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06/05/2004 | FRANCE | N°00MA00603

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 06 mai 2004, 00MA00603


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 mars 2000 sous le n° 00MA00603 présentée pour Mme Marie-Louise X, demeurant ..., par la SCP Dufour-Hartemann-Martin-Palazzolo, avocats, et le mémoire complémentaire en date du 2 avril 2004 ;

Mme Marie-Louise X demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 98-325 en date du 21 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier universitaire de Toulon-La Seyne-sur-Mer et de l'Etablissement départemental

de transfusion sanguine du Var à lui verser une somme de 450.000 francs...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 mars 2000 sous le n° 00MA00603 présentée pour Mme Marie-Louise X, demeurant ..., par la SCP Dufour-Hartemann-Martin-Palazzolo, avocats, et le mémoire complémentaire en date du 2 avril 2004 ;

Mme Marie-Louise X demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 98-325 en date du 21 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier universitaire de Toulon-La Seyne-sur-Mer et de l'Etablissement départemental de transfusion sanguine du Var à lui verser une somme de 450.000 francs avec intérêts de droit en réparation du préjudice consécutif à la transfusion de produits sanguins contaminés par le virus de l'hépatite C qui lui a été administrée le 30 juin 1978 ;

2'/ de condamner le Centre hospitalier universitaire de Toulon-La Seyne-sur-Mer au paiement des sommes indiquées ci-dessus portant intérêt à compter de la saisine du tribunal administratif ;

Classement CNIJ : 60-02-01-01-02-01

C+

3°/ de condamner le Centre hospitalier universitaire de Toulon-La Seyne-sur-Mer à lui payer une somme de 10.000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient qu'il existe un faisceau d'indices selon lequel elle aurait contracté l'hépatite en 1978 en raison de lots de sang contaminé, lors d'une transfusion ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires présentés le 28 juillet 2000, le 24 mars 2004 et 7 avril 2004 pour la Caisse primaire d'assurance maladie du Var, dont le siège se situe 42, rue Emile Ollivier ZUP La Rose 83082 Toulon Cedex, par Me Depieds et Lacroix, avocats ; la Caisse primaire d'assurance maladie du Var conclut à la condamnation du Centre hospitalier universitaire de Toulon-La Seyne-sur-Mer à lui verser une somme de 113.151, 65 francs à raison des sommes qui lui sont dues, 5.000 francs au titre de l'ordonnance du 24 janvier 1996 et 3.000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu les mémoires en défense enregistrés les 13 juillet 2001, 5 mars 2004 présentés pour l'Etablissement français du sang dont le siège est situé 100 avenue de Suffren, 75015 Paris, par la SCP BF, avocats ; l'Etablissement français du sang conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il est très improbable que la transfusion soit à l'origine de la contamination, qu'à supposer même qu'elle le soit la responsabilité de l'Etablissement français du sang n'est pas engagée dans la mesure où il n'est pas établi que les lots sanguins proviendraient d'organismes dont elle a repris les contentieux, qu'en tout état de cause, les préjudices de la requérante sont surévalués ;

Vu les mémoires en défense enregistrés les 23 juillet 2003, 29 mars 2004 présentés par le Centre hospitalier universitaire de Toulon-La Seyne-sur-Mer ; le Centre hospitalier universitaire de Toulon-La Seyne-sur-Mer conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il n'est pas établi que la patiente ait été transfusée, que la créance est prescrite, que l'imputabilité de la maladie à la transfusion n'est pas établie puisqu'il n'existe plus aucune trace, que l'arrêt Mme Tato du 10 octobre 2003 du Conseil d'Etat confirme qu'il ne saurait être condamné ;

Vu l'ordonnance du 15 mars 2004 par laquelle le président de la 3ème chambre de la Cour administrative d'appel a rouvert l'instruction ;

Vu la communication aux parties d'un moyen susceptible d'être soulevé d'office par la Cour administrative d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2004 :

- le rapport de M. MARCOVICI, premier conseiller ;

- les observations de Me Duran substituant la SCP Dufour-Hartemann-Martin-Palazzolo pour Mme X, Me Demailly substituant Me Le Prado pour le Centre hospitalier universitaire de Toulon-La Seyne-sur-Mer, Me Beraud de la SERARL Baffert-Fructus pour l'Etablissement français du sang ;

- et les conclusions de M. TROTTIER, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme Marie-Louise X a subi une hystérectomie, le 30 juin 1978 à la polyclinique mutualiste Malartic, à Ollioules ; qu'elle soutient qu'à cette occasion il a été procédé à une transfusion de sang ; qu'il n'est pas sérieusement contesté par l'Etablissement français du sang que ces produits sanguins ont été fournis par le centre de transfusion sanguine de Toulon géré, à l'époque, par le Centre hospitalier universitaire de Toulon-La Seyne-sur-Mer ; qu'au cours de l'année 1989, il a été constaté que l'intéressée était contaminée par le virus de l'hépatite C ; que Mme Marie-Louise X conteste le jugement en date du 21 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier de Toulon à réparer les conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que l'Etablissement français du sang venant aux droits de Centre hospitalier universitaire de Toulon conclut au rejet de la requête ;

