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03/06/2004 | FRANCE | N°99MA00828

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 5, 03 juin 2004, 99MA00828


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, le 10 mai 1999, sous le n° 99MA00828, présentée pour le SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER, représenté par son président en exercice, par la SCP d'avocats COULOMBIE-GRAS ;

LE SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 943846-944253, en date du 31 décembre 1998, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la

condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 60.000.000 F en réparatio...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, le 10 mai 1999, sous le n° 99MA00828, présentée pour le SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER, représenté par son président en exercice, par la SCP d'avocats COULOMBIE-GRAS ;

LE SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 943846-944253, en date du 31 décembre 1998, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 60.000.000 F en réparation des conséquences dommageables résultant de l'annulation du plan d'aménagement de la zone d'aménagement concerté de Port-Argeles ;

2°/ de condamner l'Etat à lui payer la somme de 58.580.262 F à titre de dommages et intérêts augmentée des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;

Classement CNIJ : 60.20.05

C

Il soutient :

- que le jugement méconnaît les dispositions de l'article 200 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel dès lors qu'il ne contient, ni dans ses visas, ni dans ses motifs, une analyse des moyens développés par les requérants ;

- que l'ensemble des mémoires n'est pas mentionné notamment le mémoire du préfet des Pyrénées-Orientales en date du 29 mai 1995 et le mémoire de la commune d'Argeles-sur-Mer en date du 28 octobre 1996 ;

- que le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne répond pas au moyen fondé sur la responsabilité sans faute de l'Etat ;

- que le tribunal ne pouvait affirmer que l'illégalité de la décision annulée du 11 décembre 1986 ne découlait pas directement de l'illégalité des deux décisions du 6 février 1986 portant approbation du dossier de création de la zone d'aménagement concerté et du 25 août 1986 autorisant l'extension de l'urbanisation au sein des espaces proches du rivage ;

- que la décision du 6 février 1986 était illégale et ne pouvait qu'entraîner l'annulation de la délibération du 11 décembre 1986 portant approbation du plan d'aménagement de zone ;

- que l'illégalité tirée de la violation des articles L.146-2 et L.146-4-III du code de l'urbanisme se rattache directement à la décision de création de la zone d'aménagement concerté dès lors que le périmètre approuvé par décision du ministre s'étendait illégalement, d'une part, sur une coupure d'urbanisation, et, d'autre part, sur la bande des 100 mètres ;

- que le projet concernait illégalement un programme immobilier de 87.000 m2 de SHON permettant la réalisation de 1.500 logements et de 11.000 m2 d'équipements de superstructure, en violation du principe de l'extension limitée d'urbanisation des espaces proches du rivage visé à l'article L.146-4-II du code de l'urbanisme ;

- que le fait que la zone d'aménagement concerté ait été créée sous réserve qu'un plan d'aménagement de zone soit ensuite établi ne saurait remettre en cause l'illégalité de l'arrêté du ministre, en date du 6 février 1986, auquel étaient joints une étude d'impact et un rapport de présentation détaillant l'ampleur du programme immobilier projeté ;

- que la décision du préfet des Pyrénées-Orientales du 25 août 1986 ne présentait pas un caractère superfétatoire ;

- que le territoire de la commune n'est pas couvert par un schéma directeur ou par un schéma de mise en valeur de la mer ;

- qu'il ne saurait être fait référence au schéma directeur d'aménagement du littoral Languedoc-Roussillon approuvé le 26 octobre 1972 qui n'a pas valeur de schéma directeur au sens des dispositions de l'article L.122-1-1 du code de l'urbanisme ;

- qu'il ne saurait être fait référence au plan d'urbanisme inter-régional élaboré à l'initiative de la mission interministérielle pour l'aménagement du Languedoc-Roussillon, approuvé par décret du 7 janvier 1964 car l'article L.146-4-II du code de l'urbanisme ne vise que les schémas directeurs, les schémas d'aménagement régionaux ou les schémas de mise en valeur de la mer ;

- que les plans d'urbanisme directeurs et donc le plan d'urbanisme interrégional ont cessé d'être en vigueur au 1er juillet 1978 et ce, même en l'absence de plan d'occupation des sols rendu public à cette date ;

- que la commune d'Argeles-sur-Mer était liée par l'accord du préfet des Pyrénées-Orientales ;

- qu'elle ne pouvait qu'approuver un plan d'aménagement de zone respectant les dispositions dudit accord ;

