Vu 1) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 23 août 2001, sous le n° 01MA01954, présentée pour Mme Jeanne-Andrée X, demeurant ...), par Me POLETTI, avocat ;
Mme X demande à la Cour :
1°/ de réformer le jugement en date du 21 juin 2001 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions tendant à la réparation du préjudice postérieur au 26 juin 1992 et à l'allocation d'une indemnité au titre des investissements réalisés, et a ordonné, avant de statuer sur les conclusions tendant à l'indemnisation du manque à gagner, une expertise ;
2°/ de condamner l'Etat à lui verser les sommes demandées en première instance, soit 5.800.000 F avec intérêts de droit capitalisés au 15 juin 1999, et 75.000 F par mois à compter de cette date, à titre de réparation du préjudice, des pertes de revenus et de valeur du fonds de commerce, et 10.000 F au titre des frais exposés ;
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Vu 2) la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 14 février 2003, sous le n° 03MA00288, présentée pour Mme Jeanne-Andrée X, demeurant ...), par Me POLETTI, avocat ;
Mme X demande à la Cour :
1°/ de confirmer le jugement en date du 20 décembre 2002 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Bastia a reconnu le caractère fautif du refus opposé en juin 1992, et évalué le préjudice financier pour la période écoulée au 26 juin 1996, et de réformer le surplus du jugement, notamment en ce qui concerne la limitation dans le temps du préjudice indemnisable ;
2°/ de définir le préjudice réparable comme la perte définitive de la capacité de créer la pharmacie ;
3°/ de désigner à nouveau l'expert comptable pour déterminer le préjudice financier de la requérante, composé de la perte d'exploitation jusqu'au dépôt du rapport, et de la valeur de la pharmacie ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2004 :
- le rapport de M. ZIMMERMANN, premier conseiller ;
- les observations de Me POLETTI pour Mme Jeanne-Andrée X ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Considérant que les requêtes susvisées n° 01MA01954 et 03MA00288 de Mme X présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que, par jugement en date du 10 avril 1997, le Tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté en date du 24 juin 1992 par lequel le préfet de la Haute-Corse avait rejeté la demande présentée par Mme X en vue d'obtenir l'autorisation de créer, par voie dérogatoire, une officine de pharmacie dans le quartier de Porette à Corte ; que le recours du ministre de l'emploi et de la solidarité contre ce jugement a été rejeté par arrêt de la cour de céans en date du 10 décembre 1998 ; que Mme X ayant demandé l'indemnisation du préjudice étant résulté pour elle de la décision illégale du 24 juin 1992, le Tribunal administratif de Bastia a, avant de statuer sur les conclusions de l'intéressée tendant à l'indemnisation de son manque à gagner, ordonné une expertise en vue de déterminer quelle aurait été la date d'ouverture de l'officine pharmaceutique si l'autorisation avait été accordée, et le montant de la perte nette de bénéfices pour la période comprise entre cette date d'ouverture et le 26 juin 1996, date d'une seconde décision de refus d'autorisation devenue définitive, rejeté les conclusions tendant à la réparation du préjudice postérieur au 26 juin 1996 et à l'allocation d'une indemnité de 200.000 F au titre des investissements réalisés, et enfin réservé les autres droits et moyens des parties ; que, par un second jugement, en date du 20 décembre 2002, le Tribunal administratif de Bastia a fixé à 195.825 euros le préjudice indemnisable de Mme X, et condamné l'Etat à lui verser ladite somme, augmentée des intérêts capitalisés le 15 juin 1999, le 15 juin 2000, le 15 juin 2001 et le 15 juin 2002 ; que Mme X demande la réformation de ces jugements en tant qu'ils rejettent les conclusions tendant à la réparation du préjudice postérieur au 26 juin 1996, l'allocation d'une indemnité de 200.000 F au titre des investissements réalisés et l'indemnisation de la perte de valeur de la pharmacie ; qu'elle demande en outre que la mission de l'expert soit étendue à l'évaluation de l'entier préjudice qu'elle invoque, tenant tant à la perte des revenus qu'à celle de la valeur de la pharmacie ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :
En ce qui concerne les frais de location d'immobilisation :