Sur la prescription :

Considérant que l'Etablissement français du sang n'est pas fondé à soutenir que la demande serait prescrite dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'état de santé de Mme X serait consolidé ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi susvisée du 4 mars 2002 : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant que pour rejeter la demande de Mme X tendant à ce que le Centre hospitalier universitaire de Toulon soit déclaré responsable des préjudices subis en raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C qu'elle aurait contracté lors de la transfusion sanguine effectuée au mois de juin 1978, le Tribunal administratif de Nice s'est fondé sur l'absence de lien de causalité existant entre la transfusion et la maladie hépatique dont souffre Mme X ;

Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que le centre de transfusion sanguine ne dispose pas d'archives remontant au-delà de 1978 ; que, par ailleurs, la clinique Malartic s'est révélée incapable de renseigner l'expert nommé en référé par le président du tribunal administratif sur la réalité de la transfusion opérée, lequel estime probable , compte tenu de la nature de l'opération subie, que Mme X ait fait l'objet d'une transfusion ; que dans ces conditions, en l'absence d'éléments apportant la preuve contraire, lesquels ne pourraient être produits que par le défendeur, Mme X doit être regardée comme établissant la réalité de la transfusion qu'elle prétend avoir subie ; que le défendeur est également incapable d'établir l'absence de séro-positivité des donneurs ; que, quand bien même le risque découlant de cette circonstance est statistiquement faible, le doute doit, conformément aux dispositions législatives précitées, et en l'absence de tous facteurs de risques propres à la victime, profiter à Mme X ; que, par suite le lien de causalité entre les transfusions dont Mme X a fait l'objet durant son séjour à la polyclinique mutualiste Malartic, à Ollioules en 1978 et sa contamination par le virus de l'hépatite C doit être tenu pour établi ; qu'ainsi la responsabilité de l'Etablissement français du sang, qui vient aux droits du Centre hospitalier universitaire de Toulon-La Seyne-sur-Mer est engagée à l'égard de Mme X à raison de la fourniture des produits sanguins susmentionnés ;

Considérant que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de NICE a rejeté sa demande ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise ordonné par les premiers juges que Mme X a été atteinte d'une invalidité partielle permanente d'octobre 1988 à janvier 1997 de 10%, que son pretium doloris a été évalué à 2/7 et que son handicap dû à la fatigue chronique a pu être considéré comme léger par l'expert ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices subis en fixant la somme due à Mme X à 30.000 euros au paiement de laquelle doit être condamné l'Etablissement français du sang ;

Sur les intérêts :

Considérant que Mme X a droit aux intérêts de la somme de 30.000 euros à compter du 22 janvier 1998 jour de la réception par Tribunal administratif de Nice de sa requête ;

Sur les droits de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Var, qui a été mise en cause en première instance et a demandé au Tribunal administratif de Nice de condamner le Centre hospitalier universitaire de Toulon-La-Seyne-sur-Mer à lui rembourser le montant de ses débours consécutifs à la transfusion de Mme X et à qui le jugement du tribunal administratif écartant toute responsabilité du Centre hospitalier de Toulon-La Seyne-sur-Mer a été notifié le 10 février 2000, n'a présenté devant la cour administrative d'appel de Marseille de conclusions tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Toulon-La Seyne-sur-Mer soit condamné à lui rembourser le montant des sommes qu'elle avait exposées en faveur de Mme X qu'après l'expiration du délai d'appel ; que ces conclusions sont tardives et, par suite, irrecevables ;

Sur les conclusions de Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etablissement français du sang à payer à Mme X une somme de 2.000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Sur les frais d'expertise exposés en première instance :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire de mettre les frais d'expertise liquidés et taxés par le président du Tribunal administratif de Nice à la charge de l'Etablissement français du sang ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé en date du 21 décembre 1999 du Tribunal administratif de NICE est annulé.

Article 2 : l'Etablissement français du sang est condamné à verser à Mme X une somme de 30.000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 1998.

Article 3 : l'Etablissement français du sang versera à Mme X une somme de 2.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge de l'Etablissement français du sang.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X et les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie du Var sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X, au Centre hospitalier universitaire de Toulon-La Seyne-sur-Mer, à l'Etablissement français du sang et à la Caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Copie en sera adressée à la SCP Dufour-Hartemann-Martin-Palazzolo, à Me Le Prado, à la SCP Depieds-Lacroix, à la SCP Baffert-Fructus, au préfet du Var et au ministre de la santé et de la protection sociale.

Délibéré à l'issue de l'audience du 8 avril 2004, où siégeaient :

M. DARRIEUTORT, président de chambre,

M. GUERRIVE, président assesseur,

M. MARCOVICI, premier conseiller,

assistés de Melle MARTINOD, greffier.

Prononcé à Marseille, en audience publique le 6 mai 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Jean-Pierre DARRIEUTORT Laurent MARCOVICI

Le greffier,

Signé

Isabelle MARTINOD

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la protection sociale en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 00MA00603 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA00603
Date de la décision : 06/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : SCP DUFOUR - HARTEMANN - MARTIN - PALAZZOLO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-05-06;00ma00603 ?
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