, la délibération de la commission permanente du conseil général du Var en date du 23 novembre 1995 décidant de préempter une parcelle cadastrée se

ction D 1073 sise sur le territoire de la commune du LAVANDOU et d'autre part l'a...

Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2000, présentée par le DEPARTEMENT DU VAR, représentée par le président du conseil général à ce dûment autorisé par une délibération de la commission permanente du conseil général en date du 14 septembre 2000 ; LE DEPARTEMENT DU VAR demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 962883 du 16 mars 2000 par lequel le tribunal de Nice a d'une part annulé, à la demande de Mme X, la délibération de la commission permanente du conseil général du Var en date du 23 novembre 1995 décidant de préempter une parcelle cadastrée section D 1073 sise sur le territoire de la commune du LAVANDOU et d'autre part l'a condamné à verser à Mme X une somme de 5.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

2°) de rejeter la demande de première instance ;

3°) de condamner Mme X à lui verser une somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ainsi qu'aux dépens ;

Il soutient, en premier lieu, que si l'article L.142-10 du code de l'urbanisme impose à la collectivité d'aménager les terrains acquis au titre des espaces naturels sensibles pour être ouverts au public, la réglementation en vigueur ne définit, en aucun cas, une surface minimale devant être accessible au public ; qu'ainsi, Mme X ajoute donc à la loi un critère non prévu par celle-ci ; qu'à supposer même que seul un quart de la superficie de la parcelle en cause soit effectivement accessible, ladite surface atteint tout de même 4.500 m2 et les documents photographiques montrent l'existence de surfaces planes et accessibles ; qu'en outre, le terrain en cause est accessible à partir du chemin rural dit de Curet ; que le plan produit par la requérante de première instance ne représente pas les limites exactes de la parcelle D 1703 et ont été réduites diminuant par là-même les surfaces planes ainsi que le montre l'examen du plan cadastral qu'il verse au dossier ;

Il soutient, en deuxième lieu, que le moyen selon lequel l'acquisition de la parcelle par Mme X éviterait un voisinage manque en droit dès lors que la parcelle en cause est classée au plan d'occupation des sols (POS) de la commune en zone ND, inconstructible et ne permet pas de justifier l'allégation selon laquelle la décision de préemption serait illégale ; que le moyen tiré de ce que le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres n'a pas jugé opportun de se porter acquéreur de la parcelle concernée est inopérant dès lors que seul le département peut juridiquement exercer le droit de préemption ici en cause ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée manque en fait et en droit dès lors que la décision en cause rappelle que la parcelle présente un risque de mitage et fait partie d'une zone dont l'intérêt paysager est marqué et que son acquisition entre dans le cadre de la protection des espaces naturels sensibles ; que les photos versées au dossier montre que le terrain est situé en position de belvédère au-dessus du Vallon d'Aiguebelle et bénéficie d'une pleine vue sur l'île du Levant ; que d'aspect rocheux, bien que couvert de végétation, il s'insère dans une zone de rochers qui l'entoure et le surplombe et qu'ainsi il participe à l'existence d'un ensemble remarquable ; que ce secteur est d'une qualité écologique remarquable puisqu'il abrite des espèces végétales rares ; qu'en application du premier alinéa de l'article L.142-10 du code de l'urbanisme, la fragilité du milieu naturel peut justifier le fait que le terrain acquis ne soit ni aménagé ni ouvert au public ; que la configuration matérielle des lieux n'a aucune incidence sur la légalité de la décision contestée qui doit s'apprécier au regard des objectifs de préservation des sites, paysages et milieux naturels dans le cadre de la politique arrêtée par le département ; que le fait qu'une partie du terrain soit aujourd'hui réputée dangereuse ne préjuge en rien de la possibilité d'un aménagement ultérieur afin de permettre l'ouverture au public ; qu'ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article L.142-10 du code de l'urbanisme, l'aménagement du terrain précède l'ouverture au public ; qu'ainsi, au jour où il a statué le tribunal administratif ne pouvait valablement décider que la parcelle ne pouvait pas être ouverte au public, la seule sanction du non respect de ce principe étant la rétrocession du bien dans les conditions et délais fixés par l'article L.142-8 du code précité ; que l'article L.142-10 précité ne pose pas le principe selon lequel chaque terrain, dans sa totalité, doit être ouvert au public ; que la prise en compte de tels critères conduit à ajouter à la loi des critères non prévus par celle-ci ; que, pour apprécier la règle posée par le code de l'urbanisme, il y a lieu de considérer l'ensemble de l'unité foncière constituée par l'espace naturel sensible ; qu'en outre, la légalité de la décision de préemption ne doit pas s'apprécier au seul regard de l'ouverture au public, elle s'inscrit également dans le cadre de la protection des espaces naturels de l'ensemble de ce secteur, ce qui l'a amené à acquérir des parcelles proches du terrain d'assiette ; que l'argumentation de Mme X tendant à soutenir que la parcelle en cause se trouvant inconstructible, la décision de préemption ne se justifierait pas est juridiquement erronée puisque l'acquisition de cette parcelle, par le biais de la procédure de préemption, a pour but de préserver son caractère naturel et d'assurer son inconstructibilité pour l'avenir ; qu'en outre, la jurisprudence administrative admet que des mesures de protection issues de réglementations différentes puissent se superposer pour un même terrain ; que ne pouvant être considéré comme la partie perdante, la demande formulée par Mme X sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel doit être rejetée ;

