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10/11/2004 | FRANCE | N°01MA01399

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 10 novembre 2004, 01MA01399


Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2001, présentée pour Mme Chantal LE ROUZIC , par Me Sayn Urpar, demeurant ... ; Mme X demande à la Cour :

1'' d'annuler le jugement n° 98-6544 du 5 avril 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 10 juillet 1998 par lequel le maire de Fontvieille a refusé de lui délivrer un permis de construire et l'a condamnée à verser à la commune de Fontvieille une somme de 5 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2'' d'annuler

pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) de condamner la commune de Font...

Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2001, présentée pour Mme Chantal LE ROUZIC , par Me Sayn Urpar, demeurant ... ; Mme X demande à la Cour :

1'' d'annuler le jugement n° 98-6544 du 5 avril 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 10 juillet 1998 par lequel le maire de Fontvieille a refusé de lui délivrer un permis de construire et l'a condamnée à verser à la commune de Fontvieille une somme de 5 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2'' d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) de condamner la commune de Fontvieille à lui verser une somme de 20 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...............

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2004 :

- le rapport de M. ATTANASIO, premier conseiller ;

- les observations de Me Sayn-Urpar pour Mme X ;

- et les conclusions de M. CHERRIER, premier conseiller ;

Considérant que, par jugement en date du 5 avril 2001, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme X dirigée contre l'arrêté en date du 10 juillet 1998 par lequel le maire de Fontvieille a refusé de lui délivrer un permis de construire ; que Mme X relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité de l'arrêté du 10 juillet 1998 susvisé :

Considérant qu'aux termes de l'article R.412-12 du code de l'urbanisme : Si le dossier est complet, l'autorité compétente pour statuer fait connaître au demandeur, dans les quinze jours de la réception en mairie, par une lettre de notification adressée par pli recommandé avec demande d'avis de réception postal, le numéro d'enregistrement de ladite demande et la date avant laquelle, compte tenu des délais réglementaires d'instruction, la décision devra lui être notifiée. Le délai d'instruction part de la date de la décharge ou de l'avis de réception postal prévus à l'article R.421-9. L'autorité compétente pour statuer avise en outre le demandeur que si aucune décision ne lui a été adressée avant la date mentionnée au premier alinéa, la lettre de notification des délais d'instruction vaudra permis de construire et les travaux pourront être entrepris conformément au projet déposé, sous réserve du retrait, dans le délai du recours contentieux, du permis tacite au cas où il serait entaché d'illégalité. Toutefois, lorsque le projet se trouve dans l'un des cas prévus à l'article R. 421-19, le demandeur est informé qu'il ne pourra bénéficier d'un permis tacite ; qu'aux termes de l'article R. 421-19 du même code : Le constructeur ne peut bénéficier d'un permis de construire tacite dans les cas ci-après énumérés : (...) d) lorsque la construction se trouve dans un site classé, en instance de classement ou inscrit (...) ;

Considérant que, par lettre du 17 novembre 1997, le maire de Fontvieille a fixé à trois mois le délai d'instruction de la demande de permis de construire présentée par Mme X en précisant : si, à la date du 24 février 1998, l'autorité compétente pour statuer ne s'est pas prononcée, la présente lettre vaudra permis de construire tacite ; que si la commune de Fontvieille soutient que, nonobstant les termes de cette lettre, la demande de Mme X n'a pu faire naître une autorisation de construire tacite, eu égard aux dispositions susénoncées de l'article R.421-19, en ce que le terrain d'assiette du projet est concerné par une procédure d'inscription en cours qui tend à étendre le site inscrit des Alpilles , elle n'établit pas et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date susmentionnée, ledit terrain aurait été inclus dans un site inscrit ; que, par suite, Mme X est fondée à soutenir qu'elle était titulaire à la date du 24 février 1998 d'un permis de construire tacite ; que, toutefois, en application du deuxième alinéa de l'article R.421-12 précité, le maire pouvait retirer dans le délai de recours contentieux cette autorisation pour cause d'illégalité ;

Considérant que, par l'arrêté du 10 juillet 1998, le maire de Fontvieille a opposé un refus à la demande de permis de construire présentée par Mme X ; que cette décision doit être regardée comme valant retrait du permis tacite que celle-ci avait obtenu le 24 février 1998 ; que si Mme X soutient que ce retrait serait intervenu après l'expiration du délai de recours contentieux, eu égard à l'affichage du permis sur le terrain, elle se borne à produire un procès-verbal d'infraction du 16 avril 1998 selon lequel un panneau mentionnant les caractéristiques d'un permis de construire était affiché pour la construction d'un hangar et habitation de 254 m², alors que celui-ci n'a pas été accordé ; que la production de cette seule pièce n'est pas de nature à établir que l'affichage a été réalisé dans les conditions prévues par les articles R.421-39, R 490-7 et A.421-7 du code de l'urbanisme ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que l'autorisation tacite dont bénéficiait Mme X depuis le 24 février 1998, n'a pas fait l'objet, avant le 10 juillet 1998, date de son retrait, des formalités d'affichage en mairie prévues par l'article R.421-39 précité ; que Mme X, qui n'allègue pas avoir demandé au maire de Fontvieille l'affichage de l'autorisation tacitement obtenue n'établit pas que le défaut d'affichage résulte d'un refus délibéré de l'administration de procéder à ces formalités ; qu'il résulte de ce qui précède qu'à la date du retrait, le délai de recours contentieux contre le permis de construire tacite n'avait pas commencé à courir ;

