La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/11/2003 | FRANCE | N°99MA01297

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 27 novembre 2003, 99MA01297


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 9 juillet 1999 sous le n° 99MA01297, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT ;

Le ministre demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 98-3231 en date du 12 mai 1999 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a relaxé la COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST (C.S.M.S.E.) des fins de poursuites pour contravention diligentée à l'encontre de cette dernière par le préfet de l'Aude pour dépôt de blocs de pierres sur une empris

e du domaine public maritime à Port-la Nouvelle ;

2'/ d'admettre l'ense...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 9 juillet 1999 sous le n° 99MA01297, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT ;

Le ministre demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 98-3231 en date du 12 mai 1999 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a relaxé la COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST (C.S.M.S.E.) des fins de poursuites pour contravention diligentée à l'encontre de cette dernière par le préfet de l'Aude pour dépôt de blocs de pierres sur une emprise du domaine public maritime à Port-la Nouvelle ;

2'/ d'admettre l'ensemble des demandes présentées par le préfet de l'Aude devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

Classement CNIJ : 24-01-01-02-01-02

24-01-03-01

C

Il soutient que la parcelle cadastrée BA 19 appartient de manière continue au domaine public maritime ; que l'acte d'adjudication du 16 mars 1791 est inopposable car la parcelle litigieuse est submersible hors circonstances exceptionnelles tant antérieurement que postérieurement à cet acte d'adjudication ; que le décret du 24 novembre 1977 n'emporte délimitation que du seul rivage de la mer, mais ne se prononce pas sur le régime des terrains limitrophes soustraits à l'action des flots qui ne relèvent plus du rivage naturel, contrairement à l'interprétation faite par le tribunal administratif ; que la parcelle en cause est incluse dans une zone d'aménagement portuaire ayant pour conséquence son exondement artificiel ; qu'à titre subsidiaire, les titres de propriété sont prescrits par une possession ininterrompue de l'Etat depuis plus de trente ans à la date des faits constitutifs de l'infraction ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 25 novembre 1999, le mémoire ampliatif présenté par le ministre de l'équipement, des transports et du logement qui maintient ses conclusions et demande, en outre, à la Cour :

- de dire que les faits décrits dans le procès-verbal du 5 juin 1998 constituent une contravention de grande voirie prévue et réprimée par les articles L.321-1, L.322-1 et R.322-2 du code des ports maritimes ;

- de condamner la C.S.M.S.E. à verser à l'Etat les amendes en application des articles susvisés ;

- de condamner la C.S.M.S.E. à retirer les blocs de pierre installés sur le domaine public maritime dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 2.000 F par jour de retard ;

- d'autoriser l'administration à retirer d'office, aux frais et risques de la C.S.M.S.E. les blocs de pierre mis en place sur le domaine public maritime, si l'arrêt n'a pas été exécuté dans un délai de quinze jours à compter de la notification ;

- de condamner la C.S.M.S.E. à verser à l'Etat la somme de 2.400 F correspondant aux frais d'établissement et de poursuites du procès-verbal de contravention de grande voirie ;

- de condamner la C.S.M.S.E. au paiement des frais de timbre, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

par les mêmes moyens que ceux précédemment développés ;

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 21 janvier 2000, le mémoire en défense présenté pour la COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST (C.S.M.S.E.), dont le siège est ..., par Me Fernand X..., avocat au barreau de Toulouse ; elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15.000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle fait valoir que le caractère exondé de la parcelle cadastrée section BA n° 19 ressort clairement des photographies aériennes de l'I.G.N. prises entre 1942 et 1986 ; qu'elle n'a pas été inondée lors des fortes pluies et vents violents du 24 novembre 1999 ; que le plan de délimitation du rivage de la mer du 21 juillet 1976 laisse clairement apparaître que le terrain en cause ne figure pas parmi les parties submergées ; que, s'agissant de la prétendue appartenance de la parcelle au domaine public portuaire, l'Etat ne peut étendre les limites d'un domaine public artificiel qu'à la condition préalable de s'être rendu propriétaire des parcelles destinées à constituer l'extension dudit domaine, par voie amiable ou forcée ; que la parcelle cadastrée BA n° 19 fait partie de l'apport du 14 octobre 1969 de la société méridionale salinière lors de sa fusion avec la C.S.M.S.E. ; que l'aire de stationnement réalisée sur cette parcelle n'a jamais été utilisée et n'est aucunement indispensable au bon déroulement des activités portuaires ; qu'il n'y a pas d'aménagement spécial, pas plus que l'Etat ne peut faire jouer la prescription acquisitive ; que l'acte déclaratif publié le 17 mars 1998 n'a pu avoir d'effet translatif au bénéfice de l'Etat de la propriété de la C.S.M.S.E. ;