- que l'urbanisation du secteur ne pouvait être réalisée qu'après l'approbation d'un plan d'aménagement de zone respectant les modalités de l'accord du préfet ;

- que le fait que la commune n'était pas contrainte d'entreprendre ou de poursuivre le projet, ayant fait l'objet d'un recours en annulation, ne saurait exonérer l'Etat de sa responsabilité ;

- que l'illégalité de la délibération du 11 décembre 1986 portant approbation du plan d'aménagement de zone découle directement de l'illégalité de l'arrêté ministériel du 6 février 1986 approuvant le dossier de création de la zone d'aménagement concerté et de la décision du préfet du 25 août 1986 prise au titre des dispositions du dernier alinéa de l'article L.146-4-II du code de l'urbanisme ;

- que l'illégalité de la création d'une zone d'aménagement concerté rejaillit automatiquement sur la légalité de la décision d'approbation du plan d'aménagement de zone dès lors qu'il s'agit d'une opération complexe ;

- qu'il existe un lien de causalité entre le préjudice subi par la commune et les décisions illégales de l'Etat ;

- qu'une faute simple suffit à engager la responsabilité de l'Etat ;

- que l'accord donné par le représentant de l'Etat dans le cadre de l'article L.146-4-II du code de l'urbanisme constitue un pouvoir propre de l'Etat ;

- qu'il ne saurait être assimilé à une activité de tutelle ou de contrôle ;

- que l'Etat donne son accord ;

- que le maire se trouvait en situation de compétence liée ;

- que c'est le représentant de l'Etat qui détient effectivement la compétence concernant l'extension de l'urbanisation dans les espaces proches du rivage ;

- que le préjudice résulte de l'interruption brutale de l'opération de Port-Argeles et non de la réalisation dudit programme ;

- qu'il y a lieu de se rapporter aux écritures de première instance notamment s'agissant de la responsabilité sans faute de l'Etat au vu du caractère anormal et spécial du préjudice ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés le 26 novembre 1999, le 9 janvier 2001 et le 26 janvier 2001, présentés pour le SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et demande, en outre, la capitalisation des intérêts échus au 26 novembre 1999 et au 26 janvier 2001 ;

Vu le mémoire, transmis par télécopie, enregistré le 13 mars 2001, présenté par le secrétaire d'Etat au logement qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que la minute du jugement comprend les mentions obligatoires ;

- que les motifs du jugement renseignent sur les moyens soulevés ;

- que l'entrée en vigueur de la loi littoral ne peut être regardée comme ayant crée un préjudice spécial et anormal ;

- qu'il n'y a pas de préjudice anormal dès lors que la création de la zone d'aménagement concerté de Port-Argeles comportait nécessairement des aléas et des risques ;

- que le syndicat n'explique pas en quoi il aurait subi un préjudice ;

- que le plan d'aménagement de zone a été censuré par le juge administratif pour des motifs intrinsèques et non en raison de l'illégalité de la décision du 6 février 1986 ;

- que la décision de création de la zone d'aménagement concerté n'est pas un acte créateur de droit et que le projet pouvait être modifié par la suite ;

- qu'il appartenait à la commune de prendre en compte les dispositions de la loi littoral pour fixer les règles d'urbanisme applicables à la zone ;

- que la théorie des opérations complexes n'implique pas que l'illégalité du plan d'aménagement de zone ait pour origine l'illégalité de la création de la zone d'aménagement concerté ;

- que la commune a gardé sa liberté même si le préfet a donné son accord ;

- qu'elle n'était pas obligée de suivre une opération d'une telle ampleur ;

- que l'article L.146-4-II n'est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat que pour faute lourde car ce pouvoir peut être assimilé à un pouvoir de contrôle ou de tutelle ;

- que la commune ne peut se plaindre du contenu d'un accord qu'elle a sollicité ;

- que le préfet n'a pas commis de faute lourde en donnant son accord préalable à l'approbation du plan d'aménagement de zone ;

- que s'agissant de la circonstance que l'Etat aurait fourni des renseignements erronés, il s'en remet aux écritures produites en première instance ;

- que l'illégalité commise par la commune en prenant le plan d'aménagement de zone constitue une faute de nature à l'exonérer partiellement d'une éventuelle responsabilité ;

- que la commune a accepté le risque lié à tout projet de l'ampleur de la zone d'aménagement concerté de Port-Argeles ;