Vu le mémoire enregistré le 27 octobre 2000, présenté par le DEPARTEMENT DU VAR et par lequel il transmet des pièces à la Cour ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 janvier 2001, présenté par le DEPARTEMENT DU VAR et par lequel il précise, à la suite de la demande de régularisation transmise par les services du greffe aux fins de la production de la délibération de la collectivité autorisant le président du conseil général à faire appel, que la délibération de la commission permanente a déjà été produite et qu'un nouvel exemplaire est adressé à la Cour ;

Vu le mémoire transmis par télécopie, enregistré le 1er février 2001, présenté par le DEPARTEMENT DU VAR et par lequel il fait part de ses observations , à la suite d'une demande de régularisation transmise par les services du greffe de la Cour concernant l'indication des nom et domicile des parties ;

Vu l'exemplaire original du mémoire susvisé, enregistré le 5 février 2001 ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 février 2001, présenté par le DEPARTEMENT DU VAR et par lequel il informe la Cour que, suivant l'acte de cession établi le 10 juin 1996 et publié le 2 août 1996, il a la qualité de propriétaire du terrain en cause dans le présent litige ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2001, présenté pour Mme X, par Me Le Petit Lebon, avocate, et par lequel elle conclut au rejet de la requête, et à ce que la Cour, dès lors que le DEPARTEMENT DU VAR est désormais devenu propriétaire du terrain en cause, enjoingne à cette collectivité, sur le fondement des dispositions de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de saisir le juge civil compétent en vue de l'annulation de la vente de la parcelle en cause et enfin de condamner l'appelant au paiement d'une somme de 15.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle fait valoir que la notification de la délibération en cause, qui n'a été effectuée qu'au notaire et non à elle-même, n'est aucunement motivée ; qu'il en est de même de la délibération proprement dite ; que le risque de mitage invoqué dans la délibération est inexistant puisque le terrain est classé en zone ND et en espace boisé protégé ; qu'en outre, les dispositions réglementant la protection de cet espace exclut une telle finalité ; que s'agissant du second motif, il ne répond pas plus à l'exigence de motivation dès lors qu'il n'est pas précisé en quoi l'acquisition de ce bien précis était nécessaire pour la réalisation de cette action ; que, de plus, la décision en cause est illégale dès lors qu'elle n'a fait aucunement état de ce que l'acquisition avait pour but l'ouverture au public de la propriété en cause alors que cette obligation résulte de l'article L.142-10 du code de l'urbanisme ; qu'à cet égard, toute restriction au droit de propriété devant être interprétée strictement, l'exercice du droit de préemption est soumis à une interprétation restrictive des conditions d'exercice de ce droit ; que, c'est à bon droit que le tribunal a relevé que le DEPARTEMENT DU VAR n'avait fourni aucune indication sur l'ouverture au public de la parcelle en cause ; qu'en l'espèce, ladite parcelle est aux trois quarts inaccessible à tout public puisqu'elle est essentiellement constituée d'un apic rocheux inaccessible et présentant un caractère certain de dangerosité ; que le DEPARTEMENT DU VAR n'indique pas comment il entend rendre accessible au public cette parcelle ; que la délibération ne mentionne pas que cette ouverture au public serait effective ; qu'en outre, si le DEPARTEMENT DU VAR fait valoir que l'absence d'ouverture au public peut être justifiée par la fragilité du milieu naturel, la délibération en cause n'a pas mentionné l'existence d'un milieu naturel fragile, dont il n'est pas en outre justifié ; qu'une décision similaire a été déclarée illégale par le Conseil d'Etat à défaut d'ouverture au public de la parcelle préemptée ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 juin 2001, présentée par le DEPARTEMENT DU VAR et par lequel il conclut aux mêmes fins que sa requête et ses mémoires susvisés et par les mêmes moyens ;

