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27/05/2004 | FRANCE | N°99MA01621

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 27 mai 2004, 99MA01621


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 août 1999, sous le n° 99MA01621, présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité ;

Le ministre demande à la Cour :

- 1°/ d'annuler le jugement n°96-1897 en date du 15 juin 1999, par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision en date du 22 août 1994 du ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville en tant qu'elle a rejeté la demande de la société des laboratoires Veyron et Froment tendant à l'indemnisation de son manque à gagner

pour un montant de 6.990.379 francs et condamné l'Etat à leur payer ladite so...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 août 1999, sous le n° 99MA01621, présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité ;

Le ministre demande à la Cour :

- 1°/ d'annuler le jugement n°96-1897 en date du 15 juin 1999, par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision en date du 22 août 1994 du ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville en tant qu'elle a rejeté la demande de la société des laboratoires Veyron et Froment tendant à l'indemnisation de son manque à gagner pour un montant de 6.990.379 francs et condamné l'Etat à leur payer ladite somme avec intérêts à compter du 2 mai 1994, outre une somme de 11.860 francs au titre des frais d'instance ;

- 2°/ à titre principal, de ramener le montant de la condamnation de l'Etat à la somme de 1.747.594,75 francs et, à titre subsidiaire, de désigner un expert aux fins de départager les montants dus ;

Classement CNIJ : 60-01-04-01

C

Il soutient à titre principal, que la somme à laquelle il a été condamné englobe la totalité du chiffre d'affaires réalisé par la société pour la vente du médicament Arginine Veyron et ne distingue pas la part des ventes réalisées dans les indications hépatologiques ; que la part des prescriptions en hépatologie de l'Arginine Veyron ne dépasse pas les 25% ; que les autres prescriptions concernent les symptômes d'asthénie à 53,40% et les troubles oesophagiens à 12% ; qu'ainsi, l'indemnité due par l'Etat au laboratoire doit être minorée d'au moins 75% afin de ne prendre en compte que le préjudice réellement subi par le laboratoire qui se limite à la part de marché constitué par les ventes d'Arginine Veyron dans les indications hépatologiques, ce qui ramènerait le montant à la somme de 1.747.594,75 francs ; enfin, à titre subsidiaire, qu'un expert pourrait être nommé en vue de départager les montants dûs ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2002, présenté pour les laboratoires Veyron et Froment par la SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Les laboratoires Veyron et Froment demandent à la Cour de rejeter l'appel du ministre et de condamner l'Etat à leur verser une somme de 5.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que pour le calcul du préjudice, il n'y a pas lieu de distinguer les ventes selon les indications thérapeutiques dans la mesure où la radiation de l'Arginine Veyron était illégale et fautive dans ses formes buvables comme dans ses formes injectables, dans ses prescriptions en hépatologie comme dans ses prescriptions anti-asthéniques ; que les prescriptions de l'Arginine Veyron concernent essentiellement les indications hépatologiques ; que les données avancées par le ministre sont peu fiables car collectées à partir d'un échantillon très limité de 840 médecins en 1998-1999 ; que les données 1999-2000 issues de la même source révèlent en revanche que l'Arginine Veyron est prescrite à 68% en regard du diagnostic dyspepsies et autres troubles fonctionnels de l'estomac ; qu'enfin, l'indication du médicament dans les cas d'asthénie n'a jamais été revendiquée par les laboratoires Veyron et Froment qui ont demandé la suppression de cette indication dans l'édition VIDAL de 1994 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2004 :

- le rapport de Mme MASSE-DEGOIS, conseillère ;

- les observations de Me X... de la SCP LYON-CAEN FABIANI THIRIEZ ;

- et les conclusions de M. TROTTIER, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un arrêté interministériel en date du 28 février 1991, le ministre des affaires sociales et de la solidarité et le ministre délégué à la santé ont procédé à la radiation de 141 produits de la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux parmi lesquels l'Arginine Veyron fabriquée par les laboratoires Veyron et Froment ; que le 9 juillet 1993, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêté à raison du fait qu'il ne comportait l'exposé d'aucun motif en méconnaissance des objectifs définis par la directive du Conseil n°89-105 du 21 décembre 1988 relative à la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance maladie ;

