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24/11/2003 | FRANCE | N°99MA02003

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5eme chambre - formation a 3, 24 novembre 2003, 99MA02003


Vu, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 1er octobre 1999 sous le n° 99MA02003, la requête présentée par télécopie par Maître Corinne Imbach, avocat pour Mme et M. François X, demeurant ... ;

M. et Mme X demandent que la Cour :

1'/ annule le jugement en date du 29 juin 1999 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande d'annulation de la décision implicite de rejet opposé par la ville de Nice à une demande d'emplacement sur son champ de foire au cours des fêtes de fin d'année 1994 ;

2'/ condamne la vill

e de Nice à leur verser :

- une somme de 150.000 F en réparation du préjudice m...

Vu, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 1er octobre 1999 sous le n° 99MA02003, la requête présentée par télécopie par Maître Corinne Imbach, avocat pour Mme et M. François X, demeurant ... ;

M. et Mme X demandent que la Cour :

1'/ annule le jugement en date du 29 juin 1999 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande d'annulation de la décision implicite de rejet opposé par la ville de Nice à une demande d'emplacement sur son champ de foire au cours des fêtes de fin d'année 1994 ;

2'/ condamne la ville de Nice à leur verser :

- une somme de 150.000 F en réparation du préjudice moral et commercial qu'ils ont subi en raison de l'illégalité de la décision administrative attaquée, augmentée des intérêts légaux décomptés à partir du 9 octobre 1994 ;

- une somme de 20.000 F au titre des frais de recours non compris dans les dépens ;

Classement CNIJ : 135 - 02 - 03 - 02 - 06 - 04

C

Ils soutiennent :

- que le tribunal administratif de Nice a commis une erreur en jugeant tardive la requête de première instance dès lors que le document date du 30 mai 1994 pris en compte pour le calcul du délai de recours ne constituait qu'un projet de courrier adressé au conseil des requérants que la commune de Nice ne peut prouver avoir reçu ;

- que le contenu de la lettre du 8 juin 1994 adressée au maire de Nice, ainsi que celui des pièces produites, ne peuvent laisser subsister aucun doute à cet égard ;

- que déjà en 1986 les époux X ont été empêchés d'utiliser l'emplacement occupé les années précédentes et remplacés par un forain exerçant une activité identique ;

- que suite à un précédent recours de même nature le Conseil d'Etat leur a donné raison par un arrêt intervenu le 2 décembre 1992, lequel n'a été appliqué par la commune de Nice ni en 1993 ni en 1994 ;

- que la commune ne peut justifier sa décision comme elle le fait par une meilleure utilisation du domaine public dès lors qu'elle a procédé au remplacement d'un manège de karting par un manège identique ;

- que les dispositions du code des communes, prises en son article L.131-2, instaurent un droit à occupation égal pour tous qui ne peut se justifier par un objectif privé ou de protectionnisme local ;

- que les décisions de cette nature ne peuvent être justifiées que par des considérations relatives au maintien de l'ordre public, à l'inobservation des règlements locaux des marchés, à la fidélité du débit des denrées, au bon fonctionnement du marché ou une meilleure utilisation du domaine public, lesquelles ne sont pas opposables en l'espèce ;

Vu l'original de la requête, en régularisation, enregistrée le 5 octobre 1999, adressée pour les époux X à la Cour par voie postale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense transmis au greffe de la Cour par télécopie le 17 janvier 2000 et régularisé par voie postale le 18 janvier 2000, présenté pour la commune de Nice représentée par son maire en exercice et par la S.C.P. d'avocats Lestrade - Césari ;

La commune conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme et M. X à lui verser une somme de 20.000 F au titre des frais engagés dans le cadre du litige et non compris dans les dépens ;

Elle fait valoir :

- que la requête de première instance présentée le 14 décembre 1994 est tardive dès lors que la demande d'autorisation du 8 juin 1994 n'est que confirmative de celle qui a été présentée le 30 mai 1994 portant sur un objet identique ;

- que dans le cadre du pouvoir d'appréciation dévolu à l'administration en vertu de l'article L.2212-1 du code général des collectivités territoriales le maire a la possibilité de choisir librement entre les forains qui présentent des qualités équivalentes ;

- que les époux X n'ont par suite pas été victimes d'un choix discriminatoire dès lors qu'ils ne démontrent pas en quoi les principes d'attribution qu'ils citent eux-même auraient été méconnus ;

- qu'en tout état de cause les requérants ne démontrent pas la réalité du préjudice subi et ne justifient pas le montant des dommages et intérêts réclamés ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 mai 2000, présenté pour les époux X et par lequel ils concluent aux mêmes fins, par les mêmes moyens ; ils font, en outre, valoir que le maire de Nice n'établit pas que le refus dont ils sont victimes trouve son fondement dans les dispositions légales ou réglementaires applicables à l'espèce dans la mesure où l'emplacement dont ils jouissaient depuis 1981 a été attribué sans explication à l'un de leurs concurrents directs ;