Il fait valoir, en outre, qu'aucune disposition du code de l'urbanisme n'impose que la décision de préemption soit notifiée à l'acquéreur mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner ; qu'en tout état de cause, la seule sanction d'une telle carence est l'inopposabilité des délais de recours contentieux à l'encontre de cet acquéreur, ce qui n'est pas discuté dans le présent litige ; que l'arrêt du Conseil d'Etat invoqué par Mme X n'est pas transposable à la présente instance ; que les conclusions aux fins d'injonction présentées en appel par Mme X sont irrecevables dès lors qu'elles soulèvent un litige distinct de la demande principale, qu'elles conduiraient le juge à se prononcer sur des rapports de droit privé, sont nouvelles en appel, qu'elles ne peuvent être formulées dans le cadre d'un litige en excès de pouvoir , ce qui est le cas de l'espèce et enfin n'ont pas été précédées d'une demande préalable ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 juillet 2001, présenté pour Mme X et par lequel elle conclut aux mêmes fins que son mémoire susvisé et par les mêmes motifs ;

Elle fait valoir, en outre, que, contrairement à ce que soutient le DEPARTEMENT DU VAR, la décision de préemption devait, en application de l'article R.142-11 du code de l'urbanisme, être notifiée au propriétaire et non à son mandataire ; qu'ainsi la procédure de préemption est entachée d'irrégularité ; qu'en outre, il n'est pas contesté qu'elle-même, en sa qualité d'acquéreur évincé, n'a pas reçu notification de cette décision ; qu'elle verse au dossier des documents photographiques démontrant l'absence de mitage sur le secteur concerné et l'impossibilité de l'ouverture au public eu égard au relief très escarpé ; que sa demande d'injonction est une demande additionnelle et non reconventionnelle qu'elle ne pouvait formuler devant le tribunal administratif dès lors qu'elle a appris la régularisation de la vente que, dans le cadre de la présente instance ; qu'en outre, cette demande qui constitue la suite logique de l'annulation de la décision de préemption ne soulève pas un litige distinct ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 décembre 2001, présenté par le DEPARTEMENT DU VAR et par lequel il conclut aux mêmes fins que sa requête et ses mémoires susvisés et par les mêmes moyens ;

Il fait valoir, en outre, que la décision de préemption pouvait être régulièrement notifiée au seul notaire du vendeur du terrain en application de la théorie du mandat ; que les photos produites par Mme X confirme le caractère paysager du secteur et le risque de mitage mais ne montrent pas les parties planes du terrain ; que sur ce point, il renvoie aux photographies qu'il a précédemment produites ; que Mme X était informée de la vente du terrain à son profit avant l'instance d'appel ;

