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01/04/2004 | FRANCE | N°99MA01952

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 01 avril 2004, 99MA01952


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 septembre 1999 sous le n° 99MA01952, présentée pour M. et Mme X, demeurant ...), par Me AUTARD, avocat ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 95-3465 du 10 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande d'annulation de la délibération en date du 27 mars 1995 par laquelle le conseil municipal de Bouc-Bel-Air a décidé de vendre une parcelle communale à M. ;

2°/d'annuler cette délibération ;

'°/de co

ndamner solidairement la commune de Bouc-Bel-Air et M. à leur payer la somme de 20.000 F ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 septembre 1999 sous le n° 99MA01952, présentée pour M. et Mme X, demeurant ...), par Me AUTARD, avocat ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 95-3465 du 10 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande d'annulation de la délibération en date du 27 mars 1995 par laquelle le conseil municipal de Bouc-Bel-Air a décidé de vendre une parcelle communale à M. ;

2°/d'annuler cette délibération ;

'°/de condamner solidairement la commune de Bouc-Bel-Air et M. à leur payer la somme de 20.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Classement CNIJ : 24-02-02-01

C

Ils soutiennent :

- que les premiers juges auraient dû, pour une meilleure administration de la justice, joindre leur demande de première instance aux deux recours dirigés contre des permis de construire délivrés à M. les 23 novembre 1994 et 22 février 1995 ;

- que la délibération attaquée a été prise non pas dans un but d'intérêt général, comme le jugement critiqué l'indique à tort, mais exclusivement dans le but de permettre la régularisation d'une construction irrégulièrement édifiée et de permettre à l'intéressé de se soustraire à des décisions de justice ;

- que la délibération contestée autorise la cession d'une parcelle irrégulièrement acquise par la commune ; que le président de l'association syndicale libre Bel Ombre n'avait pas le pouvoir de donner son accord à cette acquisition ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré au greffe le 15 février 2000, le mémoire en défense présenté par la commune de Bouc-Bel-Air ; la commune conclut à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation des requérants à lui verser une somme de 20.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; elle fait valoir :

-que, s'agissant de la jonction non effectuée par les premiers juges, les permis en cause ont été annulés par un jugement devenu définitif ; que M. a démoli les constructions concernées conformément aux décisions rendues par les tribunaux judiciaires ;

- que la commune avait acquis la parcelle en cause par un acte authentique intervenu régulièrement et qui n'a jamais été remis en cause par les requérants devant les juridictions compétentes ;

- qu'elle ne s'est rendue coupable d'aucun détournement de pouvoir ; que la procédure de déclassement n'était pas obligatoire en l'espèce, dès lors que la parcelle en cause appartenait à son domaine privé ; qu'une telle procédure permet d'assurer un entretien beaucoup plus satisfaisant des terrains concernés ;

Vu, enregistré au greffe le 13 mars 2000, le mémoire en défense présenté par M. ; il conclut à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation des requérants à lui verser une somme de 10.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Il fait valoir :

- que, s'agissant de la jonction non effectuée par les premiers juges, les permis en cause ont été annulés par un jugement devenu définitif ; que M. a démoli les constructions concernées conformément aux décisions rendues par les tribunaux judiciaires ; que le refus de jonction a profité aux requérants ;

- que la cession de la parcelle à la commune a été régulièrement effectuée ; qu'une éventuelle irrégularité aurait été couverte faute de dénonciation des procès-verbaux de l'assemblée générale de l'association syndicale libre Bel Ombre ;

- que le grief de détournement de pouvoir n'est pas fondé, dès lors notamment qu'il avait sollicité l'autorisation d'acquérir la parcelle concernée dès 1989 et que la vente de celle-ci permet de transférer la charge de son entretien ;

Vu, enregistré au greffe le 26 juin 2000, le mémoire en réplique présenté par M. et Mme X ; ils persistent dans leurs précédentes écritures et font valoir en outre :

- qu'ils se sont manifestés à plusieurs reprises, auprès de la mairie et du procureur de la République, après avoir pris connaissance, en 1996, de la cession intervenue en faveur de la commune ;

- que le courrier du 2 septembre 1989 par lequel M. sollicite de la commune l'acquisition de la parcelle en litige n'est authentifié ni par un accusé réception de la mairie ni par un accusé de réception postal ;