- qu'avant l'annulation du plan d'aménagement de zone, la commercialisation des terrains se faisait difficilement ;

- qu'une modification du plan d'aménagement de zone avait d'ailleurs était initiée ;

- que des imprudences ont été commises ;

- que des frais ont été engagés avant la création de la zone d'aménagement concerté ;

- que le projet a continué alors que l'annulation avait été demandée ;

- que le syndicat a commis une faute en s'engageant auprès de la SONAM à équiper des terrains en vue de les rendre constructibles par acte du 8 janvier 1985 ;

- que des tiers ont aussi commis des fautes ;

- que la SEMER a notamment commis une faute en procédant à la vente d'un terrain sans porter à la connaissance de l'acquéreur l'existence de recours contentieux contre le plan d'aménagement de zone ;

- que les tiers acquéreurs sont fautifs de ne pas avoir mis en oeuvre les permis de construire dont ils étaient titulaires et qui étaient définitifs à la date d'annulation du plan d'aménagement de zone ;

- que les frais engagés avant les décisions de l'Etat ne pourront être indemnisés ;

- qu'aucun chef de préjudice ne présente un lien direct avec l'illégalité alléguée ;

- que le préjudice dont se prévaut le syndicat est pris en charge par la commune ;

- que le syndicat n'a pas de préjudice personnel ;

- que les sommes réclamées ne sont pas suffisamment justifiées ;

Vu les mémoires, enregistrés le 17 décembre 2001 et le 30 janvier 2002, présentés pour le SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures et demande, en outre, la capitalisation des intérêts au 30 janvier 2002, et subsidiairement, de déclarer l'Etat responsable à hauteur des deux tiers du préjudice subi, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 55.043600 F avec intérêts et capitalisation et, encore plus subsidiairement, d'ordonner une expertise pour déterminer le préjudice et de condamner l'Etat à lui payer la somme de 30.000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la responsabilité de l'Etat peut être engagée sur cinq points ;

- que la faute de l'Etat résulte d‘abord de la définition des caractéristiques principales du dossier de création de la zone d'aménagement concerté ;

- qu'elle concerne ensuite le «porter à connaissance» transmis à la commune sur le projet de plan d'aménagement de zone en application des dispositions de l'article L.311-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur ;

- qu'il s'agit encore de la responsabilité du coauteur d'une décision résultant de l'illégalité de l'accord donné par le préfet sur le plan d'aménagement de zone au titre des les dispositions de l'article L.146-4-II du code de l'urbanisme après avis favorable de la commission des sites ;

- que cela concerne aussi la responsabilité de l'auteur de renseignements erronés ;

- que la faute lourde résulte du cumul des fautes commises par l'Etat à chacun des stades du dossier ;

- qu'il n'est pas acquis que la commune aurait eu compétence pour modifier le dossier dont elle a hérité ;

- que les fautes commises ont un lien avec le préjudice ;

- que sont indemnisables les frais d'acquisition des terrains et les frais accessoires, les frais de notaire, les frais financiers, les honoraires d'architecte et les frais de commission d'agence, la hausse du coût de la construction, le coût de l'immobilisation du capital investi, l'ensemble des frais d'études et honoraires exposés en vain et les frais de commercialisation engagés à pure perte et les frais liés à l'interruption du chantier, le montant des taxes foncières sur les propriétés non bâties des terrains acquis en pure perte ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 janvier 2003, présenté pour le SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures mais réclame une somme de 3.371.524,15 euros à titre de dommages et intérêts avec capitalisation des intérêts au 23 janvier 2003 et 5.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que son préjudice doit inclure les dépenses liées à l'ouverture de crédit d'un montant de 893.919,60 euros ;

- que la situation a rendu nécessaire des prêts relais ;

- qu'il existe un lien de causalité entre la nécessité du prêt et les fautes de l'Etat ;

- qu'il a droit à obtenir le remboursement du solde déficitaire de l'opération d'un montant de 241.878,926 euros pour la première concession d'aménagement, 227.163,56 euros pour la seconde convention d'aménagement , 1.021.408,41 euros pour les sommes réclamées par la SONAM, et 160.000 euros pour les troubles subis ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 décembre 2003, présenté par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer qui conclut aux mêmes fins que les précédentes écritures de l'Etat par les mêmes moyens et soutient, en outre :

- que le délai d'appel était expiré ;

