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27/05/2004 | FRANCE | N°00MA00315

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 27 mai 2004, 00MA00315


Vu 1°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille

le 15 février 2000, sous le n° 00MA00315, présentée pour Mme Anne-Marie X demeurant ...) par Me MOSTUEJOULS-CANTALOUBE, avocat ;

Classement CNIJ : 60-04-01

C

Mme X demande à la Cour :

1°/ d'annuler l'ordonnance n° 99-3677 en date du 23 décembre 1999, par laquelle le magistrat délégué chargé des référés au tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à ce que, d'une part, soit ordonné un complément d'expertise afin d'évaluer à la sui

te de sa contamination par le virus de l'hépatite C son taux d'incapacité permanente que l'expert SEBA...

Vu 1°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille

le 15 février 2000, sous le n° 00MA00315, présentée pour Mme Anne-Marie X demeurant ...) par Me MOSTUEJOULS-CANTALOUBE, avocat ;

Classement CNIJ : 60-04-01

C

Mme X demande à la Cour :

1°/ d'annuler l'ordonnance n° 99-3677 en date du 23 décembre 1999, par laquelle le magistrat délégué chargé des référés au tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à ce que, d'une part, soit ordonné un complément d'expertise afin d'évaluer à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C son taux d'incapacité permanente que l'expert SEBAHOUN, précédemment désigné, n'a pas été en mesure de chiffrer, et d'autre part, soit rectifié l'erreur commise dans le rapport d'expertise déposé le 4 juin 1999 relative à la date de la transfusion sanguine litigieuse et enfin, la clinique de l'Espérance, le Centre hospitalier intercommunal de Toulon, le département du Var et la Caisse primaire d'assurance maladie du Var soient condamnés à lui verser à titre de provision, la somme 150 000 F à valoir sur une indemnité de

2 000 000 F qu'elle sollicite en réparation de l'entier préjudice subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C à la suite d'une transfusion sanguine pratiquée à la clinique de l'Espérance à Hyères ;

2°/ d'ordonner un complément d'expertise ;

3°/ de condamner le Centre hospitalier intercommunal de Toulon et la Seyne-sur-Mer ainsi que le Centre de transfusion sanguine du Var à lui payer la somme de 150 000 F à titre de provision dans l'attente du jugement au fond par la juridiction administrative, outre une somme de 5 000 F au titre des frais d'instance ;

Elle soutient qu'un complément d'expertise se trouve justifié du fait, d'une part, que l'expert nommé par le tribunal administratif de Nice n'a pas fixé son taux d'IPP alors que sa mission le lui imposait et que le rapport indique que ce taux ne pouvait être évalué que six mois après l'arrêt du traitement soit en janvier 2000, et d'autre part, que le rapport de l'expert comporte une erreur quant à la date de la transfusion sanguine litigieuse ; qu'une provision doit lui être accordée dans la mesure où elle était indemne de toute affection pathologique avant la date de la transfusion sanguine et que les deux rapports d'expertise reconnaissent le caractère probable de la contamination transfusionnelle et l'absence de traçabilité des poches de sang ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2000, présenté pour la Caisse primaire d'assurance maladie du Var par Me DEPIEDS et LACROIX, avocats associés ;

La Caisse demande à la Cour d'annuler l'ordonnance du 23 décembre 1999 attaquée et de faire droit à la requête de Mme X ;

Elle soutient qu'elle a été amenée à prendre en charge Mme X au titre de l'assurance maladie et qu'elle a servi des prestations dont le décompte n'est pas établi à ce jour ;

Vu le mémoire enregistré le 11 avril 2000, présenté pour l'Etablissement français du sang (EFS) par la SCP BAFFERT-FRUCTUS, avocat ;

L'établissement demande à la Cour, à titre principal, sa mise hors de cause, et à titre subsidiaire, de rejeter la requête de Mme X, et à titre infiniment subsidiaire, si elle devait faire droit à la demande de provision sollicitée, de réduire le montant de la provision ;