- qu'il ressort des propres écritures de M. que la parcelle en cause était indispensable pour la délivrance du permis qu'il avait sollicité ;

- qu'en passant l'acte de vente sans s'assurer que le jugement critiqué était devenu définitif, la commune a pris un risque important qui confirme l'existence d'un détournement de pouvoir ;

Vu, enregistré au greffe le 7 août 2000, le nouveau mémoire présenté par M. ; il persiste dans ses précédentes conclusions et fait valoir en outre que l'authenticité de son courrier du 2 septembre 1989 est attestée par la réponse de la commune à ce courrier ;

Vu, enregistré au greffe le 12 février 2001, le nouveau mémoire présenté par M. et Mme X ; ils persistent dans leurs précédentes écritures ;

Vu, enregistré au greffe le 27 mars 2001, le mémoire présenté par M. ; il persiste dans ses précédentes conclusions ;

Vu, enregistré au greffe le 19 juillet 2001, le mémoire présenté par M. et Mme X ; ils persistent dans leurs précédentes écritures et font valoir en outre que la SCI Bel Ombre n'avait pas le pouvoir de céder des biens communs d'une copropriété qui ne lui appartenaient plus ;

Vu, enregistré au greffe le 30 octobre 2002, le mémoire présenté par M. et Mme X ; ils persistent dans leurs précédentes écritures et demandent l'allocation d'une somme de 3.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des communes ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2004 :

- le rapport de M. CHERRIER, premier conseiller ;

- les observations de Me AUTARD pour M. X Eliaou ;

- les observations de M. X ;

- les observations de M. André ;

- et les conclusions de M. HERMITTE, premier conseiller ;

Considérant que M. et Mme X contestent le jugement 10 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande d'annulation de la délibération en date du 27 mars 1995 par laquelle le conseil municipal de Bouc-Bel-Air a décidé de vendre une parcelle communale cadastrée AO 238 à M. ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aucune règle de procédure ne faisait obligation aux premiers juges de joindre la demande de première instance avec deux autres recours introduits par M. et Mme X et tendant à l'annulation de permis de construire accordés à M. ; qu'ainsi, cette absence de jonction est sans incidence sur la régularité du jugement critiqué ;

Sur la légalité de la délibération du 27 mars 1995 :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

Considérant que le conseil municipal, qui est chargé de régler les affaires de la commune en vertu de l'article L.121-26 du code des communes alors en vigueur, était compétent pour prendre la délibération critiquée ;

Considérant que, en tant qu'elle concerne l'aliénation de la parcelle AO 238, laquelle correspond à un espace vert, l'enquête publique préparatoire à la délibération du 27 mars 1995 était facultative et n'était soumise à aucune règle particulière ; que, dès lors, les moyens tirés des irrégularités qui affecteraient cette enquête sont inopérants à l'appui d'une demande d'annulation de ladite délibération ;

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme X, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avis favorable émis le 10 novembre 1994 par la commission municipale d'urbanisme sur le projet de cession de la parcelle AO 238 à M. serait fondé sur une erreur de fait susceptible d'avoir exercé une influence déterminante sur l'appréciation à laquelle se sont livrés les membres de ladite commission ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de l'acte notarié en date du 17 novembre 1986 :

Considérant qu'en octobre 1973, la commune de Bouc-Bel-Air a confié à la SCI Bel Ombre l'aménagement de la ZAC Bel Ombre ; que l'aménageur a établi en 1975 un cahier des charges pour un groupe d'habitations dénommé La Bergerie ; qu'une association syndicale libre a été constituée entre les propriétaires des lots de ce groupe d'habitations ; que, par acte notarié en date du 17 novembre 1986, la SCI Bel Ombre a cédé gratuitement à la commune de Bouc-Bel-Air des espaces verts de la ZAC Bel Ombre, dont celui correspondant à la parcelle AO 238 ; que M. et Mme X invoquent l'irrégularité de cet acte notarié ;

Considérant que s'il appartient en principe à l'autorité judiciaire de statuer sur la validité du contrat de droit privé que constitue l'acte authentique du 17 novembre 1986, la Cour peut toutefois se prononcer directement sur les contestations soulevées par les requérants dès lors qu'elles apparaissent dénuées de caractère sérieux ;