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 19 septembre 2000, la requête en intervention présentée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui s'associe au recours présenté par le ministre de l'équipement, des transports et du logement en application des articles R.158, R.158-1 et R.159 du code du domaine de l'Etat par les mêmes moyens que ceux développés par ce ministre et en faisant valoir, en outre, que les documents relatifs à la procédure de délimitation de la rive Sud de l'étang de l'Ayrole opérée durant les années 1897 et 1900 confortent le caractère continu de la submersion de la parcelle en litige, alors que l'arrêté préfectoral du 5 mai 1992 portant extension du port de Port-la-Nouvelle l'a incluse dans le domaine public maritime artificiel ;

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 9 octobre 2000, le nouveau mémoire présenté pour la COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST (C.S.M.S.E.), par Me Fernand X..., avocat au barreau de Toulouse ; elle maintient ses conclusions à fin de rejet de la requête et de l'intervention du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie par les mêmes moyens ;

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 28 janvier 2002, le nouveau mémoire présenté pour la SA SALINS EUROPE, qui vient au droit de la COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST (C.S.M.S.E.), par Me Fernand X..., avocat au barreau de Toulouse ; elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15.000 francs (2.286,74 euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, par les mêmes moyens que ceux précédemment développés et, en outre, en faisant valoir que l'article 2232 du code civil dispose que les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession, ni prescription ; que C.S.M.S.E. n'ayant plus toléré à partir de 1998 ce qu'elle avait accepté auparavant, la prescription acquisitive au profit de l'Etat n'a pu jouer sur la parcelle BA 19, propriété de la C.S.M.S.E. ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des ports maritimes ;

Vu le code du domaine de l'Etat ;

Vu l'ordonnance de la marine d'août 1681 ;

Vu le décret du 21 février 1852 ;

Vu le décret du 24 novembre 1977 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2003 :

- le rapport de M. LAFFET, président assesseur ;

- les observations de Me X... pour la SA SALINS EUROPE ;

- et les conclusions de M. HERMITTE, premier conseiller ;

Considérant que, par jugement en date du 12 mai 1999, le Tribunal administratif de Montpellier a relaxé la COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST (C.S.M.S.E.) des fins de poursuites pour contravention de grande voirie diligentées à son encontre le 5 juin 1998 pour dépôts de blocs de pierre sur une emprise du domaine public maritime à Port-la-Nouvelle (Aude) ; que le ministre de l'équipement, des transports et du logement relève régulièrement appel de ce jugement ;

Sur l'intervention du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

Considérant qu'aux termes de l'article R.159 du code du domaine de l'Etat : Dans toute instance intéressant l'Etat, le service des domaines doit être appelé à intervenir dès lors que se trouveraient mis en cause, directement ou indirectement, la notion de domanialité publique ou les droits et obligations dont il lui appartient, aux termes de l'article R.158 et R.158-1 d'assurer la défense ou de demander l'exécution en justice ; qu'en application de ces dispositions, l'intervention du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie au soutien du recours formé par le ministre de l'équipement, des transports et du logement est recevable ;

Sur l'action domaniale :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du titre VII du livre IV de l'ordonnance d'août 1681 sera réputé bord et rivage de la mer tout ce qu'elle couvre et découvre pendant les nouvelles et pleines lunes, et jusqu'où le grand flot de mars se peut étendre sur les grèves, que l'article 2 du même titre dispose : Faisons défense à toutes personnes de bâtir sur les rivages de la mer, d'y planter aucun pieux ni faire aucuns ouvrage qui puissent porter atteinte à la navigation, à peine de démolition des ouvrages, de confiscation de matériaux et d'amende arbitraire ; que ces dispositions fondent les poursuites pour contravention de grande voirie pour les atteintes au domaine public maritime ;

Considérant, d'une part, que la parcelle désormais cadastrée BA n° 19, objet de la contravention de grande voirie dressée le 5 juin 1998 à l'encontre de la COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST (C.S.M.S.E.), faisait partie de biens nationaux vendus par acte d'adjudication du 16 mars 1791 ; qu'il n'est pas établi, du fait de l'imprécision du plan dressé en 1787, antérieurement à la date de cette vente, que cette parcelle ait été recouverte à cette époque par les plus hautes mers, au sens des dispositions précitées de l'ordonnance d'août 1681 sur la marine, et ait été incluse de ce fait dans le domaine public maritime ;