Il soutient qu'il intervient volontairement aux débats aux lieu et place du Groupement d'Intérêt Public du Var ; qu'il n'est pas le fournisseur du sang incriminé et qu'il n'est pas possible au vu du rapport d'expertise d'identifier l'établissement de transfusion sanguine fournisseur dès lors que l'expert indique que la victime a été transfusée en urgence avec cinq unités de sang provenant d'une réserve présente à la clinique et non distribuée nominalement à la malade ; qu'ainsi sa responsabilité ne peut se trouver engagée ; qu'en tout état de cause, les modes de contamination par le virus de l'hépatite C ne proviennent qu'à 37% de la transfusion sanguine et que la victime a été confrontée à d'autres facteurs de risques alors que le risque statistique d'une telle contamination est de l'ordre de 1,25 % compte tenu du nombre de flacons transfusés ; qu'enfin, la seule responsabilité de la clinique de l'Espérance doit être retenue dès lors qu'elle n'a pas satisfait aux exigences de la circulaire relative à la prévention des accidents transfusionnels et notamment l'établissement d'une fiche sur la nature du produit sanguin transfusé, le numéro du flacon et la date de transfusion ;

Vu le mémoire enregistré le 12 mai 2000, présenté par le Centre hospitalier intercommunal de Toulon et la Seyne-sur-Mer par lequel il informe la Cour de ce qu'il n'a aucune observation à formuler ;

Vu le mémoire et les pièces enregistrés les 14 et 26 juin 2000 pour Mme X par Me MOSTUEJOULS-CANTALOUBE, avocat ;

La requérante persiste dans ses précédentes écritures par les mêmes moyens et demande en outre que la somme de 150 000 F soit assortie d'une astreinte de 2 000 F par jour de retard et que l'Etablissement français du sang soit condamné au paiement des frais d'expertise ;

Elle fait en outre valoir qu'en l'absence de détermination de son taux d'IPP, elle ne peut chiffrer d'une manière définitive son entier préjudice ; que le rapport est entaché d'une grave erreur de date et que la transfusion litigieuse du 18 août 1983 est à l'origine de son hépatite C et qu'ainsi, la responsabilité de l'Etablissement français du sang et le Centre hospitalier intercommunal de Toulon et la Seyne-sur-Mer est engagée ;

Vu les mémoires enregistrés les 12 juillet et 13 septembre 2000 présentés pour le département du Var, représenté par le président du conseil général dûment habilité par une délibération de la commission permanente en date du 21 août 2000, par Me VANZO, avocat ;

Le département demande à la Cour de prononcer sa mise hors de cause, de confirmer l'ordonnance critiquée du 23 décembre 1999 et de condamner Mme X à lui verser la somme de 15 000 F au titre des frais d'instance ;

Vu le mémoire enregistré le 16 octobre 2000 présenté pour Mme X par

Me MOSTUEJOULS-CANTALOUBE, avocat, par lequel la requérante persiste dans ses précédentes conclusions ;

Vu les mémoires enregistrés les 23 octobre 2000 et 26 avril 2004 présentés pour le département du Var par Me VANZO, avocat ;

Le département persiste dans ses précédentes écritures tendant à sa mise hors de cause en rappelant que la transfusion litigieuse a eu lieu à une période où la gestion du centre de transfusion sanguine ne lui était pas encore dévolue ; qu'à cette date, en application de la convention du 26 août 1969 conclue entre le préfet du département du Var et le Centre hospitalier de Toulon, cette gestion incombait au Centre hospitalier de Toulon ;

Vu le mémoire enregistré le 3 novembre 2000, présenté pour l'Etablissement français du sang (EFS) par la SCP BAFFERT-FRUCTUS, avocat ;

L'Etablissement français du sang demande à la Cour de lui donner acte de son intervention volontaire aux lieu et place du G.I. P Etablissement départemental de transfusion sanguine du Var, de prononcer la mise hors de cause du département du Var ainsi que le Centre hospitalier de Toulon- La Seyne-sur-Mer en sa qualité de gestionnaire du G.I.P Etablissement départemental de transfusion sanguine du Var ;