Considérant que le ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville et le ministre délégué à la santé ont modifié le 17 août 1993 la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux et radié de ladite liste la spécialité pharmaceutique Arginine Veyron sous ses formes buvables et injectables aux motifs respectivement que, dans le premier cas, les produits anti-asthéniques n'étaient pas indispensables à la thérapeutique et que leur long usage constituait une dépense injustifiée pour l'assurance maladie et, dans le second cas, en raison du risque de report de prescription sur la spécialité sous ses formes injectables après la suppression du remboursement des formes buvables ; que le Conseil d'Etat, saisi du litige, a annulé l'arrêté interministériel par un arrêt du 16 février 1996 aux motifs que l'Arginine possédait des propriétés en hépatologie et qu'en prononçant la radiation de cette spécialité pour les motifs susmentionnés, sans rechercher si, compte tenu desdites propriétés, il y avait lieu, de procéder à cette radiation, alors même que la plus grande partie des prescriptions de l'Arginine concernerait des pathologies proches de l'asthénie, les ministres avaient entaché leur arrêté d'une erreur de droit ;

Considérant enfin, que le tribunal administratif de Marseille, par un jugement en date du 15 juin 1999, a condamné l'Etat à verser aux laboratoires Veyron et Froment une somme de 6.990.379 francs en réparation du préjudice né de la radiation illégale de la spécialité Arginine Veyron de la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux ;

Considérant que le ministre de l'emploi et de la solidarité fait appel de cette décision en contestant le montant de l'indemnité à laquelle il a été condamné ; qu'il soutient que la radiation de l'Arginine Veyron dans l'indication anti-asthénique n'ayant jamais été remise en cause par le juge administratif, le montant de la réparation doit être minoré de 75% afin de ne tenir compte que de la part de marché constituée par les ventes dans les indications hépatologiques ;

Considérant que le ministre de l'emploi et de la solidarité ne conteste pas que l'illégalité de l'arrêté interministériel du 28 février 1991 et celle de l'arrêté du 17 août 1993 engagent la responsabilité de l'Etat à l'égard des laboratoires Veyron et Froment ; que d'une part, il résulte de l'instruction et ainsi que l'a relevé le tribunal, l'absence d'exposé des motifs du premier arrêté portant radiation de l'Arginine Veyron de la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables a empêché les laboratoires Veyron et Froment de faire valoir auprès de l'administration ses arguments avant l'intervention de l'arrêté du 17 août 1993 ; que d'autre part, cet arrêté qui prononçait une seconde fois la radiation de l'Arginine Veyron, en raison du caractère anti-asthénique de ce médicament, a été annulé pour erreur de droit au motif que les ministres s'étaient abstenus de rechercher si cette radiation était justifiée au regard de ses propriétés en hépatologie et ce, alors même que la plus grande partie des prescriptions du produit concernerait des pathologies proches de l'asthénie ; que dès lors, contrairement à ce que soutient le ministre, le préjudice des requérants ne peut se limiter à la seule part de marché constituée par les ventes dans les indications hépatologiques ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'emploi et de la solidarité n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Marseille l'a condamné à verser la somme de 6.990.379 francs aux laboratoires Veyron et Froment ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat (ministre de la santé et de la protection sociale) à payer aux laboratoires Veyron et Froment la somme de 1.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l'emploi et de la solidarité est rejeté.

Article 2 : L'Etat (ministre de la santé et de la protection sociale) versera une somme de 1.000 euros aux laboratoires Veyron et Froment sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la santé et de la protection sociale et aux laboratoires Veyron et Froment.

Délibéré à l'issue de l'audience du 13 mai 2004, où siégeaient :

M. DARRIEUTORT, président de chambre,

M. CHAVANT, premier conseiller,

Mme MASSE-DEGOIS, conseillère,

assistés de M. BOISSON, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 27 mai 2004.

Le président, Le rapporteur,

Jean-Pierre DARRIEUTORT Christine MASSE-DEGOIS

Le greffier,

Alain BOISSON

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la protection sociale en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

5

N°99MA01621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA01621
Date de la décision : 27/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN FABIANI THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-05-27;99ma01621 ?
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