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22/11/2004 | FRANCE | N°01MA00195

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 22 novembre 2004, 01MA00195


Vu, I, sous le n° 01MA00195, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 26 janvier 2001, présentée pour la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE, dont le siège est 22 cours Grandval BP 215 à l'Hôtel de région à Ajaccio cedex 1 (20187), par Me A..., avocat ;

La COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE demande à la Cour :

1°/ de réformer le jugement du Tribunal administratif de Bastia N° 98813 en date du 9 novembre 2000 en tant qu'il a retenu à concurrence de 50 % sa responsabilité dans les dommages subis par la SA Dimag et la SNC Hyp

er Rocade le 21 juillet 1994 ;

2°/ de désigner un nouvel expert spécialist...

Vu, I, sous le n° 01MA00195, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 26 janvier 2001, présentée pour la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE, dont le siège est 22 cours Grandval BP 215 à l'Hôtel de région à Ajaccio cedex 1 (20187), par Me A..., avocat ;

La COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE demande à la Cour :

1°/ de réformer le jugement du Tribunal administratif de Bastia N° 98813 en date du 9 novembre 2000 en tant qu'il a retenu à concurrence de 50 % sa responsabilité dans les dommages subis par la SA Dimag et la SNC Hyper Rocade le 21 juillet 1994 ;

2°/ de désigner un nouvel expert spécialiste en hydrologie ;

3°/ de dire que l'Etat devrait la garantir des condamnations éventuelles portées à son encontre ;

Vu, II, sous le N° 01MA00230, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 31 janvier 2001, présentée pour les sociétés SA Dimag, SA CD, venant aux droits de la SNC Hyper Rocade et les Assurances générales de France, venant aux droits de la compagnie Allianz Via assurances , par Me Y..., avocat ; ces sociétés demandent à la Cour :

- d'annuler le jugement N° 98/813 du Tribunal administratif de Bastia en date du 9 novembre 2000, qui a retenu la responsabilité de la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE dans les dommages subis le 21 juillet 1994, RN 193, commune de Furiani, du fait d'inondations ;

- de condamner solidairement la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE, l'Etat et la commune de Furiani à verser une somme globale de 18.534.946 F en réparation des préjudices subis par la SNC Hyper Rocade, les AGF étant subrogées à hauteur de 11.210.242 F et une somme de 614.000 F à la société Dimag, pour laquelle la SA AGF est subrogée à hauteur de 389.025 F ;

- de dire que ces sommes porteront intérêt à compter de la date du sinistre soit le 21 juillet 1994, de mettre à la charge des intimés les frais d'expertise d'un montant de 411.194 F, de capitaliser les intérêts échus depuis plus d'un an et de condamner les parties perdantes à verser 30.000 F au titre des frais irrépétibles de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu la loi du 28 pluviôse An VIII ;

Vu la loi du 13 mai 1991 portant statut de la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE ;

Vu le décret N°92-1352 du 24 décembre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2004 :

- le rapport de M. Chavant, rapporteur,

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement.

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement du Tribunal administratif de Bastia N° 98/813 du 9 novembre 2000, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un seul arrêt ;

Sur les conclusions des Assurances générales de France :

Considérant que les Assurances générales de France présentent pour la première fois en appel les quittances subrogatoires dont elles se prévalent au titre de l'indemnisation de leurs clientes, les sociétés SA Dimag et SNC Hyper Rocade devenue SA CD, que, dans cette limite, il y a lieu d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Bastia en ce qu'il a déclaré irrecevables leurs conclusions ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que les sociétés requérantes soutiennent que les premiers juges auraient statué ultra petita en retenant une part de responsabilité à la charge des requérants, alors qu'ils ne pouvaient soulever d'office un tel moyen ; que, cependant, ledit moyen est expressément invoqué par la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE dans son mémoire enregistré le 2 avril 1999 ; que, par suite, l'irrégularité alléguée du jugement du Tribunal administratif de Bastia n'est pas fondée et doit être écartée ;