Il soutient que sa responsabilité ne saurait être retenue dans la mesure où il n'est pas possible de déterminer s'il était le fournisseur du sang qui a été transfusé à Mme X ; que ce sang pouvait provenir des réserves personnelles de la clinique ; qu'ainsi, l'indemnisation du préjudice de la victime doit être mise à la charge exclusive de la clinique ; que si la contamination par le virus de l'hépatite C peut provenir d'une transfusion, elle peut également résulter d'une affection nosocomiale, d'une toxicomanie, d'une exposition professionnelle ou d'une contamination par voie sexuelle ; que, compte tenu des nombreuses interventions chirurgicales subies par Mme X et de la faible probabilité statistique de contamination transfusionnelle, sa contamination est d'origine nosocomiale ; qu'enfin et à titre subsidiaire, la demande de provision demandée par la victime doit tenir compte des conclusions de l'expert qui a fixé une ITT de quatre jours et un pretium doloris de 2 sur 7 ;

Vu les mémoires enregistrés les 20 novembre 2000 et 1er février 2001, présentés par le Centre hospitalier intercommunal de Toulon et la Seyne-sur-Mer par lesquels il informe la Cour de ce qu'il n'a aucune observation à formuler ;

Vu le mémoire enregistré le 20 novembre 2000 présenté pour la clinique de l'Espérance dont le siège est 14 bis, avenue Victoria à Hyères (83400) par Me SERVEL, avocat ;

La clinique demande à la Cour de prendre acte de ce que Mme X ne demande plus sa condamnation et de confirmer le jugement critiqué ;

Vu les mémoires enregistrés les 29 décembre 2000 et 7 mai 2004, par lesquels l'Etablissement français du sang (EFS) représenté par la SCP BAFFERT-FRUCTUS avocats persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le dépôt de pièces enregistré le 9 mars 2001 pour Mme X par

Me MOSTUEJOULS-CANTALOUBE, avocat ;

Vu 2°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille

le 26 septembre 2002, sous le n° 02MA02133, présentée pour Mme Anne-Marie X demeurant 1, rue Edouard Branly à Hyères (Var) par Me MOSTUEJOULS-CANTALOUBE, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 99-4005 du 29 mars 2002 par lequel le tribunal administratif de Nice

a évalué son préjudice à la somme de 16 000 euros ;

- de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 228 673,52 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir en réparation des préjudices physiques et moraux et des troubles dans les conditions d'existence sous astreinte de 1 000 F par jour de retard à compter de la décision à intervenir, outre une somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance et de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang les frais d'expertise ;

Elle soutient que le tribunal a insuffisamment indemnisé son préjudice ; que les premiers juges n'ont pas tenu compte du caractère évolutif de sa maladie, des souffrances endurées et de son âge à la date de la découverte de sa maladie ; qu'elle subit des troubles dans les conditions d'existence puisqu'elle ne peut plus jardiner, faire du sport, boire d'alcool et en outre avoir de relations sexuelles avec son mari sans utiliser de préservatifs ; que son état nécessite une surveillance médicale continue, qu'elle est dépressive et qu'elle ne peut plus mener une vie normale ; qu'elle arrête son préjudice à la somme de 152 449,03 euros ; qu'enfin, sa maladie

l'a privée de toute possibilité de continuer de travailler puisque depuis 1989, elle est en état d'invalidité 2ème catégorie et qu'elle ne peut plus contracter d'emprunt auprès des banques ; qu'elle évalue le préjudice économique à la somme de 76 224,51 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 7 mai 2004, présenté pour l'Etablissement français du sang par la SELARL BAFFERT-FRUCTUS associés, avocat ;

L'Etablissement demande à la Cour la jonction des affaires enregistrées sous

les n° 02MA02133 et n° 02MA02182 , la réduction des sommes indemnitaires allouées à Mme X, le rejet de ses conclusions tendant à la réparation de son préjudice spécifique et son préjudice économique et la condamnation de la partie succombante aux entiers dépens ;

Il soutient qu'il intervient aux lieu et place du Centre hospitalier de Toulon sur le fondement d'une convention signée en septembre 1999, qu'il n'entend plus contester sa responsabilité, que le préjudice allégué de Mme X est sans lien avec la contamination par le virus de l'hépatite C et ne peut être indemnisé, que la requérante ne fournit aucun élément médical permettant d'apprécier les préjudices dont elle souffre et que le préjudice né de la contamination par le virus de l'hépatite C n'est pas assimilable à celui résultant de la contamination par le virus du SIDA dans la mesure où la presse médicale fait apparaître un très fort taux de guérison ;

