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22/01/2004 | FRANCE | N°99MA00967

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 5, 22 janvier 2004, 99MA00967


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 31 mai 1999 sous le n° 99MA00967, présentée pour les époux X, demeurant ..., par Me LESAGE, avocat ;

Les époux X demandent à la Cour :

1° / d(annuler le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 30 mai 1999 qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation de Gaz de France à l(indemnisation des préjudices causés à leur exploitation agricole par la pose d'un gazoduc ;

Classement CNIJ : 67-02-03-02

C

''/ de condamner Gaz de France à leur verser 403.00

0 F avec intérêts de droit à compter au moins du 20 juillet 1993 avec capitalisation des inté...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 31 mai 1999 sous le n° 99MA00967, présentée pour les époux X, demeurant ..., par Me LESAGE, avocat ;

Les époux X demandent à la Cour :

1° / d(annuler le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 30 mai 1999 qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation de Gaz de France à l(indemnisation des préjudices causés à leur exploitation agricole par la pose d'un gazoduc ;

Classement CNIJ : 67-02-03-02

C

''/ de condamner Gaz de France à leur verser 403.000 F avec intérêts de droit à compter au moins du 20 juillet 1993 avec capitalisation des intérêts au 30 janvier 1996 et au 31 mars 1999 ;

3° / de condamner Gaz de France à leur verser 20.000 F pour résistance abusive et manoeuvres dilatoires ainsi que 25.000 F au titre des dispositions de l(article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d(appel ;

Il soutiennent :

- que l(installation d(un gazoduc durant l(hiver 1992-1993, a entraîné une baisse de la nappe phréatique rendant impossible l(irrigation de sept hectares dont six plantés ; que les récoltes ont été perdues ;

- que les travaux de Gaz de France sont directement à l(origine de l(impossibilité d(irriguer ; que le matériel des requérants n(est pas en cause ; que l(expert a manqué à son devoir d(impartialité et outrepassé sa mission ;

- que le tribunal n(a pas tiré les conséquences de la baisse de la nappe phréatique résultant des travaux de Gaz de France comme retenue par l(expert ; que les années précédentes, même en période de basses eaux, la nappe phréatique était suffisamment alimentée pour permettre l(irrigation ;

- que l(expert a, sans raison, refusé de se faire communiquer les niveaux de pompage, alors que celui-ci était de 1.000 m3/h et n(étaient pas réinjectés dans la nappe ;

- que les allégations de l(expert quant à l(insuffisance du matériel de pompage sont infondées et reposent sur des données erronées ; que la puissance de la pompe n(est pas de 10, mais de 36 kw/h ; que les tubes d(arrosage ont un diamètre non pas de 100 mm, mais de 300 mm ;

- qu(il est erroné de soutenir que le forage A6 était à l(abandon et que l(installation du forage A6 bis a été trop tardive pour empêcher la perte de récolte ;

- que le même matériel avait été suffisant les années antérieures ;

- que le tribunal administratif a méconnu le sens du rapport d'expertise du 25 mars 1993 ;

- que l(expert a outrepassé sa mission qui n(était que de rechercher l(imputabilité de la baisse de la nappe phréatique à la pose de la canalisation, en critiquant le choix des cultures ou le matériel de M. X, circonstances étrangères au dommage alors qu(il était essentiel de connaître les niveaux de pompage, ce que Gaz de France devait fournir en application de la loi sur l(eau ;

- que l(expert s(appuie au surplus, sur une expertise diligentée par le seul Gaz de France ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 6 septembre 1999 pour Gaz de France par Me BUSSAC, avocat, qui demande à la Cour de rejeter la requête des époux X, de les condamner à verser 25.000 F au titre des frais irrépétibles ;

Il soutient :

- qu(une demande de référé a été rejetée par le tribunal administratif et la Cour administrative d(appel de Lyon ;

- qu(il y a lieu de confirmer l(analyse du tribunal administratif qui a jugé l(expertise régulière, même si celle-ci ne satisfait pas les requérants ;

- que l(ordonnance du 16 février 1996 est un jugement avant dire droit qui ne se prononce pas sur la baisse de la nappe phréatique ; que l(expert ne peut davantage établir le lien entre les travaux et une baisse de la nappe ; que Gaz de France n(a pas pompé dans la nappe, mais dans la tranchée située près de la Durance ;

- que les requérants avaient pris connaissance de la baisse du niveau lorsqu(ils ont planté oignons et navets, tardivement ;

Vu le mémoire présenté le 21 septembre 1999 pour les époux X, qui soutiennent :

- que le rapport de l(expert est empreint de partialité dès lors qu(il n(étudie pas les travaux réalisés par Gaz de France ; qu(il fait état de données erronées, qu'il s(appuie enfin exclusivement sur l(étude de Gaz de France en hydrogéologie et cherche des explications qui ne lui sont pas demandées ;

