Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 21 janvier 2004 sous le n° 04MA00125, présentée pour la société à responsabilité limitée Transports GIGI, ayant son siège ..., par Me Jean-Pierre FINES et Me Corinne BONNET, avocats au Barreau de Marseille ;
La société Transports GIGI demande à la Cour de prononcer la suspension de l'exécution de l'avis de mise en recouvrement du 26 mai 2000 pris par le receveur divisionnaire des impôts de Bastia pour le recouvrement du complément de taxe sur la valeur ajoutée mis à son nom au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 jusqu'à ce qu'il soit statué par la Cour sur l'appel élevé le 20 janvier 2004 par la société Transports GIGI contre le jugement n° 010606 du Tribunal administratif de Bastia du 21 octobre 2003 rejetant sa demande en décharge de cette taxe ;
Classement CNIJ : 15-03-01-01-05
54-035-02-03-01
C+
La société Transports GIGI fait valoir que son invocation des dispositions de l'article L.521-1 du code de justice administrative est recevable, le litige ayant été porté devant le Tribunal administratif de Bastia postérieurement à la publication de décret du 22 novembre 2000 ;
Elle fait valoir, d'une part, que sa situation de trésorerie arrêtée au 20 janvier 2004 est débitrice et que l'exigibilité des sommes fixées par l'avis de mise en recouvrement litigieux, qui s'élèvent à 185.353, 61 euros, conduirait à un état de cessation de paiement ;
Elle fait valoir, d'autre part, que, dès lors qu'elles réservent l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée, autorisée par l'article 28 ter C 4 de la sixième directive CEE, en ce qui concerne la partie des trajets maritimes faits en dehors des eaux territoriales, aux transports de marchandises entre la France continentale et la Corse, à l'exclusion des transports au départ ou à l'arrivée des autres pays membres de l'Union européenne, les dispositions de l'article 262-II-11° du code général des impôts ne sont pas compatibles avec l'article 49 (ancien article 59) du Traité de Rome interdisant les restrictions à la libre prestation de services au sein de l'Union ; elle soutient que cela constitue une entrave à la libre prestation de transports et une violation du régime commun de la taxe sur la valeur ajoutée, et également qu'il y a là une aide d'Etat en faveur des transporteurs qui assurent leurs livraisons par transports maritimes entre la France continentale et la Corse contraire aux dispositions des articles 87 et 88.3 de ce traité ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 février 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui demande le rejet de la requête ;
Le ministre soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne présente pas de moyen d'appel ;
- la condition tenant à l'urgence n'est pas remplie en l'espèce : la société a bénéficié d'un sursis de paiement jusqu'à l'intervention du jugement du Tribunal administratif de Bastia ; ce n'est qu'à défaut de paiement dans un délai de 20 jours à compter de la réception par la société d'un commandement de payer qui lui a été adressé le 21 janvier 2004 et qu'elle a reçu le 24 janvier que des poursuites pouvaient être engagées contre elle ; elle n'a pas cherché à prendre un engagement de paiement auprès du receveur des impôts ; sa précarité financière n'est pas établie ;
- la société ne présente aucun moyen sérieux de nature à créer un doute sur la légalité du jugement attaqué ;
Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;
Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;
Vu la sixième directive CEE modifiée du 17 mai 1977 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société Transports GIGI et, d'autre part, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 2004 à 9 heures 45 :
- le rapport de M. BERNAULT, Président,