Vu 3°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille

le 4 octobre 2002, sous le n° 02MA02182, présentée pour l'Etablissement français du sang (E.F.S) représenté par son directeur en exercice dont le siège est 100, avenue de Suffren à Paris (75015) par la Selarl BAFFERT-FRUCTUS associés, avocat ;

L'Etablissement demande à la Cour :

- de lui donner acte de son intervention volontaire aux débats aux lieu et place du G.I.P Etablissement départemental de transfusion sanguine du Var ;

- d'annuler le jugement n° 99-4005 du 29 mars 2002 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamné à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme

de 93 282,34 euros ;

- de rejeter les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie du Var ;

Il soutient que les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir que cette somme correspond à des prestations qui ont pour origine directe et exclusive la contamination par le virus de l'hépatite C de Mme X ; qu'ainsi, il n'est pas établi que les indemnités versées en 1989 et 1990 présenteraient un lien avec l'hépatite auto-immune et un nodule bénin au sein dont était atteinte Mme X ; qu'il en est de même pour les frais d'hospitalisation en 1997 et 1998 dans la mesure où la victime a fait l'objet d'une pose de prothèse du genou à cette période et pour les arrérages échus de la pension d'invalidité, des frais pharmaceutiques et médicaux compte tenu des pathologies indépendantes que présentait également l'intéressée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 13 mars 2003, présenté par le Centre hospitalier intercommunal de Toulon et la Seyne-sur-Mer par lequel il informe la Cour de ce qu'il n'a aucune observation à formuler ;

Vu le mémoire enregistré le 1er avril 2003 pour la Caisse d'assurance maladie du Var dont le siège est 42, rue Emile Ollivier à Toulon (83082) représentée par son directeur en exercice, par Me DEPIEDS, avocat ;

La caisse demande à la Cour :

- de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nice du 29 mars 2002 ;

- de faire droit à sa requête et de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 95 128,34 euros en réparation du préjudice causé par la contamination par le virus de l'hépatite C lors de la transfusion de sang du 18 août 1983 avec intérêts de droit ainsi qu'au paiement de toutes notes ultérieures qu'elle pourrait être amenée à régler, outre une somme de 762,25 euros au titre du 5ème alinéa de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;

Elle soutient qu'elle a été amenée à prendre en charge Mme X au titre de l'assurance maladie et qu'elle a servi à ce jour pour le compte de son assurée la somme globale de 95 128,34 euros au terme d'un décompte joint en appel ;

Vu le mémoire enregistré le 7 octobre 2003, présenté par Mme X demeurant

26, montée du Cimetière, Les Aiguières (83210) par lequel elle soutient que l'hépatite C dont elle est atteinte résulte d'une contamination transfusionnelle ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 4 mai 2004, pour la Caisse d'assurance maladie du Var par Me DEPIEDS, avocat, par lequel la caisse persiste dans ses précédentes écritures en arrêtant le montant des prestations versées à Mme X suite à sa contamination par le virus de l'hépatite C à la somme de 95 942,81 euros ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 7 mai 2004 présenté pour l'Etablissement français du sang (E.F.S) par la SELARL BAFFERT-FRUCTUS associés, avocats par lequel

il persiste dans ses précédentes écritures en faisant valoir que les pièces versées au dossier ne permettent pas d'établir que le montant réclamé par la caisse correspond à des prestations qui ont pour origine directe et exclusive la contamination par le virus de l'hépatite C de

Mme X et que tel est le cas pour les hospitalisations postérieures à celle

du 6 au 9 janvier 1997, des arrérages échus de la pension d'invalidité et des frais pharmaceutiques et médicaux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme et notamment son article 18 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2000 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, et notamment son article 102 :

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2004 ;

- le rapport de Mme MASSE-DEGOIS, conseillère ;

- les observations de Me BERAUD de la SCP BAFFERT-FRUCTUS pour l'Etablissement français du sang et de Me MOSTUEJOULS-CANTALOUBE pour

Mme X ;

