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10/06/2004 | FRANCE | N°00MA00844

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 10 juin 2004, 00MA00844


Vu la requête et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille les 21 avril et 26 juin 2000, sous le n° 00MA00844, présentés pour

le CENTRE HOSPITALIER DE TOULON dont le siège est 1208, avenue du Colonel Picot à Toulon (83000), représenté par son directeur en exercice, par Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Le CENTRE HOSPITALIER demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 97-3169 en date du 21 décembre 1999, par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision de

son directeur rejetant la demande d'indemnisation formée par M. Y et l'a condamné...

Vu la requête et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille les 21 avril et 26 juin 2000, sous le n° 00MA00844, présentés pour

le CENTRE HOSPITALIER DE TOULON dont le siège est 1208, avenue du Colonel Picot à Toulon (83000), représenté par son directeur en exercice, par Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Le CENTRE HOSPITALIER demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 97-3169 en date du 21 décembre 1999, par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision de son directeur rejetant la demande d'indemnisation formée par M. Y et l'a condamné à payer à ce dernier la somme de 200 000 F en réparation de son préjudice et une somme de 6 000 F au titre des frais d'instance ainsi que la somme de 45 541,68 F à la Caisse primaire d'assurance maladie du Var et mis à sa charge

les frais d'expertise ;

Classement CNIJ : 60-02-01-01

C

2°/ de rejeter les demandes présentées par M. Y et la Caisse primaire d'assurance maladie ;

Il soutient :

- que le jugement est insuffisamment motivé ; que le lien de causalité entre la contamination de M. Y par l'hépatite C révélée en 1992 et les transfusions des lots de produits sanguins élaborés par ses soins n'est pas établie dès lors que la victime a reçu deux flacons de sang hautement contaminant élaborés par un centre tiers ; que, d'autre part, la contamination par voie transfusionnelle n'est ni établie ni même probable compte tenu du délai de douze années écoulé entre la date des transfusions litigieuses et l'apparition des premiers symptômes de la maladie ; qu'enfin, le tribunal n'a pas recherché si la victime avait été indemnisée dans le cadre des conséquences de l'accident de la voie publique dont il a été victime en 1980 qui est à l'origine de son hospitalisation et des transfusions dont s'agit ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2000, présenté pour la Caisse primaire d'assurance maladie du Var dont le siège est 42, rue Emile Ollivier à Toulon (83082) représentée par son directeur en exercice par Me DEPIEDS et LACROIX, avocats au barreau de Marseille ;

La Caisse demande à la Cour de confirmer le jugement critiqué ;

Vu le mémoire enregistré le 1er octobre 2001, présenté pour M. Alain Y demeurant ... par Me AVEILLAN, avocat au barreau de Toulon ;

M. Y demande à la Cour de confirmer le jugement de première instance en tant qu'il retient la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER, de réformer le jugement quant au montant de l'indemnité et condamner le CENTRE HOSPITALIER à lui verser une somme de

2 000 000 F en réparation de son préjudice, outre une somme de 15 000 F au titre des frais d'instance ;

Il soutient que le lien de causalité entre les lots sanguins qui lui ont été administrés et son hépatite C est probable au terme du rapport d'expertise et que si le CENTRE n'a pas élaboré les treize lots sanguins qui lui ont été transfusés, il en a été cependant le fournisseur ; que

les préjudices indemnisés suite à l'accident de 1980 sont d'une nature différente de ceux indemnisés par le jugement attaqué puisque, d'une part, l'hépatite C n'était alors pas connue et, d'autre part, au motif qu'il n'existe aucun lien entre l'accident et l'infection par voie transfusionnelle ;

Vu le mémoire enregistré le 18 juin 2002, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER DE TOULON par Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Le CENTRE HOSPITALIER persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et fait en outre valoir que le rapport d'expertise mentionne l'absence de possibilité d'affirmer que l'hépatite C présentée par M. Y est en relation directe avec l'administration des produits sanguins délivrés par ses soins ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et notamment son article 102 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2004 ;

- le rapport de Mme MASSE-DEGOIS, conseillère ;