- Maître X..., substituant Me FINES, avocat de la société Transports GIGI ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une demande en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que le contribuable qui a saisi le juge de l'impôt de conclusions tendant à la décharge d'une imposition à laquelle il a été assujetti est recevable à demander au juge des référés, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L.521-1 du code de justice administrative, la suspension de la mise en recouvrement de l'imposition, dès lors que celle-ci est exigible ; que, saisi d'une telle demande, le juge des référés peut y faire droit si, en premier lieu, il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé de l'imposition et si, en second lieu, l'urgence s'attache à ce que l'exécution du titre de créance fiscale contesté soit suspendue avant qu'il ait été statué sur l'appel élevé par le contribuable contre le jugement rejetant sa demande, l'intervention de ce jugement ayant alors fait cesser le sursis de paiement dont il pouvait, le cas échéant, bénéficier ; que, pour vérifier si la condition d'urgence est satisfaite, le juge des référés doit apprécier la gravité des conséquences que pourraient entraîner, à brève échéance, l'obligation de payer sans délai l'imposition ou les mesures mises en oeuvre ou susceptibles de l'être pour son recouvrement, eu égard aux capacités du contribuable à acquitter les sommes qui lui sont demandées ;
Considérant, en premier lieu, que la requête d'appel de la société Transports GIGI contient une critique du jugement et un développement du principal moyen, touchant au bien-fondé de la taxe, déjà exposé devant les premiers juges ; que la requête présentée à la Cour n'est donc pas dépourvue de moyen d'appel ; que la fin de non-recevoir qu'entend lui opposer le ministre n'est donc pas fondée ;
Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré par la société requérante de ce que, dès lors qu'elles réservent l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée, autorisée par l'article 28 ter C 4 de la sixième directive CEE, en ce qui concerne la partie des trajets maritimes faits en dehors des eaux territoriales, aux transports de marchandises entre la France continentale et la Corse, à l'exclusion des transports au départ ou à l'arrivée des autres pays membres de l'Union européenne, les dispositions de l'article 262-II-11° du code général des impôts ne sont pas compatibles avec l'article 49 (ancien article 59) du Traité de Rome interdisant les restrictions à la libre prestation de services au sein de l'Union apparaît de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur le bien-fondé de la taxe sur la valeur ajoutée en litige ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des affirmations non contredites de manière circonstanciée par le ministre que le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée litigieuse, d'un montant de 185.353, 61 euros, pour lequel lui a été délivré un commandement de payer le 21 janvier 2004, obèrerait gravement la situation de trésorerie de l'entreprise dont les avoirs bancaires étaient, au 31 décembre 2003, limités à la somme de 54.446, 48 euros, et pourrait entraîner à bref délai sa disparition ; que l'intervention du jugement du Tribunal administratif de Bastia en date du 21 octobre 2003 a eu pour effet de mettre fin au sursis de paiement de la taxe en cause ; que la circonstance que la société pourrait prendre à l'égard du comptable compétent un engagement de paiement de l'imposition est sans incidence, compte tenu des conséquences possibles d'éventuelles prises de garantie par ce comptable, sur l'appréciation de l'urgence ; qu'il y a donc en l'espèce urgence de nature à justifier la suspension de la décision d'imposition ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de suspendre l'exécution de l'avis de mise en recouvrement du 26 mai 2000 notifié à la société à responsabilité limitée Transports GIGI pour le recouvrement d'une somme de 1.215.840 F, soit 185.353, 61 euros, jusqu'à la décision à intervenir sur l'appel élevé par la société à responsabilité limitée Transports GIGI contre le jugement n° 010606 du Tribunal administratif de Bastia du 21 octobre 2003 ;
O R D O N N E :
Article 1er : L'exécution de l'avis de mise en recouvrement du 26 mai 2000 notifié à la société à responsabilité limitée Transports GIGI pour le recouvrement d'une somme de 1.215.840 F (un million deux cent quinze mille huit cent quarante francs), soit 185.353, 61 euros (cent quatre-vingt cinq mille trois cent cinquante trois euros et soixante et un centimes), est suspendue jusqu'à la décision à intervenir sur l'appel élevé par la société contre le jugement n° 010606 du Tribunal administratif de Bastia du 21 octobre 2003.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Transports GIGI, et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Fait à Marseille, le 25 mars 2004.
Le Président de la 4ème chambre,
Signé
François BERNAULT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous les huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 04MA00125