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15/11/2004 | FRANCE | N°02MA00449

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5eme chambre - formation a 3, 15 novembre 2004, 02MA00449


Vu le recours, enregistré le 20 mars 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 02MA00449, du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; Le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0006863 du 29 janvier 2002 du Tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme Christiane X la somme de 178.675,68 euros au titre du préjudice qu'elle a subi et 1.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par

Mme X devant le Tribunal administratif de Marseille ;

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Vu le recours, enregistré le 20 mars 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 02MA00449, du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; Le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0006863 du 29 janvier 2002 du Tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme Christiane X la somme de 178.675,68 euros au titre du préjudice qu'elle a subi et 1.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Marseille ;

...........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2004 :

- le rapport de M. Pocheron, premier conseiller ;

- les observations de Me Rousset, avocat de Mme X ;

et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, incarcéré en détention provisoire le 3 octobre 1996 à la maison d'arrêt des Baumettes à Marseille, mettait fin à ses jours par pendaison dans sa cellule le 15 octobre suivant entre 8H et 11H du matin tandis que son co-détenu était en promenade ; que, alors même que le juge d'instruction qui avait décidé sa mise en détention avait signalé le risque que l'intéressé porte atteinte à son intégrité physique et demandé qu'il fût placé en observation en service médico-psychiatrique, le médecin généraliste et le psychiatre qui examinaient M. X lors de son arrivée à la maison d'arrêt ne préconisaient aucune mesure particulière au personnel de surveillance et ne procédaient pas ultérieurement à de nouveaux examens ; que, du fait de cette absence de recommandation concernant M. X, aucune ronde de surveillance de l'intéressé n'était organisée le matin du 15 octobre 1996 entre 8H et 11H15, heure de constatation du décès, pendant que son co-détenu était en promenade, alors que de surcroît l'administration pénitentiaire avait laissé à sa disposition dans sa cellule des objets personnels de nature à faciliter un éventuel passage à l'acte ; que, dans ces conditions, l'absence de signalement aux gardiens par le service médical pénitentiaire du risque d'attentat à ses jours que présentait M. X du fait de sa mise en détention s'ajoutant à l'absence de mise en place d'une surveillance médicale appropriée de l'intéressé, ont constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard des ayants-droit de la victime ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. X ait eu une prédisposition aux tendances suicidaires avant sa mise en examen par le juge d'instruction et son incarcération ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, M. X, au stade de l'instruction pénale dont il faisait l'objet à la date de son décès, n'avait pas perdu du fait de sa détention provisoire, vocation à subvenir aux besoins de son épouse et de ses trois enfants mineurs ; que le préjudice économique subi par la famille de l'intéressé, et admis par les premiers juges, revêt ainsi un caractère certain et apparaît directement lié au dommage ; que, s'agissant d'un ménage avec trois enfants mineurs à charge, le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que Mme X disposait de 25% des revenus apportés au ménage par son époux, et chacun des enfants de 10% desdits revenus ; qu'il y a lieu de confirmer, dans ces conditions, les sommes retenues par les premiers juges au titre de la perte de revenus de Mme X et de ses enfants ;

Considérant que, par la voie de l'appel incident, Mme X conteste le montant alloué par le Tribunal administratif de Marseille à elle-même et à ses trois enfants en réparation de leur préjudice au titre de la douleur morale ; qu'il sera fait une juste appréciation de la réparation due au titre du préjudice moral subi par Mme X chargée d'assurer seule l'éducation de ses trois enfants âgés respectivement de 8 et 4 ans au moment du décès de son époux alors âgé de 40 ans, en l'évaluant à 15.000 euros ; que, d'autre part, le montant de la réparation du préjudice moral subi par les trois enfants résultant du décès de leur père doit être évalué à 7.500 euros pour chacun des trois enfants ; qu'il y a lieu, en conséquence, de réformer le jugement attaqué sur ces points ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Etat entièrement responsable du décès par suicide de M. X et l'a condamné à indemniser les conséquences dommageables pour ses ayants-droit et d'autre part, que Mme X est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a limité à respectivement 10.000 euros, pour elle-même et 4.000 euros pour chacun de ses enfants, l'indemnisation de leur préjudice moral ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à Mme X la somme de 1.200 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les sommes de 101.624,15 euros, 24.327,25 euros, 24.327,25 euros et 28.397,03 euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme X au titre respectivement de son préjudice personnel, et des préjudices subis par ses fils Kévin, Eric, et Loïc, par le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 29 janvier 2002, sont portées respectivement à 106.624,15 euros, 27.827,25 euros, 27.827,25 euros et 31.897,03 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 29 janvier 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le recours du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE et le surplus des conclusions de l'appel incident de Mme X sont rejetés.

Article 4 : Le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE versera à Mme X une somme de 1.200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE et à Mme Christiane X.

N° 02MA00449 2

mp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA00449
Date de la décision : 15/11/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BONMATI
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : ROUSSET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-11-15;02ma00449 ?
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