- et les conclusions de M. TROTTIER, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 00MA0315, n° 02M02133 et n° 02M102182 présentées pour Mme X et pour l'Etablissement français du sang sont relatives aux conséquences d'une même contamination virale et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;

Sur les conclusions de la requête n° 02MA02133 :

Considérant que Mme X soutient que le tribunal administratif de Nice

a insuffisamment indemnisé son préjudice né de la contamination par le virus de l'hépatite C suite à une transfusion sanguine du 18 août 1883 ;

Considérant, d'une part, que Mme X demande que l'Etablissement français du sang soit condamné à lui verser une somme 76 224,51 euros en réparation des pertes de revenus professionnels et de l'impossibilité de contracter un emprunt entraînées par sa contamination par le virus de l'hépatite C lors de la transfusion sanguine qu'elle a subie le 18 août 1983 ; que toutefois, l'intéressée n'apporte à l'appui de ses demandes aucun élément permettant d'établir la réalité du préjudice ainsi allégué ; que par suite, Mme X n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement critiqué en tant qu'il a considéré que l'accident de travail dont elle a été victime en 1985 et le licenciement économique dont elle a fait l'objet en 1987 étaient sans rapport avec sa pathologie révélée en 1989 et pour laquelle elle a bénéficié dès le 17 février 1989 du versement d'indemnités journalières de l'assurance maladie pour une maladie longue et coûteuse ;

Considérant, d'autre part, que Mme X soutient que le tribunal pour indemniser son préjudice résultant des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence n'a pas suffisamment tenu compte de la gravité des répercussions dans sa vie quotidienne de sa contamination par le virus de l'hépatite C, de l'importance de son état dépressif et de son âge à la date de l'apparition des symptômes de la maladie ; qu'il résulte de l'instruction que l'état hépatique de Mme X a nécessité un suivi médical, de nombreux bilans biologiques et des hospitalisations ; que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise complémentaire, compte tenu de l'âge de la victime à la date de sa contamination, de la nature et de la gravité des troubles dans les conditions d'existence que connaît Mme X du fait de cette pathologie et du retentissement dans sa vie personnelle, il y a lieu de porter à 30 000 euros l'indemnité qui lui a été accordée à ce titre par les premiers juges, cette indemnité réparant les troubles de toute nature au nombre desquels figurent les préjudices d'agrément et sexuel ainsi que les souffrances physiques endurées ;

Sur les frais d'expertise

Considérant qu'il y a lieu de confirmer le jugement en tant qu'il met à la charge définitive de l'Etablissement français du sang les frais d'expertise exposés en première instance liquidés à la somme de 381,12 euros ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

Considérant qu'en dehors des cas expressément prévus par des dispositions législatives particulières, inapplicables en l'espèce, du code de justice de justice administrative, il n'appartient pas à la Cour d'adresser des injonctions sous astreinte à l'administration ; que les conclusions de Mme X n'entrent notamment pas dans les prévisions des articles L. 911-1 et L.911-3 du code précité ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etablissement français du sang à payer à Mme X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions de la requête n°02MA2182 :

Considérant que l'Etablissement français de sang demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'il reprend l'instance aux lieu et place du G.I.P Etablissement départemental de transfusion sanguine du Var ; que cette reprise d'instance étant conforme aux dispositions de l'article 18 de la loi susvisée du 1er juillet 1998, il y a lieu pour la Cour d'en donner acte ;

Considérant, d'une part, que l'Etablissement français du sang soutient que le tribunal ne pouvait pas le condamner à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 93 282,34 euros dans la mesure où cet organisme ne justifiait pas de la relation directe entre ce montant et la contamination litigieuse ; qu'il résulte de l'instruction, que les indemnités journalières versées à Mme X pour un montant total de 11 394,03 euros, les arrérages échus pour un montant de 46 091,66 euros, les frais médicaux et pharmaceutiques pour un montant de 5 006,27 euros ainsi que les frais liés à l'hospitalisation du 6 au 9 janvier 1997 présentent un lien avec l'hépatite C dont Mme X est atteinte ; qu'en revanche, il n'est pas établi que les frais liés aux périodes d'hospitalisations autres que celle du 6 au 9 janvier 1997 et ceux afférents aux actes de radiologie et aux massages présentent un lien direct de causalité avec la contamination de Mme X par le virus de l'hépatite C ; que par suite, la Caisse primaire d'assurance maladie du Var s'abstenant d'apporter les justifications de ces débours pourtant contestés dans leur montant, ne peut prétendre à en obtenir le remboursement ; qu'il suit de là, que l'Etablissement français du sang est fondé à rechercher l'annulation du jugement critiqué en ce qu'il l'a condamné à verser la somme de 93 282,34 euros à