- que l'accord du préfet n'est qu'un avis conforme ;

- que le maire n'était donc pas lié ;

- que le «porter à connaissance» attirait l'attention de la commune sur les nouvelles prescriptions de la loi littoral ;

- que le préfet cite explicitement dans le paragraphe 2 du chapitre 1er intitulé «prescriptions nationales ou particulières» les articles L.146-2, L.146-4-II et L.146-6 du code de l'urbanisme qui se rapportent aux contraintes pesant sur les documents d'urbanisme pour la préservation des espaces remarquables, les extensions d‘urbanisation proches du rivage et aux espaces remarquables en tant que tels ;

- qu'il ne peut être reproché à l'Etat d'avoir fourni des renseignements erronés et des indications inexactes ;

- qu'aucun élément du dossier ne permet de soutenir que l'élaboration du dossier de plan d'aménagement de zone a été réalisée, d'une part, par les seuls agents de l'Etat et, d'autre part, en contradiction avec les directives de la commune ;

- qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les fautes reprochées à l'Etat et le paiement par le SMAE de frais financiers ;

- que ni le solde déficitaire de l'opération, ni les sommes réclamées par la SONAM, ni les troubles subis par la SMAE ne peuvent être indemnisés ;

- que s'agissant de la commune ne peuvent être indemnisés ni les participations aux dépenses du SMAE, ni les équipements publics, ni la participation de la commune découlant de la convention passée avec la SEMER, ni les troubles de fonctionnement subis ;

- qu'il ne peut être fait droit aux demandes d'intérêts et de capitalisation des intérêts ni de frais irrépétibles ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 décembre 2003, présenté pour le SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures mais réclame une somme de 55.043.600 F à titre de dommages et intérêts avec capitalisation des intérêts au 19 décembre 2003 et 30.000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la décision ministérielle approuvant la création de la zone d'aménagement concerté sur le fondement de l'étude d'impact définissait à la fois le périmètre et le programme d'aménagement et de construction de la zone d'aménagement concerté sanctionnés en définitive par le Conseil d'Etat ;

- que la commune s‘est conformée aux éléments définis dans l'étude d'impact ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 7 mai 2004 présentée pour le SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2004 :

- le rapport de Mme FEDI, premier conseiller ;

- les observations de Me Y..., de la S.C.P. COULOMBIE-GRAS-CRETIN-, pour le SYNDICAT MIXE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER ;

- et les conclusions de M. HERMITTE, premier conseiller ;

Considérant que le SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER interjette appel du jugement du Tribunal administratif de Montpellier, en date du 31 décembre 1998, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les conséquences dommageables résultant pour lui de l'annulation, par jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 18 avril 1991, confirmé par arrêt du Conseil d'Etat en date du de 29 mars 1993, de la délibération du conseil municipal d'Argeles-sur-Mer, en date du 11 décembre 1986, approuvant le plan d'aménagement de la zone d'aménagement concerté de Port-Argeles ;

Sur la recevabilité de l'appel :

Considérant qu'aux termes de l'article R.229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur : «Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois…» ; qu'il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié au SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER le 10 mars 1999 ; que, dans ces conditions, le délai d'appel fixé par l'article R.229 précité n'était pas expiré quand l'appelant a saisi la Cour le 10 mai 1999 ; que la fin de non-recevoir soulevée par l'Etat tirée de la tardiveté de l'appel devra donc être écartée ;

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement ;

Sur la responsabilité :

