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28/05/2004 | FRANCE | N°00MA00976

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5eme chambre - formation a 3, 28 mai 2004, 00MA00976


Vu, transmis le 11 mai 2000 par télécopie, régularisé le 15 mai 2000 auprès du greffe de la Cour Administrative d'Appel de Marseille sous le n° 00MA00976, le recours par lequel le préfet du Var a formé appel du jugement en date du 18 novembre 1999 par lequel le Tribunal Administratif de Nice a condamné l'Etat à verser à la société Placement Bail la somme de 2.563.036, 89 F augmentée des intérêts légaux calculés à compter du 28 avril 1997 et de la capitalisation des intérêts échus à partir du 5 mai 1999, déduction faite de l'indemnité provisionnelle de 300.000 F versée

le 30 juillet 1998 ainsi que des sommes versées en vertu de mesures d'ex...

Vu, transmis le 11 mai 2000 par télécopie, régularisé le 15 mai 2000 auprès du greffe de la Cour Administrative d'Appel de Marseille sous le n° 00MA00976, le recours par lequel le préfet du Var a formé appel du jugement en date du 18 novembre 1999 par lequel le Tribunal Administratif de Nice a condamné l'Etat à verser à la société Placement Bail la somme de 2.563.036, 89 F augmentée des intérêts légaux calculés à compter du 28 avril 1997 et de la capitalisation des intérêts échus à partir du 5 mai 1999, déduction faite de l'indemnité provisionnelle de 300.000 F versée le 30 juillet 1998 ainsi que des sommes versées en vertu de mesures d'exécution ultérieures, en réparation du préjudice né pour ladite société du refus de concours de la force publique pour l'expulsion de locataires défaillants ;

Classement CNIJ : 60-01-02-01-01

C

Il soutient que :

- le 25 mars 1995, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Paris a rendu une ordonnance prononçant l'expulsion des occupants du local sis ..., appartenant à la société Placement Bail ;

- le 8 janvier 1996, le concours de la force publique a été réclamé par Me X... huissier de justice désigné par la société propriétaire des locaux ;

- le 9 mars 1996 seulement la responsabilité de l'Etat prend effet ;

- au mois de février 1998, une information est obtenue par les services préfectoraux sur un changement de l'huissier de justice en charge de l'affaire ;

- le 4 décembre 19987, Me Y..., huissier de justice est désigné en remplacement de Me X... ;

- le 13 octobre 1999, Me Y... demande le concours de la force publique, laquelle lui est refusée ;

- le 30 décembre 1999, les services de police sont informés que des arrangements seraient en cours entre la société Placement Bail et ses locataires expulsés ;

- eu égard à cette chronologie la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée qu'entre le 9 mars 1996 et fin février 1998 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 29 mai 2000 au greffe de la Cour Administrative d'Appel de Marseille, le recours présenté par le ministre de l'intérieur, lequel déclare s'approprier l'appel formé par le préfet du Var le 11 mai 2000 ;

Le ministre conclut également :

1°) à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 18 novembre 1999 ;

2°) à ce que l'Etat ne soit déclaré responsable qu'à raison de la période comprise entre le 9 mars 1996 et le 1er février 1998, puis à compter du 13 décembre 1999 ;

Il fait valoir que :

- la procédure d'expulsion a été suspendue entre le mois de février 1998 et le 13 octobre 1999 du seul fait de la société Placement Bail ;

- en condamnant l'Etat au versement d'une indemnité conforme à celle du contrat de crédit bail le Tribunal administratif a commis une erreur dès lors que celle-ci comprend un remboursement de prêt ;

- l'appréciation de ce que le propriétaire aurait pu retirer de l'occupation régulière de ses locaux permet de limiter à 30.000 F par mois l'indemnité due par l'Etat, augmentée le cas échéant des charges d'occupation ;

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 7 septembre 2000, le mémoire en défense présenté pour la Société Placement Bail dont le siège est situé ..., par Me Christian Z... avocat à Paris (750007) et par Me Gilbert A..., avocat à Marseille (13001) ;