Sur la collectivité responsable de l'ouvrage public :

Considérant que la SA Dimag et la SA CD, propriétaires de locaux situés sur la commune de Furiani, en bordure de la RN 193, ont été victimes d'inondations le 21 juillet 1994 ;

Considérant que la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE fait appel du jugement du 9 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Bastia l'a déclarée partiellement responsable de ces inondations, à raison de la présence de la RN 193 et de l'insuffisance de débit du ponceau existant sous la chaussée ;

Considérant qu'à titre principal, la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE demande à être mise hors de cause en soutenant que la voirie nationale ne lui a pas été régulièrement transférée par l'Etat, et qu'en conséquence sa responsabilité en tant que maître de l'ouvrage ne peut être recherchée ; qu'au surplus, l'ouvrage a été construit par l'Etat avant le 1er janvier 1993 ; qu'à titre subsidiaire, la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE conteste l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage et les dommages et, en tout état de cause, demande à être garantie par l'Etat ;

Considérant qu'aux termes de l'article 75 de la loi susvisée du 13 mai 1991 portant statut de la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 1993 en application du décret N° 92-1302 du 15 décembre 1992 : La COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE assure la construction, l'aménagement, l'entretien de la voirie classée en route nationale. Par convention la collectivité territoriale peut en déléguer la mise en oeuvre aux départements. La voirie classée en route nationale est transférée dans le patrimoine de la collectivité territoriale ; qu'il résulte de cette disposition, que pour les biens qui y sont désignés, le législateur a entendu opérer un transfert de propriété de plein droit, au bénéfice de la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE, à compter de l'entrée en vigueur de la loi créant cette nouvelle collectivité publique ; que si l'article 82 de cette même loi organise une procédure de mise à disposition à titre gratuit, constatée par un procès-verbal qui précise notamment la consistance, la situation juridique et l'état des biens -remis , cette procédure n'est applicable qu'aux biens meubles ou immeubles antérieurement utilisés par l'Etat pour l'exercice des autres compétences transférées à la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE ; que, dès lors, l'absence de remise d'un procès-verbal conforme à l'article 82 précité de la loi du 13 mai 1991 n'a pu avoir pour effet d'empêcher la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE de devenir propriétaire et maître de l'ouvrage constitué par l'ex-route nationale RN 193 à compter du 1er janvier 1993 ; que, par suite, cette collectivité n'est pas fondée à demander à être mise hors de cause en invoquant ce motif ;

Considérant que le transfert de propriété intervenu le 1er janvier 1993 a eu pour effet de mettre à la charge exclusive de la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE l'entretien de l'ouvrage en cause, ainsi que la réparation des dommages accidentels causés aux tiers du fait de cet ouvrage, postérieurement à la date du transfert ; que, dès lors, la circonstance que la RN 193 ait été construite et élargie avant la date du 1er janvier 1993, elle-même antérieure à celle des inondations en cause, n'est pas de nature à exonérer la collectivité territoriale de la responsabilité éventuellement encourue ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE n'est pas fondée à soutenir que sa responsabilité ne pouvait être recherchée à raison des inondations en litige et qu'elle devait nécessairement être mise hors de cause ;

Sur le lien de causalité entre l'ouvrage et les dommages :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les bâtiments inondés sont implantés dans une zone dépressionnaire, traversée par le cours d'eau San Pancrazio et naturellement inondable lors de fortes crues ; que la RN 193, ouvrage de communication ancien, y a d'ailleurs été réalisé en surélévation, avec des ponceaux sous la chaussée destinés à permettre l'écoulement des eaux ; que le ponceau existant dans cette zone étant sous-dimensionné, l'ouvrage public constitue à cet endroit un barrage à l'écoulement des eaux, lequel a encore été rehaussé par la création d'une glissière de sécurité en béton au milieu des quatre voies ; que lors de fortes précipitations, les eaux ainsi retenues par la RN 193 finissent par se répandre en aval de l'ouvrage, qui joue alors un rôle de déversoir ; qu'ainsi les inondations en cause ont été aggravées par la présence et les caractéristiques de l'ouvrage public ;