Considérant que les requérants font valoir en premier lieu que la SCI Bel Ombre n'avait pas le pouvoir de vendre un bien qui selon eux appartenait à l'association syndicale libre du groupe d'habitations La Bergerie en vertu du cahier des charges susmentionné ; que, toutefois, si les articles 17 et 18 de ce document prévoient, à la première demande de la SCI Bel Ombre, un transfert de la propriété à l'association syndicale libre des espaces verts non destinés à être cédés à la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle demande aurait été formulée ni qu'un transfert de propriété portant sur la parcelle AO 238 aurait été opéré ;

Considérant que M. et Mme X soutiennent en second lieu que le président de l'association syndicale libre n'était pas régulièrement mandaté par l'assemblée générale de cette association pour signer l'acte notarié du 17 novembre 1986 ; que, toutefois, il ressort de l'examen du compte rendu de la réunion du 14 mars 1986 que ladite assemblée générale a donné son accord à la cession gratuite en cause ;

En ce qui concerne le détournement de pouvoir allégué :

Considérant que M. et Mme X soutiennent que la délibération attaquée a été prise dans le but de permettre à M. de régulariser, au regard de l'obligation de construire à moins de 3 mètres de la limite séparative imposée par l'article UD 7 du plan d'aménagement de zone, une construction dont l'autorité judiciaire a ordonné la démolition ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du compte rendu de la séance du conseil municipal au cours de laquelle a été adoptée la délibération critiquée, que celle-ci a été prise dans le cadre d'une politique visant à transférer à des particuliers la charge de l'entretien de parcelles délaissées ; que cet objectif est conforme à l'intérêt général ; que la parcelle AO 238 n'était pas la seule concernée par l'enquête publique organisée à cet effet du 15 avril au 16 mai 1994 par la commune de Bouc-Bel-Air ; qu'il n'est pas allégué qu'au cours de cette enquête la parcelle en cause aurait fait l'objet de plusieurs offres concurrentes ; qu'il n'est pas établi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, que l'avis défavorable émis par la commission municipale d'urbanisme sur le projet de vente d'une autre parcelle située dans la zone d'aménagement concerté Bel Ombre serait justifié par une situation juridique semblable à celle qui concerne la parcelle AO 238 ; que M. avait fait une première proposition d'achat de cette parcelle par lettre du 28 septembre 1989, antérieure à ses démêlés judiciaires avec M. et Mme X ; qu'aucun élément du dossier ne démontre que la commune de Bouc-Bel-Air aurait acheté à la SCI Bel Ombre en 1986 plusieurs parcelles de terrain aux fins de revendre la seule parcelle AO 238 à M. , lequel n'est devenu propriétaire d'un lot du groupe d'habitations qu'en 1989 selon les propres dires des requérants ; que, dans ces conditions, si ces derniers se prévalent de la teneur des débats qui ont lieu tant au sein de la commission d'urbanisme qu'au sein du conseil municipal ainsi que des actes accomplis postérieurement à l'enquête publique par le maire en vue d'aboutir à la conclusion de la vente, ces circonstances ne suffisent pas à démontrer que la délibération contestée aurait été adoptée principalement dans le but d'avantager M. ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté leur demande d'annulation de la délibération du 27 mars 1995 ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Bouc-Bel-Air et M. , qui ne succombent pas dans la présente instance, soient condamnés à payer à M. et Mme X la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner M. et Mme X à payer respectivement à la commune de Bouc-Bel-Air et à M. une somme de 1.000 euros sur le fondement desdites dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

Article 2 : M. et Mme X verseront respectivement à la commune de Bouc-Bel-Air et à M. une somme de 1.000 euros (mille euros) sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X, à la commune de Bouc-Bel-Air, à M. et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Délibéré à l'issue de l'audience du 18 mars 2004 , où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre,

M. CHERRIER et Mme BUCCAFFURI, premiers conseillers,

assistés de Mme EJEA, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 1er avril 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Marc ROUSTAN Philippe CHERRIER

Le greffier,

Signé

François EJEA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier

2

N°'99MA01952


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA01952
Date de la décision : 01/04/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: M. Philippe CHERRIER
Rapporteur public ?: M. HERMITTE
Avocat(s) : AUTARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-04-01;99ma01952 ?
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