La société conclut :

1°) au rejet du recours du ministre ;

2°) à ce qu'il soit enjoint à l'Etat d'exécuter le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 18 novembre 1999 sous astreinte de 5.000 F par jour de retard après l'expiration d'un délai d'un mois ;

3°) à la capitalisation des intérêts échus à la date d'enregistrement de la présente demande ;

4°) à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 25.000 F sur le fondement de l'article L.8-1. du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle fait valoir que :

- devant le refus d'octroi de la force publique pour procéder à l'expulsion des locataires défaillants, elle a déposé le 23 avril 1997 une demande d'indemnisation auprès du préfet du Var ;

- déposé auprès de la cour administrative d'appel le 29 mai 2000 le recours du ministre est tardif et par suite irrecevable ;

- le principe de la condamnation de l'Etat par le Tribunal administratif de Nice, intervenue sur le fondement de la loi n° 91650 du 9 juillet 1991 et du décret 92 755 du 31 juillet 1992, n'est pas discuté par le ministre qui se borne à contester la période et le montant de l'indemnisation ;

- la révocation d'un mandat donné à un huissier de justice n'a pas pour effet de faire disparaître les actes accomplis par ses soins, lesquels n'ont donc pas à être réitérés par le nouvel huissier désigné ;

- les déclarations du locataire en cause faisant état d'un possible arrangement ont été consignées dans un procès-verbal du 21 décembre 1995, antérieur à la demande de concours de la force publique et ne sauraient engager le propriétaire des locaux ;

- en vertu du principe de réparation intégrale du préjudice, l'Etat est tenu d'indemniser la totalité des pertes en relation directe et certaine avec le refus de concours de la force publique. le ministre ne peut assimiler une opération de crédit bail à une opération de vente immobilière pour s'exonérer d'une partie des sommes dues à ce titre puisque le bailleur conserve la propriété du bien qui peut être cédé en fin de location ;

- le ministre ne démontre pas la pertinence des 30.000 F mensuels qu'il propose ;

- les conditions de l'article 1154 du code civil étant remplies à la date du 7 septembre 2000, l'intimée est recevable et fondée à solliciter de nouveau la capitalisation des intérêts échus ;

- les mesures d'exécution du jugement rendu le 18 novembre 1999 doivent être ordonnées par la Cour sur le fondement de l'article L.8-4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu, enregistré le 31 décembre 2001 au greffe de la Cour, le mémoire par lequel le ministre de l'intérieur conclut à ce que soit ordonné le sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 18 novembre 1999 sur le fondement de l'article R.811-16 du code de justice administrative eu égard à l'argumentation de son recours ;

Vu, enregistré le 12 février 2002 au greffe de la Cour, le mémoire présenté par la Société Batical dont le siège est situé ... (54041 Cedex), venant aux droits de la Société Placement Bail, par Me Christian Z... avocat à Paris qui conclut au rejet des conclusions du ministre de l'intérieur et demande que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 3.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; elle se prévaut, en ce qui concerne le fond, des mêmes moyens que ceux présentés en défense le 7 septembre 2000 ; elle soutient, en ce qui concerne la demande de sursis à exécution, qu'elle est irrecevable, dès lors que le recours présenté par le ministre de l'intérieur est tardif et qu'à aucun moment le ministre ne démontre l'existence d'un risque pour perte définitive d'argent, seule condition mise au sursis à l'exécution d'un jugement par l'article R.811.16 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 92.755 du 31 juillet 1992 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 09 avril 2004 :

- le rapport de M. Francoz, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non recevoir tirée de la tardiveté du recours du ministre :

Considérant que la requête du préfet du Var, dont le ministre de l'intérieur s'est expressément approprié les conclusions le 29 mai 2000, a été transmise par télécopie le 11 mai 2000 et a été régularisée auprès du greffe de la Cour le 15 mai 2000, c'est-à-dire à l'intérieur du délai d'appel qui expirait le 16 mai 2000 à 24 heures ; que, par suite, la Société Placement Bail n'est pas fondée à soutenir que le recours examiné est tardif ;