Considérant que pour refuser, par l'arrêté du 10 juillet 1998 susvisé, de délivrer à Mme X le permis de construire qu'elle sollicitait, le maire de Fontvieille s'est fondé d'une part, sur la méconnaissance des dispositions combinées des articles 1 NC et 2 NC du règlement du plan d'occupation des sols, relatifs aux occupations et utilisations du sol en zone NC d'activité agricole, et d'autre part, sur l'atteinte que le projet de l'intéressée était susceptible de porter au site en méconnaissance de l'article 11 NC du règlement dudit plan d'occupation des sols et de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme ;

Considérant d'une part, qu'en vertu de l'article 1.NC du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Fontvieille, sont interdites les constructions de toute nature (...) qui ne sont pas liées à l'exploitation agricole ; que l'article 2.NC du même règlement énonce qu' au bénéfice des besoins de l'exploitation agricole : (...) sont autorisées, sous réserve du respect des règles architecturales fixées à l'article 11.NC : les constructions nouvelles de bâtiments fonctionnels à condition qu'elles soient strictement liées à l'exploitation agricole ; les constructions nouvelles à condition qu'elles soient destinées au logement de l'exploitant agricole non propriétaire de son habitation principale (...) ; que le préambule du règlement de ladite zone prévoit que celle-ci est destinée exclusivement à l'exercice d'activités agricoles, dans le cadre de la politique définie par la charte des zones d'activités agricoles des Bouches-du-Rhône ; qu'il y a lieu, dès lors, de se référer à ce document et aux critères qu'il contient quant à la définition de la qualité d'exploitant agricole pour l'application des dispositions susénoncées ;

Considérant que la charte des zones d'activités agricoles des Bouches-du-Rhône subordonne la reconnaissance de la qualité d'exploitant agricole, outre à l'inscription à la mutualité sociale agricole, à l'exploitation d'une superficie minimale de terres ; que pour les personnes installées sur leur exploitation mais qui n'y habitent pas, la superficie minimale des terres exploitées en vignes et en cultures fruitières est de 3 hectares et en polyculture, dont les oliveraies, de 6 hectares ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une délibération du conseil municipal de Fontvieille en date du 3 juillet 1998, que la propriété sur laquelle Mme X revendique trois types de production constitués d'abricots, d'olives et de foin, s'étend sur 12,5 hectares, et que la liste de classement des exploitations en polyculture dressée par les services fiscaux retient pour la propriété de la requérante une surface de 7,46 hectares ; que par suite, c'est à tort que le maire, en se fondant sur l'exercice par Mme X d'une activité libérale à temps partiel, a refusé de reconnaître à l'intéressée, qui est régulièrement inscrite à la mutualité sociale agricole et installée sur son exploitation depuis 1992, la qualité d'exploitant agricole ;

Considérant que les dispositions susénoncées de l'article 2 NC n'imposent pas que le projet réponde à la nécessité d'une présence permanente de l'agriculteur sur les lieux de l'exploitation ; que le projet de Mme X, qui consiste à créer une maison à usage d'habitation et un hangar, répond aux conditions posées par l'article 2NC, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante serait propriétaire de son habitation principale et que le hangar envisagé ne serait pas destiné à un usage agricole ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le premier motif de la décision de refus de permis de construire tiré de la méconnaissance des dispositions combinées des articles 1.NC et 2.NC du règlement du plan d'occupation des sols n'est pas fondé ;

Considérant d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 11.NC du règlement du plan d'occupation des sols, dont la rédaction s'inspire des dispositions de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme : Par leur aspect extérieur, les bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier ne doivent pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet porte sur la réalisation de constructions d'un seul niveau dans un style architectural classique qui ne nuit pas à la qualité du paysage dans lequel il s'insère ; que la seule circonstance que le terrain d'assiette de ces constructions serait sur le point d'être inclus dans le site inscrit des Alpilles n'est pas par elle-même de nature à faire regarder le projet comme portant atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, en méconnaissance des articles 11.NC du règlement du plan d'occupation des sols et R.111-21 du code de l'urbanisme ; que, par suite, le second motif sur lequel repose la décision de refus de permis de construire n'est pas fondé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucun des deux motifs indiqués dans la décision du 10 juillet 1998 n'est de nature à en justifier légalement l'édiction ; que, toutefois, pour établir que cette décision est légale, la commune de Fontvieille invoque devant la Cour, dans des mémoires qui ont été communiqués à la requérante, un autre motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 11.NC du règlement du plan d'occupation des sols aux termes desquelles : Les bâtiments fonctionnels et les logements strictement liés à l'exploitation agricole devront dans la mesure du possible s'organiser en un volume compact ;

Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

Considérant que si le motif invoqué par l'administration aurait pu légalement justifier un refus de permis de construire dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la maison et le hangar que Mme X se propose de construire sont situés à quelques mètres l'un de l'autre et ne sont pas organisés en un volume compact et qu'aucune impossibilité de regrouper les bâtiments projetés n'est établie ni même invoquée, il ne résulte pas de l'instruction que le maire de Fontvieille aurait, dans les circonstances de l'espèce, pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce seul motif ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de procéder à la substitution demandée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juillet 1998 susvisé ; que le jugement et l'arrêté attaqués doivent être annulés ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la commune de Fontvieille la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner la commune de Fontvieille à payer à Mme X une somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 05 avril 2001 et l'arrêté du maire de Fontvieille en date du 10 juillet 1998 sont annulés.

Article 2 : La commune de Fontvieille versera à Mme X une somme de 1.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X, à la commune de Fontvieille et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer

N° 01MA01399 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01MA01399
Date de la décision : 10/11/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: M. Alain ATTANASIO
Rapporteur public ?: M. CHERRIER
Avocat(s) : SAYN-URPAR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-11-10;01ma01399 ?
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