Considérant que les inondations dont s'agit ont un caractère répétitif par fortes pluies ; que celles du 21 juillet 1994 étaient certes très importantes, mais non exceptionnelles ; que la crue en résultant n'était ni imprévisible ni irrésistible ; que, par suite, la force majeure ne peut être retenue ; que le ponceau surplombant la route impériale, dont il est fait état, n'a pas joué un rôle aggravant dans l'inondation ; que nonobstant le caractère inondable de cette zone, les requérantes s'y sont installées, acceptant de ce fait une partie du risque encouru ; qu'elles n'ont pris aucune mesure particulière pour s'en prémunir ; qu'en retenant la faute de la victime comme exonératoire à 50 % de la responsabilité de la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des responsabilités ;

Sur les préjudices :

Considérant que le Tribunal administratif de Bastia a estimé ne pas disposer d'éléments suffisants pour statuer sur les préjudices des requérants et a nommé un expert ; que si la SA Dimag et la SA CD contestent cette disposition en demandant à la Cour d'homologuer purement et simplement les conclusions auxquelles parvient l'expert X..., il est constant que cet expert spécialisé en hydrologie n'a pu former un avis qualifié sur l'étendue des préjudices commerciaux subis par les sociétés requérantes ; que, par suite, le Tribunal administratif de Bastia a pu à bon droit, avant de statuer sur l'étendue du préjudice, confier à M. Z... une seconde expertise ;

Sur l'appel en garantie formé par la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE à l'encontre de l'Etat :

Considérant qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué et des mémoires échangés en première instance que le tribunal n'a pas répondu aux conclusions d'appel en garantie dirigées par la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE à l'encontre de l'Etat ; que le jugement du Tribunal administratif de Bastia du 9 novembre 2000 est dès lors entaché d'omission à statuer sur ce point, qui justifie son annulation dans cette mesure ;

Considérant que l'affaire est en état ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE à l'encontre de l'Etat devant le Tribunal administratif de Bastia ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE est devenue propriétaire de la voirie classée en route nationale à compter du 1er janvier 1993, en vertu de la loi du 13 mai 1991 et de son décret d'application ; que ce transfert de propriété emporte transfert de l'ensemble des droits et obligations du propriétaire ; qu'il fait obstacle à ce que la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE appelle l'Etat, propriétaire précédent, en garantie des condamnations prononcées pour des dommages survenus postérieurement à la date susmentionnée du 1er janvier 1993 ; que, par suite, l'appel en garantie contre l'Etat ne peut qu'être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative en condamnant la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE, la commune de Furiani et l'Etat à verser 30.000 F aux sociétés SA Dimag et SA CD ; qu'il n'y a pas davantage lieu de faire droit, dans les circonstances de l'espèce, aux conclusions de la communauté d'agglomération de Bastia tendant à la condamnation de tout succombant à lui verser des frais irrépétibles ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bastia en date du 9 novembre 2000 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE tendant à ce que l'Etat soit appelé à la garantir des condamnations prononcées à son encontre.

Article 2 : La COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE est déclarée responsable à hauteur de 50 % des conséquences dommageables des inondations subies par la SA Dimag et la SA CD le 21 juillet 1994.

Article 3 : L'appel en garantie formé par la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE contre l'Etat, ainsi que le surplus des conclusions des requêtes, sont rejetés.

Article 4 : Les demandes indemnitaires formées par la société SA Dimag, la société SA CD et la communauté d'agglomération de Bastia sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE, aux sociétés SA Dimag et SA CD venant aux droits de la SNC Hyper Rocade, à la compagnie SA AGF, à la communauté d'agglomération de Bastia, à la commune de Furiani, au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Copie en sera adressée à l'expert X... et à l'expert Z....

Nos 01MA00195, 01MA00230 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01MA00195
Date de la décision : 22/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Jacques CHAVANT
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : RETALI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-11-22;01ma00195 ?
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