Sur le fond :

Considérant, en premier lieu, que le principe de la responsabilité de l'Etat n'est pas discuté par le ministre ; que, s'agissant de la période d'indemnisation, il y a lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges, d'écarter les moyens invoqués par le ministre ;

Considérant, en deuxième lieu, que si le ministre invoque l'existence d'un accord entre la Société Placement Bail et son locataire, survenu postérieurement à l'introduction du recours examiné, celui-ci ne ressort pas de l'instruction ni d'aucune des pièces produites, tant devant les premiers juges qu'en appel ; qu'il y a lieu par suite d'écarter le moyen ;

Considérant, en troisième lieu, que le préjudice subi par la Société Placement Bail consiste en une privation de jouissance d'un immeuble lui appartenant pendant la période, comprise entre le 9 mars 1996 et le 5 mars 1999, au cours de laquelle le société SOGEPARH s'est maintenue dans les lieux nonobstant la constatation, par ordonnance du 23 mars 1995 du président du tribunal de grande instance de Paris, de l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de crédit-bail dont elle était titulaire ; qu'eu égard à l'objet de la redevance de crédit-bail, qui ne rémunère pas seulement la mise à disposition des locaux, la Société Placement Bail ne saurait prétendre à une indemnité égale aux redevances qu'elle aurait perçues au cours de la période en vertu du contrat passé avec la société SOGEPARH, alors même que l'ordonnance susmentionnée du 23 mars 1995 a fixé l'indemnité d'occupation due par la société SOGEPARH au montant du loyer stipulé ; que, compte tenu notamment du tableau d'amortissement de l'investissement de 4.460.000 F réalisé par la société Placement Bail, et après déduction des amortissements financiers des redevances afférentes à la période de responsabilité, il y a lieu de fixer l'indemnité due à la Société Placement Bail à 1.730.000 F (263.736,80 euros) ;

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que par application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, cette capitalisation s'accomplissant à nouveau à chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que par son jugement du 18 novembre 1999, le Tribunal administratif de Nice a, dès lors que la demande de la Société Placement Bail remplissait les conditions requises, décidé que les intérêts échus devaient être capitalisés au 5 mai 1999 ;qu'il y a lieu d'ordonner que les intérêts seront de nouveau capitalisés à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'exécution du jugement rendu le 18 novembre 1999 :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 reproduit à l'article L.911-9 du code de justice administrative Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné l'Etat au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice... A défaut d'ordonnancement dans les délais mentionnés aux alinéas ci-dessus, le comptable assignataire de la dépense doit, à la demande du créancier et sur présentation de la décision de justice, procéder au paiement ; que, dès lors que la disposition législative précitée permet à la Société Placement Bail, en cas d'inexécution de la présente décision dans les délais prescrits, d'obtenir le paiement des sommes que l'Etat est condamné à verser par cette même décision, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction présentées par la société Batical ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser une somme de 1.500 euros à la Société Batical, sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité de 2.563.036,89 F (390.732,456 euros) que l'Etat a été condamné à verser, en principal, à la Société Placement Bail, par le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 novembre 1999 est ramenée à 263.736,80 euros.

Article 2 : Les intérêts au taux légal de l'indemnité mentionnée à l'article 1er, calculés à compter du 28 avril 1997 et capitalisés au 5 mai 1999, seront de nouveau capitalisés à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 9704136 du 18 novembre 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat est condamné à verser une somme de 1.500 euros à la Société Batical en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du ministre de l'intérieur et de la société Batical est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et à la Société Batical .

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré à l'issue de l'audience du 9 avril 2004, où siégeaient :

M. Moussaron, président,

M. Francoz et M. Pocheron, premiers conseillers,

assistés de Mlle Ranvier, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 28 mai 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Richard Moussaron Patrick-Gilbert Francoz

Le greffier,

Signé

Patricia Ranvier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 00MA00976


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA00976
Date de la décision : 28/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: M. Patrick FRANCOZ
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : SINDRES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-05-28;00ma00976 ?
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