- qu(en l(absence de débordement de la Durance, la tranchée est remplie par la nappe phréatique ; que les conclusions de l(expert de Gaz de France ne laisse aucun doute sur le lien entre les travaux et la baisse de la nappe ;

- que Gaz de France se garde bien de fournir les données chiffrées de son pompage ;

- que contrairement à ce que retient le tribunal, l(expert indique bien que le test réalisé le 25 mars 1993 l'a été avec le matériel X, lequel ne peut dès lors être qualifié d(insuffisant ; que l(argumentation sur les choix culturaux des requérants est sans rapport avec le litige ;

- que les informations données par la Chambre d(agriculture témoignent du bien fondé de planter des navets le 8 mars 1993 ; que ces plantations étaient faites compte tenu de l(engagement de Gaz de France de fournir l(eau aux exploitations ;

Vu le mémoire présenté le 9 décembre 1999 pour Gaz de France qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation des époux X à verser 10.000 F au titre des frais irrépétibles et soutient :

- qu(il n(a pas été possible à l(expert d(établir un lien direct entre les travaux et la baisse de la nappe phréatique ;

- que Gaz de France n(avait aucunement besoin de pomper dans la nappe phréatique, mais seulement besoin d(évacuer l(eau de la tranchée ;

- que le rejet étant effectué dans le Canal de Provence, la nappe était réalimentée en permanence ;

- que l(expert n(a pas conclu que le forage A6 était inutilisable mais au contraire, qu(il était à tort inutilisé ; que même si le test du 25 mars 1993 a été réalisé avec le matériel X, ce qui n(est pas établi, il a été révélé qu(il y avait de l(eau en quantité suffisante ;

- que les factures de semence produites, ne concernent que 0,7 hectares de navets et 0,5 hectares d(oignons ; que l(expert n(a pas fait preuve de partialité ;

Vu le mémoire présenté le 31 décembre 1999 pour les époux X, qui soutiennent :

- que sans pouvoir la quantifier, l(expert conclut à une incidence des travaux sur la baisse de la nappe phréatique ;

- que des graphiques produits par Sud Aménagement Agronomie prouvent que le niveau de la nappe était, fin 1992, supérieur à la moyenne annuelle et que ceux relatifs aux relevés du printemps, étaient nettement inférieurs, que seuls les travaux réalisés par Gaz de France peuvent expliquer cette différence ;

- que l(expert BELLOTI reconnaît la responsabilité de Gaz de France provenant du tarissement des points d(alimentation en eau des époux X ;

- que l(article du protocole du 12 décembre 1992 conclu entre Gaz de France et les chambres d(agriculture prévoit la fourniture permanente d(eau et l(indemnisation des dommages ; que c(est seulement début avril 1993 que Gaz de France a mis à la disposition de M. X, une pompe de débit de 200 m3/ heure ;

- que Gaz de France n(est pas qualifié pour apprécier les choix culturaux des requérants ; que les factures d(achats effectués à l(automne 1992, permettent bien de couvrir la totalité de la surface dont il s(agit ;

Vu le mémoire présenté le 13 avril 2000 par Gaz de France qui soutient :

- que les niveaux d(eau aux différents pièzomètres ne permettent pas de conclure à un lien de causalité quelconque ;

- que la mission de l(expert BELLOTI ne portait pas sur les aspects hydrauliques des chantiers ;

- que la pompe dans la tranchée avait un débit de 100 à 150 m3/heure et non 1.000 m3/ heure comme allégué ;

- que le protocole dont il fait état est un protocole de type national qui a été signé en 1991 et qui ne vise la fourniture de l(eau qu(en cas d(atteinte à la qualité ou la quantité d(eau à usage agricole, ce qui n(est pas le cas ;

- que la facture du 2 mars 1993 ne porte que sur 2 kilogrammes de graines de navets et 2,4 kilogrammes de graines d(oignons ;

Vu le mémoire présenté par les époux X le 21 avril 2000, lesquels réitèrent leurs conclusions et soutiennent :

- que les experts GLARD et GRISOLLE retiennent un certain lien de causalité ;

- que l(expert BELLOTI ne fait que rapporter les déclarations des représentants de Gaz de France à la réunion tenue à Corbières le 12 mars 1993 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2003 :

- le rapport de M. CHAVANT, premier conseiller ;

- Vu les observations de Me BERGUET substituant Me LESAGE et Me BUSSAC ;

- et les conclusions de M. TROTTIER, premier conseiller ;

Sur la responsabilité :

Considérant que les époux X exploitent depuis de nombreuses années des terres agricoles, notamment au lieu dit Les Iscles de Maty, commune de BEAUMONT de PERTUIS ; qu(ils soutiennent que les 4,5 hectares de navets semés le 8 mars 1993 et les 1,5 hectares d(oignons semés le 12 mars l(ont été en pure perte, du fait des pompages exercés par Gaz de France dans la tranchée réalisée pour la pose du gazoduc Cabriès-Manosque induisant de ce fait une baisse du niveau de la nappe phréatique rendant impossible toute irrigation à partir soit de la mare A 10, soit d(un pompage A 6 auxquels ils avaient recours dans les années antérieures ;