Considérant que le SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER soutient avoir subi un préjudice spécial et anormal du fait de l'entrée en vigueur de la loi du 3 janvier 1986 susvisée ; que toutefois, eu égard à l'objet en vu duquel les dispositions législatives précitées ont été édictées, dans l'intérêt général et notamment la protection du littoral, le législateur a entendu exclure la responsabilité de l'Etat à raison des conséquences dommageables que cette loi pouvait comporter ; que, dès lors, la responsabilité sans faute de l'Etat ne peut être engagée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.146-4-II du code de l'urbanisme : «L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) doit être justifiée et motivée, dans le plan d'occupation des sols, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. Toutefois ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma directeur ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celle d'un schéma de mise en valeur de la mer. En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord du représentant de l'Etat dans le département...» ; qu'il résulte de l'instruction que l'arrêté en date du 6 février 1986 par lequel le ministre de l'urbanisme, du logement et des transports a crée la zone d'aménagement concerté de Port-Argeles sur une largeur de littoral d'environ 800 mètres devait permettre la création de 3.800 logements et 15.000 m2 de surface commerciale ; qu'une telle opération d'aménagement ne peut, eu égard à son implantation et à sa densité et compte tenu des caractéristiques de la commune d'Argeles-sur-Mer, être regardée comme une extension limitée de l'urbanisation ; que l'arrêté en date du 6 février 1986 est donc illégal ; qu'eu égard à la nature des compétences conférées à l'Etat en matière de création de zone d'aménagement concerté, la responsabilité de l'Etat, peut être engagée pour toute faute dans l'exercice de ces compétences ; que l'illégalité de l'arrêté en date du 6 février 1986 constitue donc une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat nonobstant la circonstance que la délibération en date du 11 décembre 1986 par laquelle le conseil municipal a approuvé le plan d'aménagement de zone ait été annulée par le juge administratif pour méconnaissance des dispositions précitées de l'article L.146-4-II du code de l'urbanisme ;

Considérant que par décision en date du 25 août 1986, le préfet des Pyrénées Orientales a donné son accord au plan d'aménagement de zone dans le cadre des dispositions de l'article L.146-4-II du code de l'urbanisme en l'assortissant seulement de réserves relatives à la protection de l'ancien Grau de Massane ; qu'en l'absence de schéma directeur, de schéma d'aménagement régional et de schéma de mise en valeur de la mer, l'accord ainsi donné par le représentant de l'Etat qui ne présentait pas un caractère superfétatoire et ne prenait pas en compte les exigences de la règle de l'extension limitée, était illégal au regard des exigences de la loi du 3 janvier 1986 susvisée ; que dès lors, l'appelant est fondé à soutenir que cette décision était de nature à l'induire en erreur et a engagé à son égard la responsabilité de l'Etat ;

Considérant toutefois que le SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER a commis une imprudence en poursuivant l'aménagement de la zone d'aménagement concerté sans s'assurer de la régularité du projet au regard notamment des règles nouvellement introduites par la loi du 3 janvier 1986, alors au surplus qu'il ne pouvait ignorer qu'un recours pour excès de pouvoir avait été introduit à l'encontre de la délibération en date du 11 décembre 1986 par laquelle le conseil municipal d'Argeles-sur-Mer a approuvé le plan d'aménagement de zone ; que, dès lors, il sera fait une juste appréciation de la responsabilité incombant à l'Etat en mettant à sa charge un tiers seulement des conséquences dommageables résultant des fautes qu'il a commises ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant que les pièces du dossier ne permettent pas à la Cour de statuer sur les chefs de préjudices indemnisables ; qu'il y a donc lieu d'ordonner une expertise aux fins précisées ci-après ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 31 décembre 1998 est annulé en tant qu'il rejette la requête du SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER.

Article 2 : L'Etat est déclaré responsable dans la proportion du tiers du préjudice subi par le SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER..

Article 3 : Il sera procédé à une expertise en vue de :

- procéder à la constatation, d'une part, des aménagements réalisés sur le périmètre de la zone d'aménagement concerté de Port-Argeles en indiquant la personne qui a pris en charge les équipements et, d'autre part, des engagements financiers pris par le SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER en distinguant la période antérieure au 6 février 1986, la période allant du 7 février 1986 au 18 avril 1991 puis la période postérieure.

- réunir tous éléments permettant d'évaluer les préjudices de toute nature subis par le SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER postérieurs au 6 février 1986.

Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R.621-2 à R.621-14 du code de justice administrative. Il déposera son rapport dans les six mois de l'acceptation de sa mission.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET D'EQUIPEMENT DE LA ZONE PORTUAIRE D'ARGELES-SUR-MER et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Délibéré à l'issue de l'audience du 6 mai 2004, où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre,

M. LAFFET, président assesseur,

Mme Z..., Mme X... et Mme FEDI, premiers conseillers,

assistés de Mme EJEA, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 3 juin 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Marc ROUSTAN Cécile FEDI

Le greffier,

Signé

Françoise EJEA

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 99MA00828 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 99MA00828
Date de la décision : 03/06/2004
Sens de l'arrêt : Avant dire-droit - expertise
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: Mme Cécile FEDI
Rapporteur public ?: M. HERMITTE
Avocat(s) : SCP COULOMBIE GRAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-06-03;99ma00828 ?
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