Considérant que, si la requérante soutient que la décision illégale de refus d'autorisation en date du 24 juin 1992 ayant entraîné la dénonciation, par le propriétaire des locaux dans lesquels était initialement prévue l'implantation de l'officine, de la réservation effectuée par Mme X, l'a obligée à trouver un autre immeuble dans le même quartier afin de préserver son antériorité et ses droits, et demande à ce titre une somme de 200.000 F, elle ne produit, au soutien de cette demande, que des factures de la SNCF faisant apparaître un loyer annuel d'un peu plus de 5.000 F pour la location d'un terrain dans les emprises de la gare ;
En ce qui concerne le coût des travaux :
Considérant que si Mme X soutient avoir effectué, en vue de la construction et l'aménagement de la pharmacie projetée, des travaux pour un montant de 359.710 F, d'une part les devis estimatifs n'établissent pas l'engagement de travaux pour les montants indiqués, d'autre part les autres pièces produites, datées des années 1996 et 1997, très postérieures à la décision illégale du 24 juin 1992, ne permettent pas d'établir que le local auquel elles se rapportent soit demeuré inutilisé et ait perdu toute valeur et qu'ainsi le préjudice invoqué de ce chef aurait un lien avec la décision litigieuse ;
En ce qui concerne la valeur de la pharmacie :
Considérant qu'en admettant que Mme X entende demander l'indemnisation de la perte de valeur que représenterait le fonds de commerce de l'officine, un tel préjudice ne présenterait qu'un caractère éventuel dès lors que la réalisation d'une plus-value serait subordonnée à la revente de ladite officine ;
En ce qui concerne la limitation dans le temps du préjudice :
Considérant que, si, par le jugement du 10 avril 1997, le Tribunal administratif de Bastia a prononcé l'annulation de la décision du 24 juin 1992 du préfet de la Haute-Corse refusant à l'intéressée l'autorisation d'ouverture d'une officine de pharmacie à Corte, il a aussi, par le même jugement, rejeté les conclusions de Mme X dirigées contre la décision du 26 juin 1996 du préfet de la Haute-Corse et ayant le même objet ; que cette dernière décision est devenue définitive, et dès lors fait obstacle à l'indemnisation du préjudice invoqué postérieur au 26 juin 1996 ;
Sur les conclusions aux fins d'extension de la mission d'expertise :
Considérant qu'en admettant que Mme X ait entendu demander ainsi la réformation de l'article 1er du jugement du 21 juin 2001 en tant que le tribunal a limité par cet article la mission de l'expert à l'évaluation du préjudice subi pour la période antérieure au 26 juin 1996, lesdites conclusions présentées dans un mémoire enregistré le 9 avril 2002, après l'expiration du délai d'appel, et distinctes des conclusions présentées dans la requête introductive d'instance, se rapportant à l'article 2 du même jugement, sont tardives, et, par suite, irrecevables ;
Considérant que la mesure d'expertise sollicitée par Mme X serait, en tout état de cause, frustratoire dès lors que le présent arrêt limite au 26 juin 1996 la période ouvrant droit à indemnisation ;
Considérant qu'en admettant que la requérante demande seulement l'extension de la mission de l'expert aux chefs de préjudices écartés à l'article 2 du jugement, en soutenant que le préjudice résultant de la décision du 24 juin 1992 s'étend au-delà du 26 juin 1996, car si l'autorisation refusée à tort lui avait été accordée en 1992, elle n'aurait pas eu besoin de déposer une nouvelle demande, les éléments que l'expertise ordonnée par les premiers juges sur l'évaluation du préjudice résultant de la perte de bénéfices nets pour la période antérieure au 26 juin 1996 sont susceptibles de permettre l'évaluation de la perte nette de bénéfices éventuellement indemnisable au-delà de cette date ; qu'ainsi, et en tout état de cause, l'extension d'expertise sollicitée n'apparaît pas utile ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à demander la réformation des jugements attaqués en ce qu'ils ont limité au 26 juin 1996 et non au 10 avril 1997 la période ouvrant droit à indemnisation au titre de la perte de bénéfice net, et à 195.825 euros le montant du préjudice indemnisable ;
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes susvisées de Mme X sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X et au ministre de la santé et de la protection sociale.
Classement CNIJ : 60-04-03-02-01
C
2
N° 01MA01954 03MA00288