Considérant qu(il résulte de l(instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Gaz de France a procédé, au cours du premier trimestre 1993, à la pose d(un gazoduc, sur des parcelles proches de celles des requérants ; que Gaz de France a installé pour les besoins de l(ouvrage public une pompe dans la tranchée nécessaire à l(ouvrage, d(une capacité permettant d(évacuer les eaux lesquelles, à défaut de toute submersion de la Durance ou de précipitations, ne peuvent provenir que de la nappe phréatique ; que, dans ces conditions, il existe un lien direct entre les travaux exécutés par Gaz de France et l(assèchement progressif des points d(alimentation en eau des époux X ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les époux X, qui ont subi un préjudice de caractère anormal et spécial du fait des travaux liés à la pose de l(ouvrage public, sont fondés à en demander réparation ;

Sur le préjudice :

Considérant qu(il ressort des pièces du dossier que les époux X avaient, dès l(automne 1992, préparé le terrain dont il s(agit, pour être ensemencé en cultures légumières de plein champ ; qu(au vu de l(engagement national contractuel de décembre 1991, signé entre Gaz de France et les chambres d(agriculture concernées, ils pouvaient légitimement s(attendre à être pourvus en eau à usage agricole ou à être indemnisés des pertes de récoltes éventuelles pouvant résulter de travaux réalisés par Gaz de France ; qu(en plantant les 8 et 12 mars 1993 des navets et des oignons, ils n(ont commis aucune imprudence nonobstant la circonstance qu(ils aient introduit ces cultures pour la première fois en 1993 ;

Considérant qu(il ressort notamment du rapport de l(expert CREST du 7 juin 1993 diligenté par Gaz de France, que les époux X avaient bien semé six hectares sur les sept préparés ; que cet expert évalue les pertes de récolte pour la partie plantée, à 323.400 F et la perte pour l(hectare non planté à 79.600 F ; que la circonstance que M. X n(ait produit que la facture d(achat de semences du 2 mars 1993 ne permet pas de considérer qu(il n(aurait semé qu(un quantité limitée de graines ; que, par suite, il y a lieu de retenir l(évaluation de l(expert pour sa totalité ;

Considérant qu(il résulte de tout ce qui précède qu(il y a lieu d(annuler le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 30 mars 1999 et de condamner Gaz de France à verser aux époux X la somme de 403.000 F, soit 61.436,95 euros, avec intérêts de droit à compter du 20 juillet 1993 date de la demande de paiement et capitalisation de ceux-ci le 30 janvier 1996 ;

Sur les autres conclusions des requérants :

Considérant que si les époux X demandent que Gaz de France soit condamné à leur verser la somme de 20.000 F de dommages et intérêts pour résistance abusive et manoeuvres dilatoires, ces conclusions présentées pour la première fois devant la Cour sont irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant qu(aux termes de l(article L 761-1 du code de justice administrative dans toutes les instances, devant les tribunaux administratives et les cours administratives d(appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l(autre partie la somme qu(il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l(équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d(office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu(il n(y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu(il y a lieu dans les circonstances de l(espèce de condamner Gaz de France à verser aux époux X la somme de 3.800 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 30 mars 1999 est annulé.

Article 2 : Gaz de France est condamné à verser aux époux X, une somme de 61.436,95 euros (soixante et un mille quatre cent trente six euros et quatre vingt quinze cents) avec intérêts de droit à compter du 20 juillet 1993 et capitalisation des intérêts au 30 janvier 1996.

Article 3 : Gaz de France est condamné à verser aux époux X la somme de 3.800 euros (trois mille huit cents euros) au titre des frais irrépétibles.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux époux X et à Gaz de France.

Copie en sera adressée à Me BERGUET se substituant à Me LESAGE, Me BUSSAC, le préfet de Vaucluse, au ministre de l(économie, des finances et de l(industrie et à l(expert GRISOLLE.

Délibéré à l'issue de l'audience du 4 décembre 2003, où siégeaient :

M. DARRIEUTORT, président de chambre,

M. GUERRIVE, président assesseur,

Mme LORANT, président assesseur,

Mme CHAVANT, premier conseiller,

M. MARCOVICI, premier conseiller,

assistés de Melle MARTINOD, greffière ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 22 janvier 2004

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Jean-Pierre DARRIEUTORT Jacques CHAVANT

La greffière,

Signé

Isabelle MARTINOD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 99MA00967


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 99MA00967
Date de la décision : 22/01/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. CHAVANT
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : LESAGE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-01-22;99ma00967 ?
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