Vu, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 7 septembre 1999, sous le n° 99MA01771, la requête présentée pour le Grand Garage du Nord, dont le siège est situé chez M. Z..., ..., par Me Y..., avocat ;
La SARL demande à la Cour :
- d'annuler les jugements n° 933484 / 933485 / 933679 en date du 25 juin 1999 par lesquels le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à être déchargée :
1°/ de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1987, et des pénalités y afférentes ;
2°/ des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes mises à sa charge au titre de la période du 1er juillet 1986 au 31 décembre 1987 ;
3°/ des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de droits supplémentaires de taxes sur la valeur ajoutée, et de taxes sur les véhicules de tourisme des sociétés, ainsi que des pénalités, auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 1986 au 31 décembre 1987 ;
Classement CNIJ : 19-04-01-04
19-06-02-01
C
- de prononcer la décharge des impositions litigieuses et le sursis à exécution du jugement attaqué ;
- de condamner l'Etat à lui verser 50.000 francs en application des dispositions de l'article L8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Elle soutient, en ce qui concerne la procédure d'imposition :
- que pour l'impôt sur les sociétés, le jugement est mal fondé car il confirme la taxation d'office en matière d'impôt sur les sociétés alors que les documents comptables étaient aux mains de l'autorité judiciaire ; que le vérificateur ne pouvait contrôler les documents qu'au greffe du tribunal de grande instance ; que l'entreprise a fourni les éléments permettant de justifier ses contestations ; que l'article L.48 du livre de procédure fiscale a été méconnu ; qu'il ne lui a pas été précisé qu'elle pouvait bénéficier de la cascade impôt sur les sociétés - TVA pour les distributions occultes ;
- que pour la TVA, le jugement indique à tort que la notification de redressement du 19 avril 1990 comportait le montant des droits de TVA et des pénalités ;
- que la requérante n'a pu saisir la commission départementale des impôts, faute d'avoir reçu l'avis postal contenant la réponse à ses observations ;
- que l'administration n'apporte pas la preuve de ses allégations alors que la procédure en TVA est contradictoire ;
- que les pénalités et majorations ne sont pas motivés ;
- que le tribunal administratif rejette à tort la demande d'expertise ;
- que le tribunal administratif ne reconnaît pas l'impossibilité par force majeure d'établir le bilan 1987, alors que les documents comptables faisaient l'objet d'une saisie ; qu'il n'y a eu aucun débat oral et contradictoire ; que pour la même raison, la requérante ne pouvait utilement répondre aux notifications de redressements d'avril 1990 dans les délais ;
- que le vérificateur s'est appuyé sur un procès verbal de gendarmerie antérieur de 2 ans au début du contrôle fiscal ; que les documents consultés par l'administration n'ont pas été communiqués au requérant ;
- que les pénalités ne sont pas motivées contrairement aux dispositions de l'article L.80-D du livre des procédures fiscales ;
Elle soutient, par ailleurs, en ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
- que le montant des recettes reconstituées est abusif, en particulier s'agissant du solde de la balance client soit 197.669 francs hors taxe ; que l'administration ne justifie pas en quoi il y aurait lieu d'ajouter ce solde aux recettes de classe 7 ;
- que les impayés n'ont pas été pris en compte ; que le caractère excessif des redressements justifie l'expertise sollicitée ;
- que les chèques visés dans le procès verbal de gendarmerie de 1987 n'ont jamais été encaissés ;
- que les pénalités n'ont jamais figuré sur les avis d'imposition, et ne sont pas motivées alors même que les pièces comptables objets de scellés, empêchaient le contribuable de répondre ;
- que les pénalités relèvent des sanctions pénales et que leur établissement selon un mode forfaitaire est contestable ; qu'il y a méconnaissance de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- que la cour de cassation estime contraire à l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme l'infliction d'une amende fiscale de 80% ; qu'il y a méconnaissance du principe de l'individualisation des peines ;
- que l'exécution du jugement priverait le liquidateur judiciaire de ressources ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire présenté le 17 avril 2000 par lequel le trésorier-payeur général des Pyrénées Orientales émet un avis défavorable à la demande de sursis à exécution ;
Vu le mémoire présenté le 12 juillet 2000 par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui demande à la Cour de rejeter la requête ;
Il soutient :
- que la procédure de taxation d'office en matière d'impôt sur les sociétés a pu être mise en oeuvre à bon droit dès lors que la société n'avait fait aucune diligence pour répondre à deux mises en demeure dans le délai de 30 jours ; qu'elle n'a demandé la restitution des pièces au parquet que le 22 octobre 1990 ;
- que, compte tenu de la situation de taxation d'office, les éventuelles irrégularités de la procédure d'imposition sont sans incidence sur la régularité de la vérification ;
- que l'administration est en droit d'exercer son droit de communication sur les pièces comptables conservées par l'autorité judiciaire, sans en informer le requérant ; que l'intéressé n'apporte pas la preuve d'une consultation de la comptabilité chez le juge en cours de contrôle ; que la situation de taxation d'office résulte du défaut de déclaration et était connue de l'administration avant l'ouverture de la vérification ;
- que le procès verbal de l'autorité de police joint à la notification de redressement faisait apparaître la liste des documents comptables consultables ;
- que les notifications de redressement sont suffisamment motivées ;
- que le procès verbal de gendarmerie de 1987 a été transmis par l'autorité judiciaire en application de l'article L.101 du livre des procédures fiscales, et ne constitue pas un début de vérification ;
- que pour l'impôt sur les sociétés, la notification de redressement n'avait pas à faire apparaître les conséquences financières des redressements dès lors que la requérante se trouvait en situation de taxation d'office ;
- que les pénalités ayant été motivées dans le cadre de la réponse aux observations du contribuable, le fait qu'elles ne soient pas détaillées sur l'avis de recouvrement est inopérant ;
- que les pénalités étaient également motivées dans les lettres des 19 avril et 20 juin 1990 ; que la volonté de se soustraire à l'impôt, caractéristique de la mauvaise foi, apparaît clairement dans le procès verbal de gendarmerie du 23 juin 1987 ; que les pénalités ne sont pas modulables ;
- qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration d'informer le contribuable des possibilités de cascade en matière d'impôt sur les sociétés et de TVA ;
- que, s'agissant du bien fondé de l'imposition, le vérificateur a reconstitué les recettes à partir des documents comptables qui font apparaître des recettes non comptabilisées sans justification ; que la somme de 197.669 francs n'a pas été taxée deux fois ; que l'expertise sollicitée serait frustratoire ; que la requérante ne justifie pas du solde qu'elle entend retenir et pas davantage des impayés ; que les chèques en garantie déposés en attente de remboursement d'assurance correspondent à des prestations de services non comptabilisées ; que les recettes provenant de prétendues ventes de matériel, biens propres du gérant, ne sont pas justifiées ;
- qu'il résulte de tout ce qui précède que les frais irrépétibles ne sont pas dus et que la demande de sursis à exécution doit être rejetée, la société ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 3 mars 1993 et les sommes contestées figurant à l'apurement des comptes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre de procédure fiscale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mars 2004 :
- le rapport de M. CHAVANT, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. TROTTIER, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement du tribunal administratif :
Considérant que la SARL Grand Garage du Nord soutient que le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 25 juin 1999 serait irrégulier en ce que le tribunal n'aurait pas répondu au moyen tiré de ce que les documents comptables étant aux mains de l'autorité judiciaire, elle se trouvait par force majeure dans l'impossibilité d'établir le bilan de l'année 1987 et de le produire dans les 30 jours ; que cependant, la lecture du jugement attaqué fait clairement apparaître les raisons pour lesquelles il écarte la force majeure ; que ce jugement n'est donc pas entaché d'irrégularité ;
Sur le fond :
Considérant que la requérante se borne en appel à réitérer les moyens qu'elle avait développés en première instance et auxquels il a été répondu ; que, n'apportant aucun élément nouveau et ne critiquant pas utilement les motifs retenus par le tribunal administratif, en réponse à ses moyens, il y a lieu de confirmer ce jugement dans l'ensemble de ses dispositions par adoption de ses motifs ;
Considérant que la société requérante conteste en appel la régularité des pénalités de mauvaise foi qui lui ont été appliquées, au motif que ces pénalités constitueraient des sanctions pénales, qui devraient être modulées par le juge, en raison du principe de l'individualisation des peines, et qu'à défaut, leur mise en application méconnaîtrait les dispositions de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés fondamentales ; qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : 1. Lorsqu'une personne physique ou morale, ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter un acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10%... 3. La majoration est portée à : 40% lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à la produire dans ce délai ; 80% lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une deuxième mise en demeure notifiée dans les mêmes formes que la première ;
Considérant, d'une part, que les dispositions précitées proportionnent la pénalité à la gravité des agissements du contribuable en prévoyant des taux de majoration différents selon que le défaut de déclaration dans le délai est constaté sans mise en demeure de l'intéressé ou après une ou deux mises en demeure ; que, pour contester cette pénalité devant une juridiction, le contribuable ne dispose pas, contrairement à ce que soutient la requérante, de la seule voie du recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de remise gracieuse par l'administration mais également du recours pleine juridiction tendant à la décharge ou à la réduction de la pénalité ; qu'il appartient au juge de l'impôt saisi d'une telle demande, après avoir contrôlé les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir le taux retenu, soit de lui substituer un taux inférieur parmi ceux prévus par le texte s'il l'estime légalement justifié, soit de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard, s'il estime que ce dernier ne s'est pas abstenu de souscrire une déclaration ou de déposer un acte dans le délai légal ; que le respect des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'implique pas que le juge puisse moduler l'application du barème résultant de l'article 1728 ;
Considérant, d'autre part, que ces dispositions, qui ne prévoient d'infliger une majoration d'impôt que lorsque les faits reprochés à l'intéressé ont été légalement constatés par l'autorité investie du pouvoir de sanction, ne portent pas atteinte au principe de la présomption d'innocence édicté par la paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la mauvaise foi a pu être retenue par les premiers juges en raison des déclarations même du gérant telles qu'elles ressortent du procès verbal de gendarmerie du 13 juin 1987 et qui font apparaître la volonté d'éluder l'impôt ; que les pénalités appliquées ne contreviennent pas non plus à l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux frais irrépétibles :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine aux titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les conclusions de la SARL Grand Garage du Nord, partie perdante, tendant à la condamnation de l'Etat aux frais irrépétibles soient accueillies ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Grand Garage du Nord n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses requêtes ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par la SARL Grand Garage du Nord est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Grand Garage du Nord, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et au mandataire judiciaire, Me X....
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est, à la société d'avocats Centre Plus, et au Trésorier-payeur général des Pyrénées Orientales.
Délibéré à l'issue de l'audience du 11 mars 2004, où siégeaient :
M. DARRIEUTORT, président de chambre,
M. GUERRIVE, président assesseur,
M. CHAVANT, premier conseiller,
assistés de Melle MARTINOD, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 25 mars 2004.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Jean-Pierre DARRIEUTORT Jacques CHAVANT
Le greffier,
Signé
Isabelle MARTINOD
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 99MA01771