la Caisse primaire d'assurance maladie du Var ; que par suite, il y a lieu de ramener ladite somme à celle de 63 471,14 euros ;

Considérant, d'autre part, que la Caisse d'assurance maladie du Var demande la réactualisation de ses débours ; que toutefois, la seule circonstance que la caisse soit intervenue dans la prise en charge des soins postérieurs à la date du jugement critiqué dont le remboursement est demandé ne suffit pas à justifier que ceux-ci ont été exposés à la suite de la contamination par le virus de l'hépatite C de Mme X ; que les conclusions du rapport d'expertise ne permettent pas d'établir un tel lien ; que par suite, la demande incidente de la Caisse primaire d'assurances maladie du Var doit être rejetée ;

Considérant enfin, que la caisse a présenté pour la première fois devant la Cour des conclusions tendant à ce que l'Etablissement français du sang soit condamné à lui rembourser l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ; que ces conclusions sont nouvelles et, par suite, irrecevables ;

Sur les conclusions de la requête n° 00MA0315 :

Considérant que par le présent arrêt, la Cour a statué sur la demande d'indemnité présentée par Mme X ; qu'ainsi, la requête de l'intéressée tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 99-3677 en date du 23 décembre 1999, par laquelle le magistrat délégué chargé des référés au tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande de complément d'expertise, de rectification de l'erreur commise dans le rapport d'expertise déposé

le 4 juin 1999 relative à la date de la transfusion sanguine litigieuse et de provision est devenue sans objet ; qu'il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions présentées par Mme X et par le département du Var tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application desdites dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de l'Etablissement français du sang est admise.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de Mme X enregistrée sous le n° 00MA00315.

Article 3 : La somme de 16 000 euros que l'Etablissement français du sang a été condamné à verser à Mme X par le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 29 mars 2002 est portée à 30 000 euros.

.

Article 4 : La somme de 93 282,34 euros que l'Etablissement français du sang a été condamné à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie du Var par le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 29 mars 2002 est ramenée à 63 471,14 euros.

Article 5 : L'Etablissement français du sang supportera les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 381,12 euros.

Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 99-4005 du 29 mars 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : Le surplus de la requête de l'Etablissement français du sang enregistrée sous le n° 02MA2182 et les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie du Var sont rejetées.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X enregistrée sous le n° 02MA02133 est rejeté.

Article 9 : L'Etablissement français du sang versera à Mme X la somme de

1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative dans le cadre de l'instance n° 02MA02133.

Article 10 : Les conclusions présentées par Mme X et par le département du Var sous le n° 00MA00315 sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 11 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X, à l'Etablissement français du sang, à la Caisse primaire d'assurance maladie du Var, au département du Var, à la clinique de l'Espérance et au Centre hospitalier intercommunal de Toulon-la Seyne sur Mer.

Copie sera adressée à Me BERAUD, Me MOSTUEJOULS-CANTALOUBE,

Me DEPIEDS, Me VANZO, Me SERVEL, au préfet du Var et au ministre de la santé et de la protection sociale.

Délibéré à l'issue de l'audience du 13 mai 2004, où siégeaient :

M. DARRIEUTORT, président de chambre,

M. CHAVANT, président assesseur,

Mme MASSE-DEGOIS, conseillère,

assistés de M. BOISSON, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 27 mai 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Jean-Pierre DARRIEUTORT Christine MASSE-DEGOIS

Le greffier,

Signé

Alain BOISSON

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la protection sociale en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 00MA00315 02MA02133 13

02MA02182


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA00315
Date de la décision : 27/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : DE MOSTUEJOULS-CANTALOUBE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-05-27;00ma00315 ?
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