Vu le jugement et la décision attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2004,

- le rapport de Mme Buccafurri, rapporteur ;

- les observations de M. Rivereau, représentant le DEPARTEMENT DU VAR :

- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la délibération en date du 23 novembre 1995 :

Considérant qu'aux termes de l'article L.142-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : « Afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels, selon les principes posés à l'article L.110, le département est compétent pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non. » ; qu'aux termes de l'article L.142-3 du même code : « Pour la mise en oeuvre de la politique prévue à l'article L.142-1, le conseil général peut créer des zones de préemption dans les conditions ci-après définies…. A l'intérieur de ces zones, le département dispose d'un droit de préemption sur tout terrain ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou jouissance de terrains qui font l'objet d'une aliénation volontaire, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit… » ; qu'enfin, aux termes de l'article L.142-10 dudit code : « Les terrains acquis en application des dispositions du présent chapitre doivent être aménagés pour être ouverts au public, sauf exception justifiée par la fragilité du milieu naturel. Cet aménagement doit être compatible avec la sauvegarde des sites, des paysages et des milieux naturels… » ; qu'il résulte de ces dispositions combinées qu'une décision de préemption exercée à ce titre n'est légalement justifiée que si elle répond au double objectif d'assurer la protection d'un espace naturel sensible et de prévoir son ouverture au public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par la délibération en litige, la commission permanente du conseil général du Var a décidé de préempter, sur le fondement des dispositions précitées du code de l'urbanisme, un terrain nu d'une surface de 18.346 m2, cadastré section D n° 1073, situé sur le territoire de la commune du LAVANDOU au lieu-dit Ferrandin, classé en zone ND du plan d'occupation des sols (POS) de la commune et en espace boisé classé, inclus dans le périmètre de la zone de préemption au titre des espaces naturels sensibles sur le territoire de la commune du LAVANDOU instituée par le département du Var par une délibération en date du 8 décembre 1994 et dont Mme X s'était portée acquéreur ;

Considérant que, pour annuler la délibération contestée, les premiers juges ont estimé que la parcelle en cause ne pouvait être ouverte au public en raison de sa configuration dangereuse dès lors que Mme X soutenait, sans être contredite, que ladite parcelle était constituée pour les trois-quarts de sa superficie d'un à-pic rocheux totalement inaccessible ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des documents photographiques versées en appel par LE DEPARTEMENT DU VAR, que la parcelle en cause d'une superficie totale de 18.346 m2 est accessible à partir du chemin rural dit de Curet et comporte des parties planes ne présentant par elles-mêmes aucun caractère de dangerosité ; qu'à supposer même que comme le soutenait Mme X et comme l'ont admis les premiers juges, les trois-quarts de la superficie de la parcelle concernée serait constitués par un à-pic rocheux, les surfaces planes de ladite parcelle auraient alors une superficie de 4.500 m2 susceptibles d'être ouverts au public ; qu'ainsi c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice s'est fondé sur la circonstance que la configuration dangereuse de la parcelle empêchait toute ouverture au public pour annuler la délibération en litige ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le Tribunal administratif de Nice ainsi que les moyens présentés devant la Cour et procédant de la même cause juridique ;

Considérant qu'il ressort de l'examen de la délibération contestée que celle-ci est uniquement motivée par la préservation de cet espace naturel sensible et ne comporte aucune mention relative à l'ouverture au public du terrain en cause ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et le DEPARTEMENT DU VAR n'établit pas que la collectivité, à la date de la décision de préemption, poursuivait un tel objectif d'ouverture au public de la parcelle en litige ; que LE DEPARTEMENT DU VAR n'établit pas davantage que la collectivité aurait exclu l'aménagement dudit terrain en vue de son ouverture au public en raison de la fragilité du milieu naturel ; que, dans ces conditions, en assignant à la préemption de ce bien la seule protection d'un espace naturel sensible sans que soit prise en compte également l'objectif d'une ouverture au public, l'autorité départementale n'a pas légalement justifié sa décision de préemption ; que, dans ces conditions, tous les moyens invoqués par le DEPARTEMENT DU VAR et tendant à démontrer que, dans les faits, la parcelle en cause, malgré sa configuration dangereuse, aurait pu faire l'objet ultérieurement d'une ouverture au public sur une partie de sa superficie, sont inopérants dès lors que la délibération en litige n'est pas fondée sur un tel objectif ; que, par suite, le DEPARTEMENT DU VAR n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a annulé la délibération du 23 novembre 1995 précitée ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme X :

Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;

Considérant que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d'exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n'ayant jamais décidé de préempter ; qu'ainsi cette annulation implique nécessairement, sauf atteinte excessive à l'intérêt général appréciée au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le titulaire du droit de préemption, s'il n'a pas entre temps cédé le bien illégalement préempté, prenne toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée ; qu'il lui appartient à cet égard, et avant toute autre mesure, de s'abstenir de revendre à un tiers le bien illégalement préempté ; qu'il doit en outre proposer à l'acquéreur évincé puis, le cas échéant, au propriétaire initial d'acquérir le bien, et ce, à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ;

Considérant que, lorsque que le juge administratif est saisi, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L.911-1 du code de justice administrative, de conclusions tendant à ce qu'il prescrive les mesures qu'implique nécessairement l'annulation de la décision de préemption, il lui appartient, après avoir le cas échéant mis en cause la ou les parties à la vente initialement projetée qui n'étaient pas présentes à l'instance et après avoir vérifié, au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le rétablissement de la situation initiale ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général, de prescrire à l'auteur de la décision annulée de prendre les mesures ci-dessus définies, dans la limite des conclusions dont il est saisi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que LE DEPARTEMENT DU VAR est désormais propriétaire de la parcelle en litige ; que Mme X demande à la Cour d'ordonner au DEPARTEMENT DU VAR de saisir le juge civil compétent en vue de l'annulation de la vente de la parcelle ayant fait l'objet de la décision de préemption illégale ; que, toutefois, cette demande, telle qu'elle est sollicitée par Mme X n'entre pas dans le cadre des mesures, ci-dessus rappelées, qu'implique nécessairement l'annulation de la décision de préemption ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le DEPARTEMENT DU VAR auxdites conclusions, ces dernières doivent être rejetées ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer au DEPARTEMENT DU VAR une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner le DEPARTEMENT DU VAR à payer à Mme X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du DEPARTEMENT DU VAR est rejetée.

Article 2 : Le DEPARTEMENT DU VAR versera à Mme X une somme de 1.000 euros (mille euros) sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme X sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au DEPARTEMENT DU VAR, à Mme X et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

N° 00MA02384 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA02384
Date de la décision : 25/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-03-02 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. - PROCÉDURES D'INTERVENTION FONCIÈRE. - PRÉEMPTION ET RÉSERVES FONCIÈRES. - DROITS DE PRÉEMPTION. - ESPACES NATURELS SENSIBLES. - RÉGIME DE LA LOI DU 18 JUILLET 1985. - LÉGALITÉ DE LA DÉCISION DE PRÉEMPTION - CONDITIONS - DOUBLE OBJECTIF DE PROTECTION D'UN ESPACE NATUREL SENSIBLE ET DE SON OUVERTURE AU PUBLIC.

z68-02-01-01-03-02z Il résulte des dispositions combinées des articles L. 142-1, L. 142-3 et L. 142-10 du code de l'urbanisme qu'une décision de préemption exercée au titre des espaces naturels sensibles n'est légalement justifiée que si elle répond, à la date à laquelle elle a été prise, au double objectif d'assurer la protection d'un espace naturel sensible et de prévoir son ouverture au public, sauf le cas où l'ouverture au public aurait été exclue en raison de la fragilité du milieu naturel.


Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. CHERRIER
Avocat(s) : LE PETIT LEBON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-11-25;00ma02384 ?
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