- les observations de Me DEMAILLY substituant Me Le Prado pour le CENTRE HOSPITALIER DE TOULON ;

- et les conclusions de M. TROTTIER, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Alain Y, à la suite d'un accident de circulation dont

il a été victime le 6 mars 1980, a fait l'objet d'une transfusion massive de produits sanguins lors de son hospitalisation au CENTRE HOSPITALIER DE TOULON ; que des examens pratiqués ultérieurement ont permis de révéler une hépatite C en 1992 ; que saisi du litige par M. Y, le tribunal administratif de Nice a condamné le CENTRE HOSPITALIER DE TOULON à lui verser la somme de 200 000 F en réparation de son préjudice né de la contamination par le virus de l'hépatite C ; que le CENTRE HOSPITALIER fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le CENTRE HOSPITALIER DE TOULON soutient que le jugement du tribunal administratif de Nice critiqué serait entaché d'une insuffisance de motivation ; que toutefois, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier la portée et le bien-fondé ; que dès lors, ce moyen doit être écarté ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données possibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que le délai qui s'est écoulé entre les transfusions sanguines massives dont M. Y a fait l'objet en 1980 et le diagnostic posé en 1992 de l'hépatite C, même en l'absence de symptômes de souffrance hépatique, n'est pas incompatible avec une contamination transfusionnelle et, d'autre part, qu'aucun risque connu, propre à la victime, n'a été constaté ; que ce faisceau d'éléments confère un degré suffisamment élevé de vraisemblance à l'hypothèse selon laquelle la contamination de M. Y aurait pour origine les transfusions effectuées au sein du CENTRE HOSPITALIER DE TOULON ; que dans ces conditions, faute d'apporter la preuve de l'innocuité des propres produits sanguins élaborés et administrés par ses soins, le CENTRE HOSPITALIER DE TOULON ne démontre pas que les produits ainsi fournis ne sont pas à l'origine de la contamination de M. Y ; que dès lors, le CENTRE HOSPITALIER DE TOULON n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice l'a déclaré responsable des dommages subis par M. Y du fait de la contamination de celui-ci par le virus

de l'hépatite C ;

Sur l'indemnisation du préjudice :

Considérant que le CENTRE HOSPITALIER soutient que le tribunal n'aurait pas recherché avant de chiffrer le préjudice de M. Y, si celui-ci avait été indemnisé dans le cadre des conséquences de l'accident de la voie publique dont il a été victime en 1980 qui est à l'origine de son hospitalisation et des transfusions dont s'agit ; que la somme de 200 000 F à laquelle le requérant a été condamné à verser à M. Y par le jugement critiqué est destinée à réparer les souffrances physiques de la victime liées au traitement par interféron et les troubles de toute nature dans ses conditions d'existence occasionnés par l'asthénie et la crainte d'une aggravation vraisemblable de sa maladie ; que dans ces conditions, l'indemnisation litigieuse obtenue par M. Y ne répare que le seul préjudice né de sa contamination par le virus de l'hépatite C diagnostiquée douze ans après la date de l'accident à l'origine de son hospitalisation ; qu'il s'ensuit, que le moyen ne saurait prospérer ;

Considérant, d'autre part, que par la voie de l'appel incident, M. Y soutient que le tribunal administratif a insuffisamment indemnisé son préjudice né de la contamination par le virus de l'hépatite C et sollicite devant la Cour une réparation à hauteur de 2 000 000 F ; que toutefois, il n'apporte à l'appui de ses prétentions chiffrées aucun début de justification ; que par suite, ses conclusions doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner le CENTRE HOSPITALIER DE TOULON à payer à M. Y la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER DE TOULON est rejetée.

Article 2 : Le CENTRE HOPITALIER DE TOULON versera à M. Y la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. Alain Y sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DE TOULON, à la Caisse primaire d'assurance maladie du Var et à M. Alain Y.

Copie sera adressée à Me LE PRADO, la SCP DEPIEDS-LACROIX, Me AVEILLAN et au ministre de la santé et de la protection sociale.

5

N° 00MA00844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA00844
Date de la décision : 10/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Gilles HERMITTE
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-06-10;00ma00844 ?
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