Vu, enregistré le 15 octobre 2003, le mémoire présenté pour les époux X qui concluent aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2003 :

- le rapport de M. Francoz, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, qu'il ressort du contenu de la note manuscrite des époux X, datée du 30 mai 1994, que celle-ci n'était pas destinée à la ville de Nice mais à leur propre avocat qu'ils chargeaient alors explicitement de présenter en leur nom au maire de cette collectivité territoriale une demande d'emplacement sur le champ de foire et, d'autre part, que le descriptif technique daté du même jour, joint à la note manuscrite précitée, a bien été repris en annexe du courrier adressé le 8 juin 1994 par l'avocat des requérants au maire de Nice et réceptionné par ce dernier le 16 juin 1994 ; qu'il suit de là que le refus dont pouvaient se prévaloir les époux X est né le 17 octobre 1994 seulement et que la demande dirigée conte le refus implicite du maire de Nice de leur accorder un emplacement à la foire de fin d'année enregistrée le 14 décembre 1994 au greffe du tribunal administratif de Nice a bien été présentée dans le délai de deux mois prescrit par l'article R.102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur ; que c'est par suite à tort que le tribunal administratif de Nice l'a rejetée comme tardive ; que, d'autre part, il ressort également dudit jugement que celui-ci a omis de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par M. et Mme X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué est ainsi entaché d'irrégularité et doit être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par les époux X devant le tribunal administratif ;

Sur la légalité de la décision implicite du Maire de Nice portant refus d'attribuer à M. et Mme X un emplacement sur le champ de foire :

Considérant que pour justifier la décision implicite de refus opposée aux époux X le maire de Nice invoque la liberté de choix dont il disposerait en la matière pour attribuer ou non l'emplacement sollicité à l'occasion de la foire prévue du 3 décembre 1994 au 8 janvier 1995 ; que toutefois le pouvoir d'appréciation dont dispose le maire, pour large qu'il puisse être, ne saurait revêtir un caractère purement discrétionnaire et s'exerce, en tout état de cause, sous le contrôle par le juge de l'excès de pouvoir de la légalité des motifs d'une telle décision individuelle de refus, de nature à faire grief aux demandeurs ;

Considérant que pour motiver la décision attaquée, l'autorité communale excipe en premier lieu du caractère prématuré de la demande d'emplacement qui lui avait été présentée le 8 juin 1994 et, en second lieu, de l'insuffisance des emplacements disponibles nécessitant un choix de sa part entre des installations ludiques aux caractéristiques identiques ; que le premier de ces motifs est dépourvu de base légale dès lors qu'il ne ressortit ni aux dispositions de l'arrêté municipal du 23 septembre 1994 portant réglementation de l'activité des métiers forains pendant la foire attraction de Nice du 3 décembre 1994 au 8 janvier 1995 ni à aucune autre disposition légale ou réglementaire applicable à l'espèce ; que le second motif repose sur des circonstances matériellement inexactes dès lors qu'il est constant que l'emplacement sollicité a été attribué pour l'année considérée à un concurrent direct des requérants sans qu'il soit démontré que la bonne utilisation du domaine public le nécessite et alors même que Mme et M. X soutiennent, sans être réellement contestés, que leur installation foraine correspond mieux aux besoins des usagers et présente des caractéristiques qu'ils ont détaillées dans leur demande susvisée, également mieux adaptées à l'emplacement sollicité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision implicite de refus opposée par le maire de Nice aux requérants est entachée d'excès de pouvoir et qu'elle doit, dès lors, être annulée ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant qu'en prenant la décision irrégulière précitée la ville de Nice a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que les requérants établissent avoir subi, un préjudice direct et certain qui trouve son origine dans les troubles apportés à l'exercice normal de leur activité et dont il sera fait une juste appréciation en condamnant la ville de Nice à leur payer une somme de 10.000 euros tous intérêts compris à la date du présent arrêt ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner la ville de Nice à payer à Mme et M. X une somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Considérant, en second lieu, que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que M. et Mme X, qui ne sont pas la partie perdante, soient condamnés à payer à la commune la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 29 juin 1999 et la décision implicite de refus susvisée née le 17 octobre 1994 et opposée par le maire de Nice à M. et Mme X sont annulés.

Article 2 : La ville de Nice versera à M. et Mme X la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande devant le tribunal administratif de Nice et de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la ville de Nice aux fins d'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux époux X et à la ville de Nice.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes Maritimes.

Délibéré à l'issue de l'audience du 20 octobre 2003, où siégeaient :

Mme Bonmati président de chambre,

M. Moussaron, président assesseur,

M. Francoz, premier conseiller,

assistés de Mlle Ranvier, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 24 novembre 2003.

Le président, Le rapporteur

Signé Signé

D. Bonmati P.G. Francoz

Le greffier,

Signé

P. Ranvier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

99MA02003


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA02003
Date de la décision : 24/11/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BONMATI
Rapporteur ?: M. FRANCOZ
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : IMBACH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-11-24;99ma02003 ?
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