Considérant, d'autre part, que le ministre de l'équipement, des transports et du logement se prévaut néanmoins d'un plan établi en 1862 pour soutenir que la parcelle en litige pouvait être submergée par les plus hauts flots de l'année en l'absence même de circonstances exceptionnelles ; que, toutefois, en vertu de l'article 2 du décret du 21 février 1852 : Les limites de la mer seront déterminées par des décrets rendus sous la forme de règlements d'administration publique, tous les droits des tiers étant réservés ; que l'exactitude de la délimitation ainsi opérée peut être discutée à l'occasion de litiges concernant des mesures faisant application de celle-ci, sous réserve que des présomptions concordantes conduisent à supposer une modification de la situation de fait précédemment constatée ; qu'en l'espèce, la délimitation du rivage de la mer sur le littoral de la commune de Port-la-Nouvelle a été déterminée, sur le fondement des dispositions du décret précité par un décret du 24 novembre 1977, publié au journal officiel de la République française du 4 décembre 1977 ; que le plan annexé au procès-verbal concernant les opérations effectuées le 25 mars 1974 par la commission chargée de ladite délimitation, et visé par le décret dont s'agit, situe sans ambiguïté la parcelle en cause et, notamment, la partie de celle-ci où ont été installés les blocs de pierre, en dehors des limites du domaine public maritime naturel ; qu'il résulte de l'instruction que, depuis l'intervention du décret du 24 novembre 1977, cette parcelle est restée, en permanence, soustraite à l'action du flot de la mer, alors qu'il n'est pas établi que les travaux ayant pu conduire à son exondement à la fin du XIX siècle aient été réalisés irrégulièrement ; que, dès lors, le ministre de l'équipement, du transport et du logement ne saurait utilement se prévaloir de plans établis en 1862 pour soutenir que le terrain en litige peut être encore recouvert par les plus hautes mers en l'absence de circonstances météorologiques exceptionnelles ; que, par voie de conséquence, l'acte déclaratif de propriété dressé le 10 mars 1998 n'a pu légalement inclure la parcelle cadastrée section BA n° 19 dans le domaine public maritime naturel ;

Considérant, enfin, que si l'administration soutient qu'en vertu d'un arrêté préfectoral en date du 5 mai 1992, modifiant les limites du port de Port-la-Nouvelle ce terrain est désormais inclus dans le périmètre du port maritime, cet arrêté n'a pu, pour autant, avoir pour effet d'incorporer dans le domaine public portuaire un terrain situé en dehors du périmètre du domaine public maritime naturel et faisant partie d'un patrimoine privé ;

Considérant, en outre, qu'il n'est pas établi que l'Etat se soit comporté en propriétaire de cette parcelle depuis plus de trente ans ; qu'il ne saurait, en conséquence, se prévaloir de la prescription acquisitive résultant de l'article 2229 du code civil ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, dès lors que la parcelle cadastrée section BA n° 19 n'est pas incluse dans le domaine public maritime, le ministre de l'équipement, des transports et du logement n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 12 mai 1999, le Tribunal administratif de Montpellier a prononcé la relaxe de la COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST (C.S.M.S.E.) des fins de poursuites qui avaient été diligentées à son encontre pour contravention de grande voirie ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST (C.S.M.S.E.), qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à l'Etat (ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer) la somme qu'il demande au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, qu'en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat (ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer) à payer à la SA SALINS EUROPE qui vient aux droits de la COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST (C.S.M.S.E.) une somme de 1.000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : l'intervention du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est admise.

Article 2 : Le recours du ministre de l'équipement, des transports et du logement est rejeté.

Article 3 : L'Etat (ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer) versera à la SA SALINS EUROPE une somme de 1.000 (mille euros) au titre l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, à la SA SALINS EUROPE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré à l'issue de l'audience du 13 novembre 2003, où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre,

M. LAFFET, président assesseur,

M. CHERRIER, premier conseiller,

assistés de Mme RANVIER, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 27 novembre 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Marc ROUSTAN Bernard LAFFET

Le greffier,

Signé

Patricia RANVIER

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 99MA01297


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA01297
Date de la décision : 27/11/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: M. LAFFET
Rapporteur public ?: M. HERMITTE
Avocat(s) : BOUYSSOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-11-27;99ma01297 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award